Avec l'épidémie de coronavirus, les ventes de Saint-Pourçain et de Côtes d'Auvergne se sont effondrées. Les stocks de vins, trop importants en France, présagent un effondrement des prix. Pour sauver la filière, les Auvergnats sont appelés à consommer local.
La filière viticole est, elle aussi, touchée par l’épidémie de coronavirus COVID 19. Avec le confinement, les vignerons et les caves ont stoppé la vente de Côtes d’Auvergne et de Saint-Pourçain. Autre problème, la mise en bouteille des vins en cuve a été arrêtée, les stocks sont au plus haut et les prochaines vendages approchent.
Effondrement des ventes
La fermeture administrative des cafés, restaurants et hôtels a fait disparaître le principal canal de distribution de la filière viticole. "Cela fait deux mois que nous ne vendons quasiment plus de bouteilles" explique Pierre Desprat, directeur général d’une cave indépendante à Veyre-Monton, près de Clermont-Ferrand, qui travaille avec 62 coopérateurs. "Au printemps normalement, les bars et restaurants passent commande et remplissent leur cave en prévision de l’été. Mi-mars, les 3 800 restaurants avec lesquels nous travaillons dans le Massif Central et à Paris ont stoppé toutes leurs commandes" se désole-t-il. Résultat, la Cave Saint-Verny au mois d’avril enregistre 80% de baisse de son chiffre d’affaires. La société fournit actuellement les rares cavistes restés ouverts et quelques commerces alimentaires, essentiellement en vin en cubis.Frédéric Germain, directeur général de la cave de Saint-Pourçain, qui travaille avec 40 familles de vignerons fait le même constat. "La moitié de notre activité repose sur les bars, les restaurants et le tourisme. Donc, j’ai perdu plus de la moitié de mon chiffre d’affaires". D’ordinaire à cette période il écoule 120 000 bouteilles, ce mois d’avril, il a vendu 6 000 bouteilles. "Ce que nous n’avons pas vendu aujourd’hui, nous ne le vendrons pas demain" souligne Frédéric Germain. Puis il ajoute : "Notre consommation ne va pas évoluer. Demain nous n’allons pas boire deux fois plus pour rattraper cette période". La cave de Saint-Pourçain continue de fournir les grandes et moyennes surfaces. "Heureusement que des commerces sont restés ouverts, cela nous permet de continuer un peu notre activité. Nous les fournissons comme d’ordinaire. La consommation en vin n’a pas augmenté et n’a pas baissé non plus, elle est stable".
Des bars, restaurants et hôtels toujours fermés
A ce jour, le gouvernement a annoncé un déconfinement à partir du 11 mai. Si les commerces sont autorisés à rouvrir leurs portes, il n’en est rien pour les bars, les restaurants, les hôtels et le secteur du tourisme. La filière viticole ne sera donc pas relancée dans les prochains jours.
"Quand ces commerces vont-ils rouvrir? Quelles vont être les conditions? Les restaurants vont-ils servir seulement une table sur deux? Les quantités de vins consommées dépendront de toutes ses réponses" s’interroge Pierre Desprat. Et son confrère, Frédéric Germain d’ajouter : "Même si les bars et restaurants ouvrent, les gens n’auront pas forcément envie d’y aller par peur du virus. Avec des serveurs masqués et gantés, les gens ne seront pas tous enclin à faire la fête et a partagé un bon verre".
Les touristes également consomment des vins de Côtes d’Auvergne et de Saint-Pourçain. La saison touristique elle aussi est au point mort. A l’arrêt également, les évènements culturels et artistiques. "Tous les évènements qui drainaient de la population ont été annulés" constate également Pierre Desprat.
Les cuves sont pleines et les vendanges approchent
Autre problème rencontré pendant le confinement. La filière a cessé de mettre le vin en bouteilles. Et dans trois mois, il va falloir accueillir la nouvelle vendange. "Les cuves sont pleines. Nous avons encore du vin de 2018 et la production 2019. Normalement à cette période nous sortons 300 000 bouteilles de vins d’Auvergne" explique le directeur général de Desprat Saint-Verny. A Saint-Pourçain, les cuves aussi sont pleines. "Nous avons plus de 100 000 litres en cuve, c’est énorme. Ce que nous n’avons pas mis en bouteilles, nous l’avons sur les bras" soupire Frédéric Germain.Les cuves de vins, en Auvergne, comme partout en France sont pleines. C’est pourquoi les députés européens ont demandé à la commission européenne d'autoriser, en urgence, la distillation de crise et d’aider via des subventions. Objectif : libérer les cuves de vin pleines alors que les vendanges approchent, éviter un effondrement des prix et permettre aux viticulteurs de générer des revenus en vendant le vin pour en extraire l'alcool. L’Europe a refusé de subventionner la filière et à renvoyer, la décision, à chaque pays.
Le directeur général de la cave de Saint-Pourçain réfléchit à la distillation et n’exclut pas cette solution. Il précise cependant que "c’est un choix lourd de conséquences" et que l’utilisation de ce process serait une première. "Si je ne distille pas, il y a aura trop de vins sur le marché et les prix risquent de s’effondrer au profit notamment des grandes surfaces. Si je choisis de distiller, je vide mes cuves, je renfloue ma trésorerie et je connais le prix de vente. Alors que le vin que je braderai plus tard je ne connais pas son prix" explique-t-il. Frédéric Germain, conclut en disant, qu’il prendra sa décision prochainement après avoir fait le point avec son œnologue et en fonction des volumes restants et des prévisions des volumes à venir faites par les vignerons.
Pierre Desprat, le directeur général d’une cave indépendante à Veyre-Monton, refuse catégoriquement de recourir à la distillation : "Ce sera vraiment en dernier, dernier recours. On parle quand même de destruction du vin. Ce n’est pas envisageable pour le moment. Nous verrons au mois d’août si la situation a évolué ou non". Pour l’heure, il tente de trouver d’autres solutions. Il mise sur la consommation locale, relance la vente sur internet et envisage aussi de trouver d’autres cuves pour stocker la production. Il pense également à des solutions d’entraide, comme par exemple, mettre en place des facilités de paiements avec les bars et les restaurants dès leur réouverture.
Gilles Vidal, président du syndicat des AOC Côtes d’Auvergne souligne : "Nous ne distillerons pas. Nos quantités de production sont petites par rapport aux grands vignobles. Nous ne pouvons pas nous le permettre". Puis il ajoute : "La France table sur la distillation d’au moins 3 millions d’hectolitres de vins excédentaires. Cette quantité permettrait de libérer la place pour la récolte à venir. Si nous ne le faisons pas, les prix vont s’effondrer. C’est déjà le cas, par exemple, des Côtes de Provence Rosé. Ils viennent de le mettre en vente à 1 euro 50 la bouteille. Nous ne pourront jamais nous aligner, ici, sur de tels prix".
La filière lance un appel aux Auvergnats
Pour relancer les ventes, la filière viticole compte sur le patriotisme auvergnat. "Nous voulons inciter les gens à boire local. Il faut aussi que les commerces pensent à nous et mettent en avant nos produits" insiste Gilles Vidal. "Si les gens ne partent pas cet été qu’ils restent ici, j’espère qu’ils consommeront des vins de chez eux". Il conclut en disant : "Je suis très inquiet, la filière souffre actuellement et le travail dans les vignes ne s’est jamais arrêté. Il faut vraiment que l’on soit soutenu".Pierre Deshors, président de la Fédération viticole du Puy-de-Dôme, indique : "Avec tous les acteurs économiques locaux, la filière viticole a été reçue, mercredi 6 mai, en préfecture du Puy-de-Dôme. Viande, fromage, vin… nous avons tous évoqué nos difficultés. Nous allons tous travaillé main dans la main pour promouvoir les produits auvergnats. Il faut que les gens mangent et boivent local". Il ajoute également : "La Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) nous a proposé d’être notre relai auprès de tous les acteurs du commerce au sens large. Nous sommes également en relation étroite avec la Chambre d’Agriculture". En tout cas, le message est clair : la filière viticole a besoin des Auvergnats pour sauver les vins de Côtes d’Auvergne et de Saint-Pourçain.