Des cerises contaminées au diméthoate ou infestées de mouches? Par souci de santé publique, l'Etat a interdit l'utilisation du diméthoate. Mais l'insecticide, qui protège les fruits d’un moucheron dévastateur, n'est pas encore interdit dans toute l'Europe. D'où la grogne des producteurs.
Chaque année, on les voit arriver avec bonheur sur les étals des marchés, les cerises sont annonciatrices de l'été. Sauf que cette fois, elles sont au coeur d'un véritable casse-tête pour les autorités françaises.
Santé publique ou survie des producteurs?
Tout commence le 1er février dernier. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) prend la décision de retirer du marché le diméthoate. Un insecticide organophosphoré déjà interdit pour la plupart des productions mais encore autorisé pour les cerises.Ce produit est accusé d’avoir des effets dévastateurs sur la santé. Il ferait courir des "risques inacceptables" aux consommateurs et professionnels, selon les autorités. Problème, les agriculteurs en ont besoin pour protéger leurs récoltes.
Depuis près de 5 ans, les fruits rouges, et notamment les cerises, sont la cible d’un moucheron dévastateur venu d’Asie: la drosophile suzukii. Un moucheron qui a pour particularité de s'attaquer aux fruits qui arrivent à maturité. Il se reproduit à une vitesse folle.
Les producteurs se trouvent donc complètement démunis face à ces insectes qui ruinent leurs récoltes.
>> Drosophile suzukii : un insecte dévastateur qui se reproduit à une vitesse folle
Quelles alternatives?
D'autres molécules chimiques peuvent être utilisées, comme les spinosines ou le cyantraniliprole, mais elles sont plus chères et seraient beaucoup moins efficaces, étant donné la rapidité de reproduction du moucheron.
La concurrence étrangère
Les producteurs français s’inquiètent aussi de la concurrence étrangère, car l'insecticide n’est toujours pas interdit sur l'ensemble de l'Europe. Le ministère de l’Agriculture a demandé fin mars à la Commission européenne d’interdire en urgence le diméthoate dans toute l’Union, ainsi que la mise sur le marché des cerises provenant des pays ou d’Etats membres dans lesquels le produit est autorisé. Prévu pour le début de cette semaine, l’avis de l’EFSA (l'Autorité européenne de sécurité des aliments) n'est toujours pas connu ce vendredi 8 avril.Soit l'avis de l'EFSA confirme le risque, et cela justifiera une décision d'interdiction. Soit la réponse est négative, et dans ce cas la France déclenchera une clause de sauvegarde nationale pour interdire la commercialisation dans l'Hexagone de cerises traitées au diméthoate, une mesure très rarement déclenchée.
Le ministère indique que, dans tous les cas, il aura pour ligne de conduite "autant la santé du consommateur que le souci d'éviter une distorsion de concurrence pour les producteurs".
Résultat, les cerises risquent d’être rares et chères cette saison même si les cerisiers ont fait le plein de fleurs.
Reportage chez Jean-Paul Guilhermet, un producteur de cerise de Saint-Hilaire-du-Rosier, en Isère, de Xavier Schmitt, Yves-Marie Glo, Laëtitia Di Bin et Philippe Espitallier