C’est l’histoire d’une énergique savoyarde devenue au XIXe la première chercheuse d’or de l’Ouest américain. Marie Suize, en avance sur son temps, est tombée dans l’oubli. Avec « Marie Suize Pantalon, itinéraire d’une pionnière » François Gaillard lui rend hommage. C’est dans la France en Vrai.
Marie Suize a 19 ans quand elle quitte ses montagnes. D’abord pour Paris, puis pour la Californie. Nous sommes en 1850, en pleine ruée vers l’or. Associée à un Français, elle prend rapidement la tête d’une concession. Les témoignages rapportent qu’elle travaillait comme n’importe quel homme, fumait la pipe et maniait avec la même dextérité la pelle, la pioche et le revolver.
Trois procès pour un pantalon
Dans une Amérique puritaine et machiste, si personne ne conteste sa force de travail, Marie Suize ne passe pas inaperçue. Elle boit, jure, tire au revolver, est célibataire et en plus, elle s’habille comme un homme ! « Elle avait troqué la robe pour le pantalon bien plus pratique, explique Suzan Butruille, écrivaine américaine. Mais il y avait une loi en Amérique qui interdisait le travestissement et porter un pantalon pour une femme était se travestir. C’est une différence qu’elle a très vite affichée et assumée. Et, parce qu’elle porte le pantalon, elle fera l’objet de trois procès. » Le dernier, dans la ville de Jackson, en 1871, va lui changer la vie. Les médias vont s’intéresser à cette femme qui tient tête aux institutions. Elle reçoit le soutien des premières suffragettes et celui d’autres femmes au militantisme moins affiché. « Mary Pants » comme on la surnomme va réussir, dans l’Etat de Californie, à faire changer la loi. Ici, au moins, les femmes pourront se vêtir comme elles le souhaitent. Et désormais sa signature sera : Marie Suize Pantalon.
Le célibat en bandoulière, garantie de liberté
Marie Suize Pantalon ne va pas se contenter de mines d’or. Elle va commercer, planter de la vigne. Un cépage toujours exploité dans son ranch « Secreta Gulch ». Le vin qui y est aujourd’hui produit porte son nom. Selon Anne Verjus, chercheuse au CNRS, spécialiste de la citoyenneté des femmes et du féminisme « Elle (Mary Pants) avait du cran et devait être sacrément débrouillarde et intelligente. Mais cette liberté qu’elle a osée, qu’elle a pu vivre, c’est aussi parce qu’elle était célibataire et ne devait rien à personne. »
Sortir Marie de l’oubli
Le 8 janvier 1892, les journaux américains annoncent la mort de Marie Suize Pantalon emportée par une pneumonie. Celle qui avait amassé une colossale fortune meurt ruinée. Les jeux de bourse et du hasard ont eu raison de ses économies. Enterrée dans l’anonymat à Jackson, il faudra attendre 2004, pour qu’une stèle à son nom soit érigée.
En France, du côté de Thônes, quelques-uns se battent pour faire vivre la mémoire de cette pionnière dans bien des domaines.
Un parcours atypique retracé dans le film de François Gaillard : « J’ai rencontré Marie dans un vieux magazine chez mes parents. Dans mon imaginaire, la ruée vers l’or, c’était des hommes à la barbe poussiéreuse. Il me manquait donc une partie de l’histoire. C’est cette partie que j’ai voulu raconter. »
"Marie Suize Pantalon, itinéraire d’une pionnière", un film réalisé par François Gaillard (19 nuits productions), diffusé le lundi 8 mars 2021 à 22h50 dans la case documentaire "La France en vrai" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et en replay ci-dessous jusqu'au 7 avril 2021.