Le groupe Gerflor, fabricant de lino, vient d'écoper d'une amende record, infligée par l'Autorité de la concurrence. A Saint-Paul-Trois-Chateaux, une partie des 550 salariés est en colère.
Selon nos confrères de France bleu Drôme Ardèche, les représentants du personnel s'interrogent sur l'issue des prochaines négociations salariales, prévues début novembre. Cette lourde amende, qui représente 10% du chiffre d'afaire de Gerflor, pourrait avoir un effet négatif sur cette échéance. Un Comité Central d'Entreprise Extraordinaire est prévu le 7 décembre prochain pour évoquer cette affaire pas comme les autresL'Autorité de la concurrence a en effet annoncé jeudi 19 octobre avoir infligé des amendes d'un total de 302 millions d'euros aux trois principaux fabricants de revêtements de sol en France et à leur syndicat professionnel, pour entente illégale notamment sur les
prix.
"Réunions secrètes dans des hôtels", "lignes téléphoniques dédiées", "pacte de non-concurrence sur la communication environnementale": les groupes Forbo, Gerflor et Tarkett ont échafaudé "un plan d'ensemble visant à réduire drastiquement, voire
à totalement supprimer la concurrence" dans le secteur des sols en PVC et linoléums, a souligné l'Autorité dans un communiqué.
"C'est vraiment allé très, très loin", a commenté la présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, en évoquant un cartel "assez exceptionnel par sa dimension et sa durée".
L'enquête de l'Autorité a été ouverte en 2012, suite à un signalement de la Répression des fraudes (DGCCRF), et en mars 2013 des perquisitions et des saisies ont eu lieu dans les locaux de Forbo, Gerflor, Tarkett et de leur syndicat professionnel, le SFEC.
Les investigations ont mis au jour des pratiques anticoncurrentielles remontant pour certaines au début des années 1990."Ni les entreprises, ni le syndicat n'ont contesté les faits", a noté l'Autorité de la concurrence.
Entre 2001 et 2012, les entreprises concernées pesaient à elles trois 85% du marché destiné aux professionnels du bâtiment et 65% du marché pour la distribution grand public. "Un poids économique très considérable" dans ce secteur, a-t-on fait valoir
à l'Autorité de la concurrence.
Le gendarme de la concurrence a constaté trois grandes infractions, et en premier lieu une entente sur "de nombreux aspects de la politique commerciale", dont les prix.
De la fin 2001 à 2011, Forbo, Gerflor et Tarkett se sont rencontrés secrètement une trentaine de fois pour discuter des prix minimum de
leurs produits et des hausses de prix pour chaque catégorie de revêtements de sols.
Ils échangeaient aussi sur la stratégie à l'égard des clients, sur la politique de recrutement et même sur des échantillons de nouveaux produits.
Ces réunions avaient lieu dans des hôtels et restaurants, mais les dirigeants de ces sociétés avaient aussi mis en place un système d'échanges téléphoniques occultes, avec neuf lignes dédiées pour discuter discrètement.
Auparavant, dès le début des années 1990, les entreprises avaient mis en place un échange d'informations confidentielles au sein même du syndicat SFEC. Elles partageaient des données précises sur leurs volumes d'activité, leurs chiffres d'affaires par produit et leurs prévisions commerciales.
Un palier supplémentaire a été franchi en 2002, avec la signature d'une "charte interdisant à chaque entreprise de communiquer sur les performances environnementales individuelles de ses produits", le document visant explicitement à éviter ce qu'il
décrit comme un "dangereux marketing vert". Ce pacte de non-concurrence en matière de communication environnementale a été
retenu pour la première fois comme une infraction de cartel par l'Autorité de la concurrence.
La "particulière gravité "des infractions, "leur caractère massif et institutionnalisé",ont conduit l'Autorité de la concurrence à prononcer de lourdes amendes, même si Forbo et Tarkett ont obtenu des "réductions substantielles" en raison de leur collaboration
à l'enquête.
Le groupe Tarkett est le plus durement sanctionné, à hauteur de 165 millions d'euros. Forbo a reçu une amende de 75 millions, Gerflor devant luis'acquitter de 62 millions, tandis que le syndicat professionnel SFEC écope de
300.000 euros.
Le montant total (302,3 M EUR) se situe au 7e rang des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence.