Maurice Fleschet est un producteur de lavande à Grignan, dans la Drôme. Ses cultures sont menacées par des sécheresses à répétition. Il a saisi la justice pour dénoncer l’inaction climatique de l’Etat. Une première audience se tient ce jeudi 14 janvier au tribunal administratif de Paris.
On l’appelle "l’Affaire du siècle". Ce jeudi 14 janvier 2021, devant la justice, c’est une étape clé pour les défenseurs du climat qui espèrent la reconnaissance d'une défaillance de l'Etat dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Deux ans après le lancement de cette procédure, accompagnée de 2,3 millions de signataires d'une pétition en ligne sans précédent, les quatre ONG requérantes - Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France - ont retrouvé les représentants de l'Etat devant le tribunal administratif de Paris.
"Il y a bien une faute de l'Etat à n'avoir pas respecté sa trajectoire" de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a déclaré le rapporteur publique, proposant au tribunal de reconnaître la "carence fautive" de l'Etat dans ce qu'elle a qualifié de "premier grand procès climatique en France"
Dans cette action, il y a notamment un lavandiculteur de Grignan en Drôme provençale. Maurice Feschet. Avec onze famille de différents pays, (éleveurs de chèvres au Kenya, apiculteur au Portugal notamment) il a déposé plainte auprès de la cour de justice européenne (CJUE) contre le parlement et le conseil européen pour "inaction climatique".
"Depuis 1900, la températures a augmenté de 1,4° en France, contre 0,9° pour le reste du monde. Et ce n'est pas sans conséquences. La situation s'est aggravée, surtout ces cinq dernières années. Des épisodes de sécheresse, de gel au printemps, de fortes pluies, devenus récurrents."
Sur l'exploitation de 50 hectares, la seule production de lavande n'est plus suffisante. Le fils de Maurice Feschet qui gère aujourd'hui la ferme a développé en parrallèle un élevage de poules pondeuses et son épouse a ouvert un magasin de vente de poissons.
"Nous avons perdu 40% de revenus ces dernières années, nous sommes obligés de diversifier nos activités"
Pour la production familiale des Fleschet en huile essentielle de lavande AOC, la surface des plans a été étendue mais les rendements se sont fortement réduits. "Il faut prendre conscience que la dégradation de l’écosystème va très vite" poursuit le septuagénaire.
Une législation plus contraignante
L'action de Maurice Fleschet et des dix autres plaignants s'est engagée au motif notamment que l’objectif fixé par l’Union Européenne d’une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 est trop faible pour garantir les droits fondamentaux à la vie.
"L’Etat doit protéger ses citoyens, c'est inscrit dans la Constitution" poursuit Maurice Fleschet. "Nos gouvernants sont sensés préserver la qualité de vie de chacun. Pour obtenir un changement, il faut une législation plus contraignante."
Concernant l'aboutissement de cette procédure, Maurice Fleschet ne se fait "pas trop d'illusions" et n'attend pas d'indemnités. Il entend surtout interpeller ses concitoyens et espère que la prise de conscience de l'urgence de la situation entraînera un changement des comportements.
"J'espère simplement que mon petit-fils de 5 ans pourra plus tard, s'il le souhaite, continuer à cultiver les champs de lavande de l'exploitation familiale."