Quelques jours ont suffi pour que la prochaine récolte de lavande soit perdue. Sur le plateau d'Albion, dans la Drôme, les lavandiculteurs sont catastrophés, une chenille méconnue a dévoré des champs entiers. Ils ne savent pas si leurs plants survivront à cette attaque.
Le vent du Sud ne dépose pas que du sable sur les automobiles. Cet été, il a également apporté des papillons qui ont pondu par milliers. Les larves sont devenues chenilles et leur appétit ravageur met en péril la future récolte de lavande.
Une chenille méconnue
"C’est une chenille qui arrive avec le vent d’Afrique, le Siroco", explique Rudy Usseglio, producteur de lavande et lavandin sur le plateau d'Albion. "Le vent transporte les papillons. Il y avait des pièges sur le secteur qui fonctionnent avec des phéromones. Cependant, si vous ne mettez pas les bonnes phéromones, vous ne capturez pas les bons papillons. Nous sommes en train de faire l’analyse ADN des chenilles, pour déterminer si ce sont de nouvelles noctuelles."(NDLR : nom donné à de nombreuses espèces de papillons nocturnes ou crépusculaires.)
Des attaques dévastatrices, le plateau en a déjà connues, mais ce qui frappe dans cette invasion, c'est la fulgurance. Les plants ont été décimés en cinq jours, des centaines d'hectares, dépouillés de leur couleur "lavande", sont devenus gris.
Une attaque massive et fulgurante
Rudy Usseglio exploite 200 hectares de cultures situées entre les Alpes-de-Haute-Provence et la Drôme."Pour l’instant, nous ne sommes pas capables d’affirmer que la plantation va survivre, tant l’attaque est forte. Ce sera peut-être une double peine : la perte de la récolte et la perte du plant sur notre secteur," déplore-t-il.
"Sur ces 40 hectares, reprend-il, la plus vieille plantation a cinq ans. Il est clair que les plantations ne sont pas encore amorties par les cultivateurs."
Bernard Granet est président de la coopérative des producteurs de lavande des cinq départements autour du mont Ventoux, avec Rudy Usseglio, ils sillonnent les parcelles et constatent le désastre.
"J’ai 59 ans, ça fait plus de 35 ans que je fais ce métier, dit Bernard Granet, c'est une catastrophe, je n'ai jamais vu ça ! Il y a déjà eu des attaques par ici, mais pas de cette ampleur."
L'avenir des producteurs de lavande menacé
Il saisit un brin et montre à quel point la tige de la plante est dévorée. "Regardez, c’est gris de partout, les chenilles sont en train de manger les feuilles qui restent, ce qui signifie que la plante va être épuisée et ne repartira pas. Il faudra très probablement arracher."
"Aujourd’hui, tout est anéanti, les parcelles sont en train de disparaître, en tant que président de la coopérative, les producteurs m’appellent tous les jours. -"Dis Bernard, qu’est-ce qu’on va faire ? on n'a plus rien ! "
Depuis trois ans, le marché est moins porteur. " Économiquement, explique Bernard Granet, c’est un drame, je le vois dans mon village, Revest du Bion, les jeunes qui voulaient reprendre les exploitations, on leur dit de ne pas le faire."
"Cela touche un secteur historique, de la Drôme, le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence, le plateau de Valensole et jusqu’en Ardèche, détaille le lavandiculteur. 95 % des producteurs sont touchés, si la plante est touchée… Rendez-vous compte des investissements que ça coûte à l’hectare de replanter.Il n’y a pas d’assurance contre cela" conclut-il.
Des répercussions attendues sur le tourisme
Les professionnels de la lavande demandent l'aide de l'état, car ils redoutent l'impact de cette attaque de chenilles sur le tourisme. "On aurait préféré avoir la grêle, car avec la grêle, vous perdez la récolte, mais vous ne perdez pas la plante. Je vois bien que les gens viennent sur le plateau d’Albion et de Valensole pour les lavandes, maintenant qu’est-ce qu’ils vont venir voir ?"
Outre le tourisme, cette mauvaise récolte aura des répercussions sur la production de miel de lavande et son prix.
Propos recueillis par Géraldine Chaîne et Hugo Chapelon.