A Miribel, l'une des communes de Valherbasse dans la Drôme, un agriculteur a pour projet de s'installer avec ses 12 000 poules "bio". Une idée qui ne plait pas aux riverains, qui redoutent les nuisances.

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12 000 poules. Au milieu de collines verdoyantes. Au centre de vestiges moyenâgeux. C'est l'image qui fait bondir les familles qui habitent Miribel, un "petit coin de paradis". Et les demoiselles à plumes auront beau être "bio", les riverains craignent les nuisances et montent donc au créneau.

"Un paysage défiguré"

Miribel, c'est un petit village du nord Drôme. Une église classée. Une tour héritée du XIXe siècle. Et même un château médiéval. "Vous imaginez, installer un poulailler au milieu d'une zone vierge, une zone verte, entourée de vieux bâtiments ? Des randonneurs viennent même se balader ici. Cela va défigurer le paysage !" assure une riveraine. Elle est l'une de ceux qui seront le plus impactés. 12 000 poules, au bas de ses fenêtres. "Une horreur", prévoit-elle.

Avec sa famille, elle s'est installée à Miribel il y a 4 ans. "Pour fuir Paris, après les attentats". Envie de vert, envie de campagne, envie de respirer.

Et au final, on nous dit qu'on va nous coller 12 000 poules sous le nez ! Et dans un an ? Ce sera 24 000 ? Et puis 36 000 ?

Mêmes inquiétudes chez un voisin. Il habite l'un de ces bâtiments anciens qui font la fierté de la commune et qui date de la première moitié du XVe siècle. Sa maison est en cours d'inscription au patrimoine. "Nous sommes dans un petit écrin fantastique qui mériterait d'être protégé, ne serait-ce qu'au titre du paysage", s'exclame-t-il. L'Architecte des Bâtiments de France a d'ailleurs émis un avis défavorable à la réalisation du projet de poulailler.

Des nuisances multiples

Comme sa voisine, il a appris l'existence du projet totalement par hasard. Celui d'un jeune agriculteur de 18 ans, Faris Chenevier. Sur les 20 hectares du terrain, il souhaite construire un bâtiment de quatre lots de 3000 poules. "On voulait me mettre devant le fait accompli, alors que ce poulailler sera à exactement 100 mètres de ma maison", s'agace-t-il. Pourtant, l'exploitation risque de bouleverser son quotidien. "Cela va avoir un impact considérable. Vous imaginez l'odeur, à 100 mètres de chez moi ? Et le bruit ? La ventilation tournera toute la nuit. Et puis les émissions de particules..."

Autant de conséquences que redoute aussi sa voisine. "Nous sommes vraiment en haut de la colline, nous recevons donc tous les vents... Et bientôt, nous aurons avec toutes les nuisances, les bruits, les odeurs, les mouches et la poussière". Les maisons riveraines pourraient par ailleurs perdre entre 50 et 70% de leur valeur. "De toutes façons, elle seront invendables. Qui viendra s'installer à côté d'un poulailler géant ?", s'indigne-t-elle.

L'impact sur l'environnement

Et puis il y a l'impact sur l'environnement. Enième argument sur la liste des opposants au projet. "La terre, ici, est très argileuse et donc très vulnérable à la pollution des sols", ce riverain. "Nous sommes dans une zone où les sols sont très humides. Il y a même une source sur ce terrain. Au niveau environnemental, cela va être une catastrophe", renchérit la riveraine.

Dans la famille Chenevier, c'est le père qui prend la défense du projet. Jean-Claude Chenevier, agriculteur lui aussi. 12 000 poules à son actif sur la commune voisine. Son fils souhaite suivre l'exemple paternel : des poules élevées en bio et en en plein air. "A 12 000 poules, c'est sûr, les gens prennent peur, mais il ne faut pas confondre avec les poulaillers fermés, là les poules seront toujours au sec. Sont-ils venus voir chez moi comment j'élevais mes poules ? Ici, elles vivent dehors !", répond Jean-Claude Chenevier. Et d'ajouter :

Si même un jeune de 18 ans ne peut pas s'installer, on part tous à la retraite, c'est dégueulasse !

Un élevage « bio » mais industriel

"Il s'installe en bio pour essayer de faire passer la pilule plus facilement, sauf que ça reste un élevage industriel !", rétorque une riveraine. Dans la Drôme, ce n'est pas la première fois que la construction d'un poulailler géant provoque la polémique. A Besayes, par exemple, c'est un élevage de 30 000 qui indigne les habitants.

La problématique est même d'ordre national. Car, même en bio, les élevages industriels de poules sont de plus en plus nombreux, poussés par la demande du consommateur et encouragés par un règlement européen qui n’impose aucune limite de taille.

Un nouveau règlement européen de l’agriculture biologique a par ailleurs été voté en mai 2018 et entrera en vigueur en 2021. Avant, c'était maximum 3000 poules pondeuses par bâtiment. Mais le terme "bâtiment" a ainsi été remplacé par "compartiment". La nuance peut paraître infime, mais elle a ses conséquences, selon Fédération Nationale d'Agriculture Biologique (FNAB). Le risque ? Que l’industrialisation des élevages s’accélère encore. "Ça légalise des dérives et un système que l’on voit déjà depuis plusieurs années sur le terrain et qui jouait jusque-là autour d'un flou réglementaire», explique Brigitte Beciu, chargée de mission à la FNAB.

Un éleveur peut donc concevoir un bâtiment avec quatre «compartiments» qu'on appelle des lots, séparés par des cloisons, abritant chacun 3000 poules. Total : 12 000 gallinacées, dont les œufs pourront être labellisés bio... "Ce qu'on craint, avec ce genre de grand bâtiment, c'est que les poules ne puissent pas toutes sortir. Les parcours sont difficiles à organiser, le risque c'est que les poules du milieu aient des parcours trop longs ou biscornus et ne sortent pas profiter du plein air". L'éleveur pourra par ailleurs construire d’autres bâtiments sur le même terrain et accueillir de nouveaux poulaillers géants.

Autre inquiétude, la concurrence aux petits exploitants traditionnels. La production de ce genre d'élevage géant est destinée à la grande distribution. "Le problème, c'est que les opérateurs tirent les prix vers le bas en concentrant la production et en réduisant les coûts logistiques. Les élevages ayant des dimensions plus raisonnables ne peuvent pas rivaliser sur ce plan là", explique Brigitte Beciu.

Jean-Claude Chenevier promet cependant que l'élevage de son fils sera intégré au milieu des noyers, ce qui offrira de l'ombre à ses gallinacées et facilitera leur sortie. De plus, les compartiments seront bien cloisonnés et les parcours séparés.

Si même un élevage en bio, ça ne va pas, c'est qu'on ne veut plus de paysans. C'est le monde de la ville qui commande celui de la campagne. C'est un problème de mentalités, les agriculteurs sont perçus comme des pollueurs... Mais ils mangent bien ces gens-là, non ?

répond Jean-Claude Chenevier.

Une bataille qui commence

Le permis de construire a été déposé au mois d'avril. Il est actuellement en cours d'instruction à la Direction Départementale des Territoires. Trop tard pour essayer de tuer le projet dans l'oeuf. Trop tôt pour imaginer un éventuel recours devant les tribunaux. "On ne peut rien faire, on se bat pour avoir toutes les infos et se tenir au courant de l'avancée du dossier, mais à un moment on ne peut plus rien. Nous sommes obligés d'attendre", regrette la voisine, qui, avec quelques autres familles, a engagé un avocat. "On ne peut pas attaquer un droit avant qu'il n'ait été acquis", ajoute un riverain, « mais dès que le permis sera affiché, nous engagerons immédiatement une procédure", promet-t-il.

Du côté de la mairie, on ne se prononce pas. Le sujet est "absolument confidentiel tant que la DDT ne s'est pas prononcée". Le maire a bien un avis à émettre, favorable ou défavorable. Mais il porte uniquement sur la possibilité d'installer l'exploitation en fonction des réseaux qui existent. Dans le cas présent, c'est la voirie qui pose question : elle ne permet pas le passage de poids lourds. Sa réfection serait à la charge de la commune... Les riverains du futur poulailler espèrent donc que ce sera suffisant pour que la mairie, et ensuite les services de l'Etat, émettent un avis défavorable.

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