Antoine Girard est né à Valence. Sa passion pour l'escalade l'a progressivement mené à l'ascension des plus hauts sommets de l'Himalaya. Il en redescend en parapente. Récits de ses aventures à couper le souffle sur le plateau de "Vous êtes formidables", sur France3
« C’était au Pakistan en 2016, lors de l’une de mes premières grosses expéditions…», commente tranquillement Antoine Girard, qui apparait sur des images aériennes, installé sur un parapente, au milieu d’un immense paysage montagneux, à couper le souffle. Il tient lui-même la caméra au bout d’une perche. « A cette époque, je suis parti faire 1200 kilomètres de vol bivouac, en solitaire. Ce n’est pas toujours le cas. La meilleure combinaison, c’est en binôme. Mais, lors de notre dernière expédition, on est partis à sept. L’idée, c’est de faire découvrir à d’autres l’Himalaya et le Pakistan, plus particulièrement, dans des conditions un peu extrêmes. Il s’agit de mélanger le parapente et l’alpinisme, avec des personnes expérimentées. C’est ça qui est nouveau.»
Le ton est donné. Antoine est un aventurier de l’extrême, et plus précisément un himalayiste. Dans ce secteur, pas moins de quatorze sommets dépassent les 8000 mètres. A la difficulté de l’ascension, il ajoute le plaisir du parapente. « A l’origine, l’idée des alpinistes était de pouvoir redescendre plus vite après une ascension», explique le sportif. « En Himalaya, la difficulté principale pour monter est le manque d’oxygène. Du coup, la descente est presque aussi dure que la montée. »
Cette année, j’ai atteint 8407 mètres. Je suis persuadé qu’on peut monter beaucoup plus haut. Mon objectif, c’est 9000 mètres.
La dernière aventure d’Antoine Girard fut l’ascension du Broad Peak, anciennement K3, un sommet culminant à 8 051 mètres d'altitude, à la frontière entre la Chine et le Pakistan, dans le Karakoram. Après une première en 2016, il y est retourné en juillet 2018. « J’aime voler haut. Un des rares endroits dans le monde où on peut dépasser la hauteur des 8000 mètres, c’est le Broad Peak qui s’y prête vraiment bien », résume-t-il. On ne sait pas exactement quelle est la plus haute altitude à laquelle peut voler un parapente. « En 2016, j’ai battu un premier record d’altitude en dépassant les 8100 mètres. A l’époque, on ne savait pas si c’était possible. Cette année, j’ai atteint 8407 mètres. Je suis persuadé qu’on peut monter beaucoup plus haut. Mon objectif, c’est 9000 mètres. »
Dix doigts gelés
Une altitude où il n’y a clairement plus assez d’oxygène. « Montez à 6000 mètres. En une heure, vous êtes mort. Il faut vraiment s’y habituer. Et même si on est très acclimaté, on ne peut pas y rester longtemps. Le corps se dégrade et il faut faire son ascension avant que cela n’arrive, et aussi redescendre avant. » Sans parler des températures. « Il fait très froid durant la nuit, mais si on arrive en plein soleil, les températures ne sont pas extrêmes. On arrive même à trouver des températures positives dans certaines zones rocheuses.» En 2016, Antoine s’est tout de même gelé temporairement les dix doigts. « En altitude, le sang est visqueux et circule très mal dans les extrémités. Et, en parapente, on a les mains en l’air, donc moins irriguées. »
Le plaisir, c’est ce que l’on récolte, en fait. La chance ne suffit pas.
Tout là-haut, l’attention est surtout focalisée sur sa sécurité, sans doute aux dépends du plaisir d’observer les alentours « Effectivement, on n’a pas souvent le temps de contempler et ça peut être frustrant. Cette année, c’était un peu différent. Une vraie bagarre jusqu’à 7600 mètres. Puis, jusqu’à 8400 mètres, c’était comme de l’huile. Ca volait hyper calme. J’ai pu faire plein d’images. Une bonne demi-heure juste à profiter », se souvient-il. « C’est tout de même le fruit d’un travail d’une ou deux années. Le plaisir, c’est ce que l’on récolte, en fait. La chance ne suffit pas. »
400 grammes de nourriture par jour
« Mon vol le plus long a duré un peu plus de douze heures », précise Antoine. « C’est l’équivalent du jour. On vole essentiellement en thermique. C’est le soleil qui procure un air chaud qui monte. Mais en théorie, on pourrait aussi voler la nuit, en dynamique, grâce aux vents qui remontent après avoir percuté une falaise. Sauf que voler la nuit est interdit. »
Reste le problème de la nourriture, à transporter en expédition, parfois pour de longues périodes. « En général, je pars pour 20 jours à un mois, en autonomie complète. Dans l’Himalaya, on n’emporte pas d’eau, que l’on peut trouver dans les glaciers, en marchant le soir. On emmène donc la nourriture, de manière très limitée, soit environ 400 grammes par jour. » En moyenne, l’athlète perd ainsi 7 à 8 kilos par expédition. « Quand j’ai traversé l’Amérique du sud, sur 3000 kilomètres de désert montagneux, il a fallu porter entre 10 et 15 litres d’eau dans le sac. C’est déjà plus compliqué. »
Pour affronter des expéditions de plusieurs milliers de kilomètres, Antoine Girard s’astreint à une longue préparation. « On ne décide pas au jour le jour. Le tracé est étudié à l’avance, et les points d’eau sont repérés. Même chose pour les zones de décollage et d’atterrissage, les secteurs dangereux. C’est plus d’un an de préparation. » Ce qui n’empêche pas de découvrir les aléas lors de chaque étape. « On vit avec la nature, en avançant plus ou moins chaque jour. Parfois on est obligé de s’arrêter 3 jours à cause du mauvais temps. »
Certaines expéditions permettent de rencontrer les populations. « Pour la dernière aventure à sept, nous étions installés dans un village. Mais quand on dort en montagne, entre 4000 et 5000 mètres, on croise parfois des bergers. Mais là, c’est très compliqué de discuter. Au Pakistan, il existe une quarantaine de dialectes. Donc on parvient un peu à échanger, avec les mains… »
Enseignant à Valence
Le voyage de sa vie a débuté… à Valence, dans la Drôme. C’est là qu’est né son amour de l’aventure. « J’ai toujours aimé la nature. Rapidement, je suis passé à l’escalade. Ce qui m’a permis de découvrir progressivement la montagne. Puis le parapente » explique ce sportif de haut-niveau. Antoine est aussi enseignant, professeur d’informatique à l’université de Grenoble. Il partage donc sa vie à égalité entre ces deux activités professionnelles.
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