Téo Jaffre est photographe-vidéaste et chanteur, implanté en Haute-Savoie. Il est talentueux dans ces domaines mais doit surtout sa notoriété actuelle à son personnage : Téo Lavabo. Découverte de la véritable personnalité et du parcours de ce "formidable" accroc à la communication, sur le plateau de France 3 Auvergne Rhône Alpes.
En 2021, Téo Lavabo a sorti un album « Chipolatata », comprenant 11 titres dont le fameux « Chipolata » qui a réellement rencontré un succès immense sur Internet. « Au début c’était extrêmement jouissif de regarder monter le compteur des vues, lorsque les millions montaient très vite » sourit Téo. Aujourd’hui, la chanson approche les 37 millions de vues. « On en cumule encore un million par mois, je dirais », ajoute l’artiste.
Une autodérision qui fait un carton
Chipolata, c’est surtout du second degré. Des paroles à double-sens. Et, sur les réseaux sociaux, un grand succès populaire. A la lecture des commentaires sur le web, on dirait que tout le monde aime la créature Téo Lavabo. « J’ai eu beaucoup de chance. Certaines personnes se font vraiment lyncher sur Internet avec beaucoup moins de vues. Je crois que les gens ont compris notre projet. Certains n’aiment pas la musique, mais il n’y a pas de haine envers le personnage. On voit qu’il s’agit d’autodérision. » Et l’artiste résume l’ensemble : « Il n’y a aucune revendication. Je suis en chien-saucisse. En fin de compte, ça ne dérange personne si je kiffe ma life. »
Je suis en chien-saucisse. En fin de compte, ça ne dérange personne si je kiffe ma life.
« Ce serait mentir de le nier. Oui, j’ai rêvé de tout ça » commente Téo « J’attendais un petit succès. A un million de vues, j’étais heureux. Après trois millions, c’était la consécration. Maintenant, cette chanson est devenue populaire. Aujourd’hui, même si on ne me reconnaît pas, on a entendu parler de Chipolata. Ce titre a fait le tour de la France. »
Téo ne se considère pas comme un provocateur. Il se pose d’ailleurs lui-même des limites, lorsqu’il écrit ses textes. « Je pense à mes parents. Je me demande s’ils seront capables d’assumer telle ou telle chanson, si elle peut éventuellement leur porter préjudice. Par exemple, si je me dénigre, je les dénigre un peu aussi. Donc c’est ma limite. »
Téo pense aussi à lui, enfant. « J’écoutais du Michael Youn, et d’autres morceaux un peu borderline. Je ne savais pas ce qu’ils voulaient dire mais j’avais conscience qu’ils étaient un peu à la limite. Mais comme ils passaient à la télé, j’avais l’excuse de pouvoir m’amuser avec. J’essaye de rester bienveillant, même pour moi. Je n’ai pas envie d’un projet qui prend parti. Je veux juste que ce soit léger. Le seul débat possible, c’est j’aime ou j’aime pas », tranche l'artiste.
J’essaye de rester bienveillant, même pour moi. Le seul débat possible, c’est j’aime ou j’aime pas
Téo Lavabo, héritier de Fernandel, Bourvil, Annie Cordy ou Carlos ? « Tout nu et tout bronzé, je vois bien... Je comprends le délire. On fait une chanson tous ensemble, puis un clip, les potes viennent participer. C’est pas du grand art, mais on s’en fout. Le principal c’est qu’on s’en amuse et qu’on partage avec les amis. »
Le "lavabo de Lagaf"
Le phénomène Téo Lavabo est réellement né à l’occasion de la participation de Téo Jaffre à l’émission de tv « la France a un incroyable talent ». Son nom ne doit rien au hasard : « Je me suis dit que je n’avais pas envie de tout mélanger. Aujourd’hui, j’ai un boulot de photographe et de vidéaste et je suis bien référencé sur les réseaux sociaux. Donc il a fallu que je trouve un nouveau nom, dont on peut facilement se rappeler. Quoi de mieux que lavabo ? » Il fait référence à Vincent Lagaf. « Il fait partie des gens qui s’amusent. Je me suis dit qu’avec le nom lavabo, j’allais entrer dans les souvenirs des fans de son époque. Et, en associant lavabo et rigolo, je savais que je toucherai les plus jeunes. »
Derrière le clown se cacherait-il un pro du marketing ? « En fait, ma passion, qui relie photo, vidéo et musique, c’est de communiquer. La musique est le meilleur vecteur de communication. »
Une enfance entre photos et vidéos
Tout a débuté il y a 29 ans dans le village de Saint-Chély-D’apcher, en Lozère, où il est né. Dès l’âge de 10 ans naît sa passion pour l'image : « Ma mère faisait beaucoup de photos. On a des albums remplis de clichés où elle nous déguisait et nous mettait en scène, avec ma sœur. Un jour, elle m’a prêté l’appareil. Je me souviens qu’elle disait que je cadrais bien. Je pense que lorsque nos parents nous disent que l’on fait bien les choses, on a envie de développer. » Son père, lui, avait une caméra. « Avec ma sœur, on a commencé à faire des vidéos. Déjà, je me disais que mon rêve serait de devenir photographe et faire des clips. »
avec la naissance d’internet, ma vie a été bouleversée. Je me suis rendu compte que je n’étais pas seul
Déjà, Téo a le goût du déguisement et se travestit pour le fun. « Je suis comme beaucoup de jeunes de mon âge à cette époque, je fais ça facilement à la maison. Mais j’étais très sage à l’école. A partir du collège, et, surtout, avec la naissance d’internet, ma vie a été bouleversée. Je me suis rendu compte que je n’étais pas seul. Etre gay et l’assumer, aimer les choses esthétiquement différentes, a été une révolution pour moi. »
Le regard des autres
Il ne souhaite pas « en faire un sujet ». Mais il évoque tout de même quelques instants le sujet de sa sexualité, via le regard des adultes. « Je dis aux parents qui ont peur que leur enfant se fasse harceler de répondre par l’humour et la répartie. Il faut savoir rebondir en faisant comprendre que ce que l’on te dit te glisse dessus »
Il fait appel à ses souvenirs. « Je trainais beaucoup avec des filles. C’est souvent le même problème. On te dit : « tu passes ton temps avec des filles donc tu es… » ( il refuse de prononcer l’insulte homophobe). C’était peut-être un peu nul, mais je répondais : « T’es jaloux ? C’est pas toi le … , vu que tu ne traines qu’avec des mecs ? Pose toi des questions ! » Et je pense qu’il faut le faire avec un peu de douceur, pour ne pas envenimer le truc. Et après, on n’insiste plus. »
Il faut savoir rebondir en faisant comprendre que ce que l’on te dit te glisse dessus
Téo Jaffre a suivi des études de communication au Puy-en-Velay, en Haute-Loire. Puis une licence à Chambery. De quoi acquérir un solide bagage technique, pour exercer sa vraie profession. Il est devenu un photographe très imaginatif. « J’aime dire, comme pour mes musiques, que mon travail est éclectique. J’expose actuellement. L’expo s’appelle « du coq à l’âne » parce que les photos n’ont rien à voir les unes avec les autres. C’est vraiment du graphisme, de la superposition.»
« J’aime les motifs, j’aime le too much. Et je tiens à une certaine harmonie. La crédibilité de mon travail, c’est justement la technique. J’essaye toujours d’associer des choses qui ne vont pas ensemble. D’un côté une photo improbable, un sujet ultra « What the fuck », et de l’autre une technique très poussée.»
Une exigence qui lui a été profitable pour sa carrière de chanteur. « Au début, dans les commentaire sur internet, les gens ont trouvé mes clips très pro. Ils se disaient que quelqu’un avait investi de l’argent dans mon projet. En réalité, on réalise ça simplement à deux avec un collègue. Des potes viennent participer et on s’organise comme on peut ». Mais le résultat est efficace.
Une île sauvage et un ukulélé
Parmi ses sources d’inspiration, une plage, basée en Israël. Le lieu a laissé à Téo un souvenir impérissable : « Et surtout, j’ai ressenti un vrai moment de liberté. Les plages naturistes étant souvent cachées, il faut d’abord trouver l’itinéraire, dénicher ce lieu, où la température est similaire à celle du corps… »
C’est là-bas, en réalité, que toute cette folie musicale est née. « Je suis parti en voyage durant un mois. J’aime la solitude. J’avais juste un ukulele. C’était une sorte de challenge. Si je ne faisais pas de rencontre, au moins, j’aurais appris à jouer de cet instrument. C’est donc sur la plage sauvage de Ga’ash, avec ses impressionnantes falaises, que j’ai composé ma première chanson. J’en avais mal aux doigts », raconte-t-il.
Il est vraiment formidable, ce Téo. Aussi formidable, finalement... que l’autre Téo. « Quelqu’un de formidable, c’est quelqu’un qui sait écouter les autres, qui sait donner, et aussi recevoir. Parce que beaucoup de gens refusent de recevoir, et c’est dommage. Quelqu’un qui ouvre son cœur, qui sait à la fois vivre seul… et en communauté », conclut l'artiste.
REPLAY : Voir ou revoir l'intégralité de l'émission avec Téo Lavabo