"Nous ne sommes pas un hôpital psychiatrique" A la prison de Valence, certains détenus jugés dangereux par les surveillants

Dix jours après la mort d'un homme de 25 ans tué par son co-détenu à La Talaudière, deux surveillants du centre pénitentiaire de Valence ont été agressés. Chaque semaine au moins une agression est à déplorer, d'après Sylvain Royere, du syndicat l’UFAP UNSa Justice.

Derrière les grilles, se superposent plusieurs bâtiments, aux fenêtres rectangulaires. A première vue, cet établissement pénitentiaire de Valence (Drôme) ressemble à tous les autres. Il ne laisse pas entrevoir la forte population carcérale, le manque de personnel pénitentiaire, ou encore les agressions qui surviennent dans ses locaux.

"Il y a au moins une attaque par semaine", lance Sylvain Royere, de l’UFAP UNSa Justice de Valence. Dimanche 8 janvier, c'est une double agression qui est survenue au centre de détention de Valence. Le secrétaire régional adjoint de cette organisation syndicale a décidé de dénoncer les conditions de travail dégradées des surveillants.

"Nous ne l’avons pas vu venir"

Chaque dimanche, la journée commence par une promenade des détenus surveillés par trois personnes. Le calme est pourtant rompu dès 9 heures. Au retour de cette marche, un détenu assène des coups de poing à un des surveillants. Ce qui lui cause un jour d’incapacité totale de travail (ITT). "Nous ne l’avons pas vu venir, il a sauté sur notre collègue d’un coup, reprend Sylvain Royere. Ce détenu expliquait son geste en disant entendre des voix et craignait des viols nocturnes". Cet homme était connu pour des faits d’agressions à répétition. Le représentant syndical de l’UFAP UNSa Justice lâche : "Il a fait plusieurs établissements en France, et là il termine chez nous".

Quelques heures plus tard, dans l’après-midi, un autre détenu refuse de s’habiller. Lors d’une vérification quotidienne, il bouscule le personnel et porte des coups de poing au visage d’un des surveillants. Résultat : 4 jours d’incapacité totale de travail.

Dans ces deux épisodes, la difficulté est la même : "Ce sont des personnes qui ont des problématiques psychologiques, explique Sylvain Royere. Il n’y a pas d’éléments déclencheurs, ce qui est compliqué au quotidien. Nous ne sommes pas formés."

Une prise en charge psychiatrique, pas assez prégnante

Des actes qui se répètent et mettent en danger les autres détenus, mais aussi le personnel pénitentiaire qui vient travailler "avec la boule au ventre". Il le déplore : "Malgré le drame de La Talaudière, à Saint-Etienne, fin décembre, malgré la mort d'un détenu de 25 ans, rien n’a été entrepris pour faire bouger les lignes." D’après le secrétaire régional de l’UFAP UNSa Justice, ces faits, de plus en plus fréquents dans tous les établissements pénitentiaires, sont liés à "la prise en charge psychiatrique, pas assez prégnante". Le secrétaire régional du syndicat martèle : "Nous ne sommes pas un hôpital psychiatrique"

Si les détenus peuvent s’entretenir avec un spécialiste une fois tous les quinze jours, ce n’est parfois pas suffisant. 

Certains profils nécessitent d’aller en urgence psychiatrique. Or, à Lyon, il n’y a qu’une trentaine de places, et une liste d’attente considérable. C’est plein tout le temps

Sylvain Royere

Secrétaire régional de l’UFAP UNSa Justice

 Et pour lui, la solution réside dans ce point spécifique : une meilleure prise en charge psychiatrique de ces détenus pourrait "améliorer le quotidien dans les prisons". Le secrétaire régional adjoint tente : "Et pourquoi pas créer un grand établissement régional pour accompagner ces détenus ?"

546 détenus pour 344 places

La situation semble d’autant plus périlleuse que les centres pénitentiaires font face à une surpopulation carcérale, et à un manque de personnel. Sylvain Royer note : "Nous sommes à 150% des capacités, c’est-à-dire qu’il y a 546 détenus pour 344 places. Les détenus sont parfois trois dans une même chambre. Et nous n’avons que 220 surveillants pénitentiaires, contre les 270 qu’il faudrait, normalement, pour l’établissement."

Pour rendre le métier plus attractif, le syndicat réclame une "plus grande considération" des surveillants et une augmentation de leurs salaires. "Avant, nous étions à 1,5 du SMIC. Et quand le SMIC a augmenté, notre salaire n’a pas suivi – nous sommes juste au-dessus du SMIC. De plus en plus de personnes quittent la fonction d’Etat, et il est difficile de recruter : personne n’accepterait d’être payé au SMIC pour risquer de se faire agresser tous les jours."

Contacté, le centre pénitentiaire de Valence s'est refusé à tout commentaire. Quant à la Direction interrégionale des services pénitentiaires Auvergne-Rhône-Alpes, elle reste pour l'heure injoignable au téléphone.

Quid du Plan d'action pour la Justice ?

D'après l'Observatoire International des Prisons (OIP), la situation ne risque pas de s'améliorer pour les établissements français. Le 5 janvier dernier, l'organisation dénonçait "les non-annonces du garde des Sceaux" concernant le Plan d'action pour la Justice. Pour lutter contre la population carcérale, le Ministère de la Justice avait alors annoncé la construction de nouvelles places de prison moyennant 681 millions d'euros. Dans une réaction à ce plan, l'OIP constatait que "l’extension du parc carcéral, présentée comme la principale réponse à la surpopulation, ne parvient pas à l’endiguer" et que le montant alloué à cette entreprise représentait "cinq fois le budget consacré à la réinsertion et à la prévention de la récidive".

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