Procès de Gabriel Fortin, surnommé "le tueur de DRH" : Patricia Pasquion, une victime "symbolique" ?

Gabriel Fortin doit comparaître à partir de ce mardi 13 juin 2023 devant la cour d'assises de la Drôme. Le procès doit durer 3 semaines. Le quinquagénaire doit répondre de trois assassinats et d'une tentative d'assassinat commis les 26 et 28 janvier 2021. L'une des victimes du tireur présumé est Patricia Pasquion. Pourquoi elle ?

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"Madame Pasquion ne faisait que son travail," explique Me Denis Dreyfus, avocat de Jean-Luc Pasquion et de ses deux filles. Le 28 janvier 2021, Patricia Pasquion a tragiquement perdu la vie, abattue sur son lieu de travail : l'agence Pôle Emploi de l'avenue Victor Hugo, à Valence.

"Silence effroyable"

L'établissement n'était ouvert que depuis quelques minutes lorsqu'un homme s'est présenté. Il portait un masque chirurgical sur le visage. Sa main droite était dissimulée dans un sac en plastique blanc. À l'accueil, l'individu a donné une fausse identité. Il s'est ensuite dirigé vers le bureau des indemnisations où se trouvait Patricia Pasquion. L'individu a fait feu sur la femme de 54 ans assise à son bureau. Elle s'est écroulée. Puis le tireur s'est enfui par une porte secondaire alors que ses collègues tentaient en vain de porter secours à la victime. 

Le tireur présumé n'a prononcé aucun mot et a agi dans "un silence effroyable". "C'est ce qui signe l'ensemble de la commission des faits. Il sait où il va, il sait qu'il va tuer, il n'y a pas la moindre chance laissée à l'une de ses victimes et il tire. Sans sommation, sans préavis. C'est prémédité, ce sont des assassinats ", ajoute Me Dreyfus.

Un époux en colère

Gabriel Fortin est soupçonné d'être le meurtrier présumé de cette mère de famille. L'accusé comparaîtra devant les assises de la Drôme, à partir du 13 juin prochain, pour deux autres assassinats et une tentative d'assassinat.

Depuis le drame qui a frappé sa famille, Jean-Luc Pasquion ne trouve pas de répit. C'est un homme en colère qui va assister au procès de Gabriel Fortin. Un homme qui a souhaité la mort de l'accusé. "Pourquoi elle ?", se demande encore aujourd'hui le veuf. 

Une mort incompréhensible

La mort de Patricia Pasquion semble incompréhensible. Car l'enquête a démontré que contrairement aux trois autres victimes suivies pendant des années, la chef d'équipe n'était pas personnellement visée par le tireur présumé. La quinquagénaire n'était pas DRH, mais cadre dans cette antenne valentinoise de Pôle Emploi. L'enquête n’a pas établi de lien direct entre la conseillère et Gabriel Fortin. Même si ce dernier a été inscrit comme demandeur d’emploi dans cette agence pendant quelques mois, onze ans auparavant.  

"Le dossier établi qu'il n'y a eu aucune rencontre, aucune raison d'en vouloir à cette femme. C'est l'institution Pôle Emploi avec ce qu'elle représente qui a été à l'origine de cet assassinat", selon Me Dreyfus.

Même écho chez Me Hervé Gerbi, représentant des trois sœurs de Patricia Pasquion, parties civiles. "L'instruction a été assez complète. Il y a beaucoup de questions. Il en reste une sur laquelle il y a un infime doute : Gabriel Fortin a-t-il pu rencontrer un jour Patricia Pasquion ? Tout le dossier montre le contraire. Mais pourquoi elle alors que tous les autres étaient des cibles repérées depuis des années ?" s'interroge l'avocat.

La quinquagénaire avait l'habitude des situations difficiles et tendues avec des usagers mécontents. Si Patricia Pasquion avait déjà mentionné des agressions à sa hiérarchie, aucune n'était liée à l'ex-ingénieur.

"Charge symbolique"

Le tireur présumé, qui aurait ciblé ses victimes et agi par rancune, a-t-il tiré par hasard sur Patricia Pasquion ? Selon Me Gerbi, ce dernier était à la recherche de "la bonne personne", à savoir une personne "identifiée" ou représentant "une charge symbolique". Le tireur présumé cherchait-il à viser Pôle Emploi, synonyme de son déclassement social ? 
"Patricia Pasquion semble avoir été tuée parce qu'elle représentait le système de prise en charge : recherche d'emploi, indemnisation et défaillance, selon Monsieur Fortin. Ce système ne lui aurait pas permis de pouvoir revenir dans le monde du travail".

L'accusé peut-il se présenter comme une victime du système ? Me Hervé Gerbi explique : "Soit on épouse la thèse de Gabriel Fortin, un homme injustement privé d'emploi, injustement licencié, pris en charge de mauvaise façon par Pôle emploi et donc injustement considéré par la société entière. Soit le regard est celui de quelqu'un qui n'a jamais été à la hauteur des responsabilités et de la vie qu'il souhaitait avoir, et il s'est vengé sur d'autres de ses propres incapacités".

Un accusé mutique 

Depuis son arrestation, Gabriel Fortin que tous présentent comme un solitaire, est muré dans le silence, refusant de s'expliquer. Lors de l'instruction, il a refusé de participer aux reconstitutions. En détention, il reste au quartier d'isolement et n'accepte aucune visite. Il a d'ailleurs eu peu d'entrevues avec ses avocats. 

Mais le détenu écrit. Ses notes et ses cahiers saisis dans sa cellule parlent pour lui. Les notes qu'ils rédigent en prison trahissent son amertume et sa rancœur vis-à-vis du monde du travail et des entreprises dont il a été licencié. Sur Pôle Emploi, l'homme indique : "percevoir une indemnisation pour compenser une perte de salaire ne répare pas moralement une vie brisée."  

À l'approche du procès de celui que l'on a surnommé le "tueur de DRH", pourrait refuser d'être présent dans le box des accusés. Une possibilité sérieusement envisagée par les avocats des familles de victimes. 

La famille Pasquion attend le procès avec "beaucoup d'angoisse". "C'est un temps qui risque d'être d'une grande frustration". "Vu l'attitude de Gabriel Fortin tout au long de la procédure, pas un mot à la police, pas un mot chez le juge d'instruction, pas un mot aux experts psychiatres, enfermé dans sa bulle de refus d'expression. Ils craignent que ce soit la même chose au moment du procès", indique Me Denis Dreyfus. 

L'accusé sortira-t-il de son silence lors de son procès ? Rien n'est certain, selon Me Hervé Gerbi. "Soit, il considère que son exclusion de la société a trouvé son achèvement au moment de son interpellation, et il va se désintéresser de son procès. (...) Soit, il veut depuis le début tenir les uns et les autres, les gens en haleine. C'est sa forme de revanche sociale."

Rappels 

Gabriel Fortin, 48 ans, ingénieur au chômage, est accusé d'avoir assassiné Patricia Pasquion, conseillère au Pôle Emploi à Valence. Il avait été radié de cette agence en 2013. Il est aussi accusé d'avoir tué Géraldine Caclin, 51 ans, responsable des ressources humaines de l'entreprise Faun Environnement à Guilherand-Granges, le même jour. Gabriel Fortin avait travaillé dans cette entreprise comme ingénieur entre 2008 et 2010. C'est Géraldine Caclin qui avait signé sa lettre de licenciement. Il avait aussi été licencié de l'entreprise Faun Environnement.

Il doit répondre de l'assassinat d'Estelle Luce, 39 ans, DRH chez Knauf à Wolfgantzen dans le Haut-Rhin, deux jours plus tôt, le 26 janvier 2021. Il doit enfin répondre d'une tentative d'assassinat sur Bernard Meichel, un autre DRH à Wattwiller. Avec Estelle Luce, ils avaient eu en charge le licenciement de Gabriel Fortin dans une entreprise d’Eure-et-Loir en 2006.

Lors du procès, au moins une dizaine d'avocats assisteront les parties civiles. Gabriel Fortin encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

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