Surnommé le "tueur de DRH" dans la presse, Gabriel Fortin sera jugé en appel du 13 au 28 mai 2024 à Grenoble. L'ancien ingénieur au chômage, reconnu coupable en première instance de l'assassinat de trois femmes et d'une tentative d'assassinat, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans en juin 2023.
Jugé devant les assises de la Drôme en juin dernier, Gabriel Fortin a été condamné à la peine maximale pour la mort de trois femmes et une tentative d'assassinat. L’ingénieur au chômage, originaire de Nancy, avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans.
Le 29 juin 2023, au lendemain même du verdict, Gabriel Fortin a fait appel de sa condamnation. Ce nouveau procès va se dérouler du 18 au 23 mai 2024, à Grenoble. Une épreuve en perspective pour les parties civiles. Pour la défense, l'enjeu de l'expertise psychiatrique.
Procès en appel : quel enjeu pour la défense ?
"Notre combat en appel va porter sur l'expertise psychiatrique", a indiqué Maître Romaric Chateau, l'avocat de la défense, joint par téléphone, ce mercredi 25 octobre. Depuis le premier procès, "Gabriel Fortin est égal à lui-même. Il n'y a pas d'évolution et pas de demande particulière de sa part". Pas d'incident non plus en détention. Gabriel Fortin est incarcéré à Valence.
Mutique depuis son interpellation, le quadragénaire s'était exprimé très brièvement dès le premier jour des audiences, à la surprise générale. Par la suite, le procès avait été émaillé de déclarations sommaires, souvent répétitives. L'accusé s'était présenté en victime. Mais pas d'explications pour les parties civiles, encore moins de remords.
Concernant l'enjeu de ce deuxième procès, Me Chateau explique : "le but, c'est que Mr Fortin accepte d'être expertisé par un psychiatre. À défaut qu'une expertise soit diligentée sur pièces. Une expertise en rapport avec ses écrits". En première instance, la demande d'expertise des très nombreux écrits de l'accusé avait été repoussée. Pour l'avocat de la défense, une expertise et un débat contradictoire sont pourtant incontournables pour comprendre au mieux la personnalité de l'accusé. Un homme au profil paranoïaque qui a toujours refusé de répondre aux questions de l'expert psychiatre. "Dans le dossier, pas d'expertise psychiatrique. Gabriel Fortin ne parle pas et ses écrits ne sont pas analysés".
"C'est une personnalité atypique. C'est ce que tout le monde ressent. Cela doit être pris en compte", assure Me Romaric Chateau. L'avocat de la défense n'a pas manqué de le souligner : les jurés l'ont reconnu coupable, mais sont allés à l'encontre des avis des experts en retenant une altération du discernement de l'accusé.
Perpétuité
Le 28 juin 2023, l'accusé était resté de marbre à l'énoncé du verdict. L'ingénieur de 48 ans, reconnu coupable de ces trois assassinats et de cette tentative d'assassinat, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Une condamnation assortie de la peine de sûreté maximale prévue par la loi : 22 ans.
À Valence, les jurés ont toutefois retenu que des troubles psychiques avaient altéré le discernement de cet ingénieur au chômage au moment des faits. Son avocat avait plaidé le délire paranoïaque d'un homme traumatisé par deux licenciements brutaux. Mais, Gabriel Fortin n'a pas bénéficié d'une diminution de peine comme la loi le permet en cas de troubles psychiques.
Animé par "un profond sentiment d'injustice", Gabriel Fortin a motivé son appel dans un courrier envoyé au greffe de la maison d'arrêt. Selon lui, les liens financiers entre les entreprises l'ayant licencié et les deux avocats chargés de le défendre aux prud'hommes, "n'ont pas été assez investigués". C'est là "une décision cohérente dans son propre système de pensée", avait alors réagi l'un des avocats des parties civiles.
Trois homicides et une tentative
Le procès de Gabriel Fortin a duré presque trois semaines en juin dernier. Un procès d'envergure devant la cour d'assises de la Drôme. Débuté le 13 juin 2023, il s’est achevé le 28 juin 2023. Au cours de ce procès de première instance à Valence, la justice s'est penchée sur le périple de Gabriel Fortin, entre Alsace et Drôme-Ardèche. Du 26 au 28 janvier 2021, trois personnes ont été assassinées. Une quatrième personne a échappé de peu à la mort. L'ancien ingénieur au chômage, originaire de Nancy, est alors soupçonné d'être l'auteur de ces faits. Il aurait agi en moins de 48 heures dans quatre lieux différents avant d'être interpellé à Guilherand-Granges, sur un pont enjambant le Rhône. Reconnu coupable et condamné en première instance, il va être rejugé pour les mêmes faits dans un peu plus de six mois à Grenoble.
La première victime est Estelle Luce, directrice des ressources humaines en Alsace. Le 26 janvier 2021, cette mère de famille de 39 ans a été tuée par balles dans sa voiture, sur le parking de son employeur, entreprise Knauf basée à Wolfgantzen.
Le même jour, à 40 kilomètres de cette première scène de crime, Bertrand Meichel échappe de peu à la mort devant son domicile à Wattwiller. Également DRH, il travaillait dans le même service qu'Estelle Luce.
Le 28 janvier 2021, à environ 500 kilomètres de là, dans la Drôme, Patricia Pasquion, 54 ans, est abattue de sang-froid. Une seule balle mortelle. Mariée et mère de deux jeunes femmes, Patricia Pasquion était responsable d’équipe à Pôle emploi à Valence, agence dont il a été radié en 2013. Durant le procès d'assises, il apparait que la quinquagénaire était "une victime symbolique", le tireur aurait cherché à atteindre l'institution. Parallèlement au procès Fortin, deux des sœurs de Patricia Pasquion ont engagé une procédure contre Pôle emploi, accusant l'institution d'avoir fait preuve de négligence en matière de sécurité.
Quelques minutes après la mort de la cadre de Pôle emploi, c'est au tour de Géraldine Caclin d'être abattue. La femme de 51 ans est tuée par balles dans son bureau. Cette mère de deux enfants est la DRH de la société Faun Environnement. Gabriel Fortin avait été salarié de cette entreprise entre 2008 et 2010 avant d’en être licencié pour faute et manquements professionnels.
C'est le dernier emploi qu'il ait occupé. L'ingénieur, qui n'a jamais retrouvé de travail, a ensuite basculé dans le chômage de longue durée. Le passé de Gabriel Fortin a été marqué par deux licenciements : l'un en Eure-et-Loir en 2006, le suivant en Ardèche en 2009. Deux épisodes "traumatisants" qui paraissent avoir nourri sa rancune jusqu'au passage à l'acte.
Durant le procès, Gabriel Fortin ne s’est jamais exprimé sur les faits, mais s'est présenté en victime... Il est resté impassible devant la douleur des proches des victimes qui ont défilé à la barre. Imperturbable également devant sa famille : son frère et sa mère venus témoigner dès le premier jour du procès.