Le procès en appel de Gabriel Fortin est terminé. L'accusé avait été condamné à la perpétuité, peine maximale, en première instance. Ce matin, l'avocat général a réclamé la peine maximale à l'encontre de l'accusé. De son côté, la défense, qui a demandé à la cour et aux jurés de tenir compte de l'altération du discernement de l'accusé, a réclamé une peine de 30 ans de réclusion. Ce nouveau procès vient de confirmer ce verdict des assises de la Drôme.
Un accusé absent des débats, des avocats de la défense qui s'appuient sur une expertise psychiatrique mettant en avant une altération du discernement chez l'accusé, des parties civiles qui espèrent la confirmation du jugement de première instance. Quelle issue pour le procès en appel de Gabriel Fortin ? Le verdict était attendu ce mardi 28 mai. Pour les neuf jurés tirés au sort le 13 mai dernier, l'heure des délibérations a sonné. Ils devaient se prononcer cet après-midi sur la culpabilité de Gabriel Fortin et sur la peine qui lui sera infligée. Sera-t-elle conforme à la peine prononcée par les assises de la Drôme ? Les jurés ont quitté la salle d'audience vers 15h30. Le verdict n'était pas attendu avant quatre ou cinq heures. La décision a finalement été rendue au bout de deux heures trente.
Condamnation confirmée
La décision de justice a été rendue publique vers 18h30. Gabriel Fortin a été reconnu coupable de trois assassinats et d'une tentative d'assassinat. Les jurés ont suivi les réquisitions de l'avocat général. L'accusé a été condamné, comme au procès de Valence, à la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Toutefois, les jurés ont retenu l'altération du discernement. La déception de Me Buffard à la sortie de la salle d'audience.
#ProcèsFortin #justice : Surnommé le "tueur de DRH", Gabriel Fortin a été condamné à la perpétuité en appel à Grenoble. Les jurés ont pourtant reconnu l'altération du discernement. La déception de Me Buffard, avocat de la défense. pic.twitter.com/QFZQtipT65
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À la sortie de la salle d'audience, c'est un immense soulagement pour les parties civiles. "C'est beaucoup de tensions sur 15 jours. On ne réalise pas tout à fait même si on est très soulagé", a déclaré Mathieu Caclin, l'époux d'une des victimes. Pour Alain Schmitt, le compagnon d'une des victimes, "le procès a été très digne".
Pour Alain Schmitt, compagnon d'une victime, "le procès a été très digne". pic.twitter.com/6FDd6l0U2G
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Gabriel Fortin dispose à présent de cinq jours pour se pourvoir en cassation.
Solitude
"Juger, c'est très difficile, vous vivez une expérience qui va vous marquer toute votre vie", a expliqué Me André Buffard, l'avocat de la défense, aux neuf jurés qui doivent se prononcer dans ce dossier. "Vous avez entre vos mains le sort d'un de vos semblables et décider de sa vie".
Deux heures plus tôt, en fin de matinée, c'est Me Bernard Sayn qui a pris la parole pour défendre Gabriel Fortin. "Je crois que le quotidien de Monsieur Gabriel Fortin a été un enfer", a déclaré l'avocat lors de sa plaidoirie. Me Sayn a évoqué un homme acculé, partagé entre "peur", "essayant de se prémunir" de tout et de tout le monde, enfermé dans son trouble paranoïaque. Un homme aujourd'hui "marqué au fer rouge", totalement isolé qui n'aura pas de remise de peine.
"J'ai plaisir à voir Monsieur Fortin, j'aime qu'il parle, sentir qu'il peut s'exprimer un peu. On l'écoute et on comprend à quel point il est seul et son vécu, qui n'appartient qu'à lui, est en déconnexion totale avec la réalité", a conclu Me Sayn.
Après la plaidoirie de ce premier avocat de la défense, en fin de matinée, l'audience a repris avec la plaidoirie de Me André Buffard.
"Monstre rêvé"
Pour Me Buffard, son client est "le monstre rêvé". "Nous défendons quelqu'un qui n'est même pas là, que tout le monde a envie de haïr, que personne n'a envie d'entendre (...) Son attitude peut être vue comme du mépris, rien chez cet homme qui puisse attirer une once de sympathie. Il est le monstre rêvé, celui qu'on va pouvoir condamner sans état d'âme".
En marge de l'audience, l'avocat a renouvelé ces propos : "personne n’éprouve la moindre tendresse pour Gabriel Fortin. Je pense qu'il est la caricature de tout ce qu'on peut détester, de quelqu'un qui a commis des crimes affreux, qui ne vient pas se défendre (...) il est l'archétype du monstre que tout le monde a envie de condamner sans circonstances atténuantes".
Ce mardi 28 mai, Gabriel Fortin n'est pas même venu entendre ses deux avocats prendre la parole pour plaider en sa faveur. Pas plus qu'il n'a souhaité prendre la parole lui-même une dernière fois, en début d'après-midi. Le box des accusés est resté vide. Pour cette dernière journée, presque sans surprise, le box est resté vide au moment du réquisitoire et des plaidoiries. Tout au long de ce procès dont il est à l'origine, l'accusé est obstinément resté absent, refusant de prendre place dans la salle d'audience.
"Pour quelqu'un qui a pu se présenter comme un vengeur de tous les maux de la société, cette absence manque totalement de panache. Il est passé à côté de ce nouvel entretien. Il n'était pas présent au rendez-vous pour lui. Mais est-ce qu'on pouvait attendre quelque chose de Gabriel Fortin ? Ça reste la question," a déclaré Me Gerbi, avocat de parties civiles, en marge de l'audience ce matin.
Risque de récidive ?
À propos du risque de récidive de l'accusé, redouté par les parties civiles et évoqué lors des débats, l'avocat pointe une "escroquerie intellectuelle". La question de la dangerosité et d'une éventuelle récidive de Gabriel Fortin ne se présentera pas avant de nombreuses années, d'après Me Bertrand Sayn. "À chacun sa tâche, à chacun sa peine. Dans 25 ans, des experts seront là et ils seront soucieux de préserver la société, d'éviter des drames", assure le défenseur.
Me Sayn a également évoqué l'existence de mécanismes d'après-peine, comme la possibilité d'une rétention de sûreté à l'issue de la détention. "Les processus sont très élaborés. Ce raccourci qu'on vous demande de faire, il ne faut pas l'emprunter", implore l'avocat à l'adresse des jurés. Les parties civiles redoutent aujourd'hui un allègement de la peine.
"Sur une autre planète"
"Ce type a basculé dans une sorte de folie. Gabriel Fortin est sur une autre planète !" a plaidé Me Buffard. La défense s'appuie sur l'altération du discernement de Gabriel Fortin, pointé par la seconde expertise psychiatrique présentée le 16 mai dernier. "Gabriel Fortin souffre d'une altération du discernement ; au vu de ce que disent les psychiatres, c'est évident et c'est évident pour tout le monde", a estimé avec force Me Buffard." La paranoïa est une maladie, c'est une maladie !", insiste l'avocat.
"Pourquoi voulez-vous que le législateur ait créé cette notion d'altération si on n'en tient pas compte ? C'est la négation même de la loi ! (...) C'est une question de principe que nous vous posons aujourd'hui. Nous nous devons de respecter la loi !" s'insurge l'avocat de Gabriel Fortin.
La défense demande aux jurés de tenir compte de l'altération du discernement de Gabriel Fortin. "Par un verdict courageux - mais juste - en retenant l'altération, en le condamnant à 30 années de réclusion, vous rendrez une bonne justice", a affirmé Me Buffard en guise de conclusion, à l'attention des jurés. Plus tôt dans la matinée, l'avocat général a requis la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, soit la peine maximale. "Si on devait retenir l'altération du discernement de Gabriel Fortin, je vous demande expressément qu'elle n'entraîne aucune minoration de la peine", a déclaré Bernard Simier.
À l'issue de la plaidoirie de Me Buffard, Gabriel Fortin a refusé une nouvelle fois de prendre place dans le box des accusés. Il a refusé de saisir la dernière possibilité qui lui était offerte de s'exprimer.