Gabriel Fortin a été condamné en appel à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Un verdict conforme aux réquisitions de l'avocat général et identique à celui de première instance. Les parties civiles sont soulagées. Mais elles n'en n'ont pas terminé avec cette affaire : Gabriel Fortin a annoncé se pourvoir en cassation.
Gabriel Fortin a vu sa peine confirmée en appel ce mardi 28 mai à Grenoble. "Que la société le mette à l'écart, c'est une bonne chose pour tout le monde", a déclaré Mathieu Caclin, époux d'une victime, à la sortie de la salle d'audience. Le soulagement des parties civiles est cependant de courte durée. Le dossier n'est pas encore totalement refermé.
Gabriel Fortin avait cinq jours introduire un nouveau recours en justice. C'est chose faite, a-t-on appris ce mercredi matin. L'ancien ingénieur, condamné à la perpétuité par la cour d’assises d’appel de l’Isère, a formé pourvoi en cassation au lendemain du verdict.
"Provocation", "fuite en avant", "fanatisme procédural"
"J'ai pensé à mon épouse. Elle est là. Elle veille sur nous. C'est pour elle qu'on est là. Maintenant on va essayer de passer à autre chose. J'espère que c'est terminé", a déclaré Jean-Luc Pasquion, à l'issue de ce nouveau procès qui a ravivé sa douleur. Mais le soulagement éprouvé par les parties civiles à l'énoncé du verdict de la cour d'assises de l'Isère aura donc été de courte durée.
Pour Me Dreyfus, avocat de Jean-Luc Pasquion : "l'annonce ce jour d'un pourvoi en cassation ne constitue pas hélas une surprise puisqu'après le fanatisme criminel de son parcours, Gabriel Fortin poursuit par un fanatisme procédural. Ce déterminisme, au-delà du lâche silence et de l'absence au procès face à la dignité des familles des victimes, se heurtera à la rigueur de la procédure qui a été menée par la Cour d'assises d'appel sous une présidence remarquable. Il était inutile que la défense s'associe dans son expression à la douleur des victimes pour donner ainsi par cette annonce un coup de poignard supplémentaire. Mais le droit et l'humanité renverront très vite Gabriel Fortin à un silence définitif et indispensable."
À l'annonce du pourvoi en cassation de Gabriel Fortin, la réaction de Me Hervé Gerbi, avocat des sœurs de Patricia Pasquion n'a pas tardé non plus. L'avocat parle d'une "ultime provocation" de Gabriel Fortin.
"Les parties civiles que je représente ne sont pas surprises, et la célérité de ce pourvoi, quelques heures à peine après sa condamnation démontre que le scénario était ruminé par lui depuis longtemps. Gabriel Fortin épuisera toutes les voies de droit possibles. Cette ultime provocation est pour lui une fuite en avant qu’il imagine sans fin mais, très bientôt, nous l’espérons, il se trouvera face à des portes définitivement fermées", indique l'avocat.
"Il aura alors tout loisir de ruminer encore et toujours que la justice ne l’aura pas entendu et il trouvera peut-être dans les acteurs judiciaires de son enfermement les nouvelles raisons de son échec judiciaire", ajoute-t-il. Avant de conclure :"Tout cela démontre à la fois combien la décision rendue était justifiée et nécessaire à la protection de tous, mais interroge encore sur les limites de la loi et l’impossibilité d’une perpétuité réelle sur ce type de crimes en série".
Soulagement des parties civiles
Mardi après-midi, à la fin du procès en appel, certains sont sortis en larmes de la salle d'audience. Des larmes de soulagement. "C'est un peu irréel. On est content mais on n'arrive pas à avaler cette nouvelle. Je crois qu'il y a eu tellement d'attente, de préparations avec les avocats... c'est beaucoup de tensions sur 15 jours même si on ne réalise pas tout à fait même si on est très soulagement". C'est la toute première réaction de Mathieu Caclin, à l'issue du procès en appel de Gabriel Fortin. "Que la société le mette à l'écart, c'est une bonne chose pour tout le monde", a confié le veuf et père de famille. Même déclaration pour Jean-Luc Pasquion : "Ce type est dangereux, il fallait le mettre à l'écart de la société. C'est ce qui a été fait. Je m'en remets à cette décision de justice".
Au terme du procès qui a commencé le 13 mai, l'ancien ingénieur de 49 ans a été une nouvelle fois condamné. "Je suis serein pour mes enfants. Ça va préserver leur confiance envers l'institution et les adultes, ça leur permettra d'avancer dans la vie comme ils le voulaient, c'est ce qui me rassure beaucoup". Son épouse Géraldine, DRH pour la société Faun Environnement à Guilherand-Granges, a été abattue le 28 janvier 2021 sur son lieu de travail. Gabriel Fortin a également été reconnu coupable d'avoir abattu de sang-froid deux autres femmes, Patricia Pasquion et Estelle Luce et d'avoir tenté d'assassiner Bertrand Meichel. Ce dernier aussi se dit "soulagé" par la décision de justice. Durant le procès, il n'avait pas caché sa peur de voir Gabriel Fortin sortir un jour de prison.
Un accusé obstinément absent
Gabriel Fortin est resté absent du box des accusés. Il n'est pas venu entendre les plaidoiries de ses avocats. Pas plus que sa condamnation. Celui qui a été surnommé dans la presse "le tueur de DRH" a été le grand absent de ce procès qu'il avait pourtant lui-même provoqué. L'accusé a obstinément refusé de s'expliquer et même de comparaître devant la cour. Tous les efforts de la présidente Gaëlle Bardosse pour le convaincre, puis pour le contraindre par la force de rester dans la salle, ont été vains.
L'attitude de Gabriel Fortin a exaspéré certaines des parties civiles. Jean-Luc Pasquion a fustigé la "lâcheté" de l'accusé dès le premier jour . D'autres parties civiles, a contrario, se sont accommodées de l'absence de G.Fortin. Elles ont fait valoir que cette absence a permis des débats plus sereins. Ce nouveau procès a également permis "d'aller beaucoup plus loin", selon Bertrand Meichel pour qui "la justice a fait son travail".
Au-delà du soulagement apporté par le verdict, pour le compagnon d'Estelle Luce, première victime de Gabriel Fortin, l'absence de l'accusé a permis de libérer la parole : "C'est un grand soulagement après 15 jours de procès, une épreuve encore une fois difficile. C'était douloureux et nécessaire. Je crois qu'on a passé un moment important qui était grave et digne. On a été solidaires, toutes les parties civiles. On s'est serré les coudes. C'est vraiment apaisant ce second procès. En l'absence de l'accusé, on a senti que les témoins ont été plus libres de dire ce qu'ils avaient à dire. Sur le second procès tout est très clair : il n'y a qu'un seul coupable dans cette horreur," a souligné Alain Schmitt.
Altération du discernement
Condamné en première instance, Gabriel Fortin avait manifesté son intention de faire appel dès l'énoncé du verdict des assises de la Drôme en juin 2023. Lors de ce premier procès, les jurés avaient retenu que des troubles psychiques avaient altéré son discernement, sans pour autant appliquer de diminution de peine. Une nouvelle expertise psychiatrique, effectuée à la demande de la présidente Gaëlle Bardosse, a fait état de trouble de la personnalité paranoïaque. Elle a retenu une altération du discernement de l'accusé.
Pour ce procès en appel, les parties civiles espéraient un verdict similaire. Les réquisitions de l'avocat général allaient dans ce sens.
Les avocats de la défense, Me Buffard et Me Sayn, ont demandé une peine de 30 ans. Lors de sa plaidoirie Me Buffard avait souhaité "un verdict courageux" à l'encontre de son client. "Un verdict courageux, c'est de retenir l'altération du discernement et d'aller jusqu'au bout. D'aller jusqu'à 30 ans au lieu de perpétuité... je pense que c'est conforme à l'esprit de la loi qui a instauré cette altération du discernement et qu'à partir de là, le maximum de la peine doit être atténué", a-t-il expliqué.
Les conjoints des trois femmes assassinées redoutaient une atténuation de la peine infligée à Gabriel Fortin en raison de cette nouvelle expertise psychiatrique. Les parties civiles ont obtenu gain de cause.
Perpétuité, bis repetita
L'ex-ingénieur de 49 ans, originaire de Nancy, a finalement été condamné à la perpétuité par la cour d'assises de l'Isère pour cette équipée sanglante menée en janvier 2021 entre l'Alsace, la Drôme et l'Ardèche. Trois de ces victimes avaient été associées à ses licenciements dans le passé et une quatrième travaillait dans une agence Pôle emploi de Valence qu'il avait fréquentée. Verdict invariable : Gabriel Fortin, reconnu coupable de ces trois assassinats et de cette tentative d'assassinat, a écopé de la perpétuité.
Si les neuf jurés de la cour d'assises de l'Isère ont retenu l'altération du discernement, la peine de Gabriel Fortin n'a pas pour autant été diminuée. Une décision autre que la confirmation du verdict de première instance aurait provoqué peut-être de la colère, assurément de "l'incompréhension", selon Mathieu Caclin. Mais mardi soir, ce dernier ne cachait pas son sentiment, prémonitoire, de "ne pas en avoir fini" avec Gabriel Fortin : "Je pense qu'on va avoir un pourvoi en cassation. Je pense qu'il s'est brûlé les ailes sur ce deuxième procès".