En Italie, le mot d'ordre est général. Après un hiver blanc pour les comptes des stations de ski, le monde de la neige a tout misé sur le pont de l'Immacolata qui marque le départ d'une saison d'hiver entre espérance et inquiétudes.
"On est un peu comme au premier jour d'école", confie dans un demi-sourire Davide Vuillermoz, le directeur de la station de Pila, le "Chamrousse valdôtain" vers lequel tous les habitants d'Aoste (Italie) ont les yeux levés lorsque l'on parle ski. "On devait ouvrir ce vendredi, mais on a dû encore repousser d'un jour pour attendre de voir ce que l'on nous disait au niveau sanitaire", explique-t-il.
Des stations en blanc et jaune
C'est que depuis le début de la pandémie de Covid-19, les régions italiennes ont pris l'habitude, chaque vendredi, d'apprendre la couleur qui leur sera attribuée par l'Institut supérieur de santé italien (ISS - Istituto Superiore di Sanità) pour la semaine suivante.
Blanc ou jaune passent encore pour la pratique du ski. Les choses commencent à se gâter pour les stations si elles se situent dans des régions classées orange et à fortiori rouge, couleur du confinement. Et l'ennui, c'est que ces deux dernières semaines, la carte d'Italie s'est colorée. Et certaines régions à vocation ski voient leur situation sanitaire se détériorer.
C'est le cas du Frioul-Vénétie Julienne, déjà en jaune, qui pourrait virer à l'orange dès lundi 6 décembre. La province de Bolzano, à la frontière autrichienne, et la région du Haut-Adige ont quant à elles déjà prévu d'être en jaune la semaine à venir.
Le vice-président délégué à la santé en est tellement convaincu qu'il précisait jeudi au quotidien économique Il Sole 24 Ore : "Le jaune ne changera pas grand-chose, mais si nous ne faisons rien de plus, on passera rapidement en orange et peut-être rouge, synonyme de fermetures".
Réussir l'ouverture à tout prix
"Quoiqu'il en soit de nos inquiétudes, on ouvre un point c'est tout". Des sommets qui dominent Aoste, Davide Vuillermoz ne voit pas plus loin que mercredi prochain. "Il faut absolument réussir ce grand pont qui nous est offert cette année pour lancer notre saison de ski", lance, comme un défi, le directeur de la station de Pila.
Ce n'est pas tous les ans, en effet, que le calendrier donne un pont aux allures de viaduc pour le lancement de la saison d'hiver. En plus du samedi et du dimanche, les Italiens seront nombreux à profiter également du mercredi de l'Immacolata - l'immaculée conception - pour rester à la montagne cinq jours, en ne posant que deux jours de congés.
Et que dire des Milanais, encore plus chanceux, qui n'auront pas même à poser leur mardi, jour du Saint patron de leur ville Sant' Ambrogio, également férié.
Pour cueillir l'aubaine - et oublier vite l'Immacolata blanche de toute recette l'an dernier -, les stations italiennes, et lombardes en particulier, ont mis les petits plats dans les grands pour accueillir leurs clients.
Ainsi, depuis le 1er décembre et jusqu'à la veille de Noël, les 27 stations de ski de Lombardie permettent à tous les moins de 16 ans de leur région de skier gratuitement.
"Et pour ceux de nos jeunes qui ne skient pas encore, a ajouté le vice-président délégué aux sports de la région Lombardie, ils pourront prendre des leçons de ski auprès de moniteurs pour la somme symbolique de 5 euros."
Un vrai cadeau… qui ne s'arrête pas là
Pour susciter de nouvelles vocations d'amateurs de sports d'hiver, les voies d'accès à la montagne lombarde ont été dégagées. Au départ de Milan, c'est une véritable flotte de trains des neiges (treni della neve) qui a été mise en service. Avec un billet unique : train+navette en bus+forfait de ski, à prix escompté (si acheté en ligne) et utilisable du 4 décembre jusqu'au 10 avril 2022, date présumée de la fin de saison pour la plupart des stations de ski de la région.
Mais la Lombardie n'est pas la seule à innover pour attirer les clients et repeupler ses pistes, restaurants et hôtels. La Vallée d'Aoste et le Frioul proposent par exemple un forfait unique, valable pour skier dans l'ensemble des stations de leur région. Le Piémont s'est lui aussi doté de trains des neiges pour inciter la population de ses grandes villes à monter vers ses vallées olympiques de Turin 2006.
L'inconnue anglaise
Cela n'a toutefois pas suffi à redonner le sourire au maire de Sauze d'Oulx, à une trentaine de kilomètres de la frontière française. Objet de tous les soucis de l'édile, la clientèle anglaise qui, depuis des décennies, remplit sa station une fois les Italiens repartis vers les grandes villes de la plaine du Po, après l'Immacolata et la Sant'Ambrogio.
"Bien sûr que je suis heureux que le domaine de Sauzé ouvre (samedi 4 décembre), a expliqué Mauro Meneguzzi au quotidien La Stampa. Mais je ne peux m'empêcher d'être inquiet de l'absence programmée de notre clientèle d'Anglo-Saxons et surtout de leurs enfants adolescents".
En cause, l'instauration à partir de lundi du super Green Pass, prévu par le gouvernement Draghi. Un pass sanitaire renforcé qui rend obligatoire les deux doses de vaccin - ou une dose seulement en cas de guérison du Covid-19 -, pour accéder aux télésièges et autres télécabines.
"Je me suis renseigné sur la vaccination au Royaume-Uni. Pour les jeunes entre 12 et 17 ans, une seule dose suffit. Résultat, sur nos pistes de la Via lattea (le domaine de Sestriere-Montgenèvre en France, ndlr), ils ne pourront prendre aucune de nos remontées mécaniques", complète l'édile. "Et quand on sait que chaque hiver, nous accueillons entre 1 200 et 1 500 touristes anglais par semaine, vous imaginez facilement le manque à gagner que cela représente."
Un système D à l'italienne
La solution ? Un système D à l'italienne qui doit encore être validé par l'exécutif romain. "La solution, pour moi, propose le maire de Sauzé d'Oulx, ce pourrait être de donner aux adolescents anglais un pass sanitaire spécial, valable seulement une semaine. Pour tous ceux qui ont au moins une dose de vaccin et un test négatif en poche."
Proposée à la direction sanitaire de la région Piémont et au ministère de la Santé à Rome, la solution du maire aux abois sera-t-elle retenue ? Mystère pour l'instant.
"De toute façon, les Anglais n'arrivent chez nous qu'après Noël généralement, conclut Mauro Meneguzzi. Mais il faut leur donner un signe rapidement. Car pour l'instant, leurs séjours sont en stand by sur notre centrale de réservation."
Les stations de ski suisses, elles aussi dans l'incertitude à cause des restrictions sanitaires, ont pu souffler vendredi. Le gouvernement a annoncé supprimer l'obligation de quarantaine à l'entrée dans le pays pour les personnes vaccinées contre le Covid-19. De quoi espérer sauver l'essentiel de la saison d'hiver, cruciale pour l'industrie touristique du pays alpin.