Laurent Guillaume, présentateur du Magazine de la Montagne depuis plus de 20 ans, propose tous les jours ses "chroniques d’en haut" en attendant la fin du confinement. Il raconte avec authenticité et parfois humour le quotidien des habitants de sa vallée perchée de Savoie.
C’est à Valloire, commune située en Maurienne (Savoie) que Laurent Guillaume passe cette période de confinement, dans un hameau perdu situé à 1 700 mètres au dessus de la station. Ici, l’isolement est dans la nature des choses.
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Annus Horribilis… Cette expression popularisée par la Reine d’Angleterre qui ne savait décidément pas ce qu’elle disait risque bien de se retrouver dans nos livres d’Histoire concernant 2020, tant cette année restera marquée par l’actualité. Il y aura, bien sûr, ce confinement inédit d’une grande partie de l’humanité, mais aussi ses conséquences sanitaires, économiques et sociales dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Jamais dans l’histoire récente nos habitudes, nos convictions et nos modes de vie n’auront à ce point été bouleversés, d’un jour à l’autre, et qui plus est avec l’adhésion de la quasi-totalité des peuples, plus convaincus sans doute à l’idée de sauver leurs fesses qu’à celle de sauver les autres, au moins dans un premier temps, et même si les deux sont fortement liés.
L’immeuble d’en face, c’est l’Amérique.
Ainsi, à notre petite échelle, notre équipe des Programmes à France 3 Auvergne Rhône-Alpes subit également un bouleversement de ses habitudes de travail allant, par la force des choses, jusqu’à revoir sa ligne éditoriale pour l’adapter aux circonstances et prêter main forte aux équipes du Journal Télévisé débordées par l’actualité et confrontées, comme nous tous, à l’obligation lorsque cela est possible de travailler au maximum depuis chez nous. Le confinement est commun à tous, chacun dans sa bulle, qu’elle soit en montagne, à Lyon, à Clermont ou Grenoble : l’univers pour nous tous s’est réduit à la surface de nos appartements. L’immeuble d’en face, c’est l’Amérique.
Une condition partagée par tout le monde, qui conduit, enfin, à s’intéresser à ce qui se passe près de chez nous, pour ne pas dire : chez nous. Et là, bingo ! Notre chaîne est la championne de la proximité ! Ainsi, nos équipes des magazines, habituées à vous ramener des images de nos contrées familières mais souvent méconnues, se voient appelées à labourer l’hyper proximité. Entendez par là : créer du lien au porte à porte, virtuellement bien sûr. S’intéresser à ce qui fait le quotidien des habitants de notre région, c'est-à-dire, maintenir le lien au niveau de la cellule familiale, des amis, des relations, et mettre un peu de sourire dans cette actualité forcément anxiogène. Chacun d’entre nous, en faisant comme il peut avec des moyens techniques limités au smartphone (d’où le souci du bourron, pour ceux qui suivent) va donc partir à la rencontre de l’autre, celui qui vit à côté mais qui a besoin de quelque chose, ou qui a trouvé un moyen de calmer les gosses autre qu’en les mettant devant Gulli, ou qui veut dire à sa grand-mère vivant à l’autre bout de notre région qu’elle lui manque et qu’il l’aime.
Le travail c’est bien, ça permet de se changer les idées. Mais mon quotidien ici est comme le vôtre : remplir une attestation, aller faire les courses, et faire gaffe à ne rien choper…
France3 Auvergne Rhône-Alpes vient d’inventer l’hyper locale, France3 Cours d’Herbouville, France3 Montée des Soldats, France3 Avenue de la Vallée d’Or, France3 Rue Victor Hugo… Et j’en passe, la liste serait longue. Ces petits bouts d’humanité proche vont devenir le temps de cette sale période une fenêtre ouverte sur le monde de la rue d’en face, dans une émission résolument positive diffusée tous les jours à 11h53 et 18h53 avant nos JT. On dit que la télévision est le reflet de notre société. En voilà la preuve, plus que jamais en ces temps difficiles où l’on espère trouver du sens à ce repli sur soi nécessaire mais imposé.
Le travail c’est bien, ça permet de se changer les idées. Mais mon quotidien ici est comme le vôtre : remplir une attestation, aller faire les courses, et faire gaffe à ne rien choper… Muni de mon Sésame, je pars donc faire mes courses en ville – comprenez « à Valloire », c’est comme ça qu’on appelle le village quand on vit dans les hameaux distants - pour humer l’air du temps et y trouver une source d’inspiration, afin de contribuer, malgré mon éloignement, à cette entreprise de solidarité et de lien social. Comme je vous l’ai déjà maintes fois expliqué : mes voisins immédiats sont en hibernation, ou ne sortent que la nuit pour récupérer des os. Non, le virus n’a pas muté rassurez-vous, et aucun zombie n’a été observé ici ! Il s’agit juste des marmottes et de mon renard.
A suivre...