La récolte du raisin a lieu chaque année de plus en plus tôt, les températures augmentent toujours plus rapidement, et chaque année la sécheresse est de plus en forte préoccupante : les solutions pour protéger la vigne des coups de chaud existent, mais elles montrent rapidement leurs limites.

Des températures toujours plus élevées, des coups de soleil qui se multiplient dans les vignes, et des vendanges de plus en plus précoces: en 50 ans les récoltes ont avancé de 2 semaines environ. La vigne subit de plein fouet le changement climatique. Comment s'adapter? Des solutions existent dès aujourd'hui pour lutter contre le manque d'eau ou contre l'excès de sucre des vignes, mais si le changement climatique s'accélère comme le prévoient les scientifiques, nos cépages pourront-ils survivre?

Un paillis au sol, contre la sécheresse de l'été

Dans la Drôme, une parcelle de Crozes-Hermitage s'étend sur 15 hectares, et c'est en hiver que la meilleure arme pour lutter contre la sécheresse de l'été se prépare. Nicolas Machon, vigneron de la Cave de Tain, laisse pousser au pied de ses vignes bio, des graminées et des légumineuses, plusieurs espèces végétales comme le trèfle blanc, la phacélie, des céréales à paille, du blé ou de l'avoine. En avril, juste avant que la vigne ne reparte, ces engrais verts seront coupés et laissés sur place. Les plantes séchées permettront de retenir un peu d'humidité en été. C'est l'un des principes de la permaculture: les vignerons parlent plutôt d'enherbement hivernal. L'engrais vert va se transformer en tissu végétal, qui protège le sol mais aussi le sous-sol, avec des petites racines qui permettent à l'eau de pluie de mieux circuler.

Mais attention cela n'est efficace que pour le sol ! Pour protéger le reste, les pieds ou les feuilles des coups de chaud : "on n'a pas de solutions pour l'instant. A part peut-être de l'ombrage. On n'a pas de recul pour l'instant." nous confirme Nicolas Machon.

Avec une trentaine de collègues, réunis au sein d'un collectif, "les vignerons engagés", Nicolas Machon réalise des diagnostics très précis et techniques, pour améliorer les pratiques, et surtout se préparer au mieux aux évolutions du climat annoncées par les scientifiques.

Les expériences d'ombrage pour la vigne sont encore très rares, à cause de nombreuses contraintes liées à la surface nécessaire au sol, ainsi qu'au manque de rendement.

Arroser la vigne

Le manque d'eau est le point le plus problématique aujourd'hui pour la culture du raisin. Le stress hydrique diminue la croissance des raisins. La sécheresse est parfois tellement importante que certains pieds peuvent dépérir. La vigne, pour assurer sa survie en cas de sécheresse trop importante, cesse d’alimenter les raisins provoquant un blocage de maturité parfois fatal. 

Certains secteurs, notamment en Ardèche, ne peuvent pas irriguer leurs parcelles, à moins de faire appel à d'importants travaux. Pour les secteurs plus proches de points d'eau, comme un signe des temps, la législation permet depuis 4 ans l'arrosage des pieds de vigne, pour permettre aux plantes de survivre pendant les étés très secs. Cet arrosage est autorisé pour les vins de pays jusqu'au 15 août maximum. Pour les Crozes, l'irrigation est plus compliquée, il faut donc demander des dérogations à l'organisme de contrôle, l'INAO, mais toutes les appellations ne peuvent y avoir accès. Et cette demande d'autorisation doit être faite en avance, jusqu'à la fin du mois de juin.

Changer de porte-greffe ou de clone

La vigne est constituée de 2 parties distinctes: le porte-greffe avec les racines, et la partie supérieure appelée le clone, là où pousse le raisin. 

Aujourd'hui, seule une trentaine de porte-greffes sont autorisés à la culture en France, et 5 d’entre eux représentent 75% des plantations (SO4, 110R, 3309C, Fercal et le Gravesac). Cette sous-utilisation de la diversité du matériel disponible pousse les chercheurs à multiplier les pistes, pour trouver de nouvelles alliances entre le porte-greffe et le clone.

Dans les années 90, l'association "Syrha Recherche Développement" a implanté une parcelle de test à Mercurol-Veaunes (Drôme) sur 2 ha. Il s'agissait à l'époque de mener des recherches sur certaines maladies ou des ravageurs. Aujourd'hui les pieds expérimentaux sont toujours là, mais les recherches ont été ré-orientées vers l'adaptation au changement climatique, car en fonction des variétés les profils génétiques varient énormément.

Pour Nicolas Ravel, le responsable des vignobles de la Cave de Tain et membre de l'Association "Syrha Recherche Développement": "On est sur une étude importante au niveau du vignoble, puisqu'on travaille directement sur le matériel végétal. Il faut qu'on accumule des données pour pouvoir, au bout des 5 ou 10 prochaines années, aller vers tel ou tel porte-greffe, tel ou tel clone qui seraient plus adaptés à ce que l'on risque de connaître les 30 prochaines années."

Trop de sucre dans le vin

Un autre effet du réchauffement climatique : avec les fortes chaleurs, le taux de sucre, et donc d'alcool dans les bouteilles, augmente très rapidement. Dans les laboratoires d'Inter-Rhône, qui regroupe l'Institut Français de la Vigne et du Vin et le Syndicat Général des Côtes du Rhône, le vin est analysé dans ses moindres détails. L'une des urgences actuelles est de trouver de nouvelles levures pour faire baisser, artificiellement, ce taux de sucre.

Toutes ces pistes permettent d'adapter la vigne à un climat toujours plus chaud et plus sec. Mais si le réchauffement climatique s'emballe, les cépages de nos régions pourront-ils survivre ? Pour le directeur d'Inter-Rhône, Philippe Pellaton, la réponse est claire: "certainement que non. En tout cas pas tous les cépages. Aujourd'hui on a ce phénomène de maturité qui avance. Si on ne fait rien, si on ne le prend pas en compte, à un moment ça va être compliqué parce qu'on va se retrouver par avoir des cycles végétatifs très courts. On va récolter quasiment au mois de juillet."

Des cépages de Grèce ou de Sicile déjà plantés

Depuis un an environ, la loi française autorise une petite révolution: des cépages venus d'Espagne, du Portugal ou de Sicile sont déjà en cours d'expérimentation dans quelques parcelles. Dans le Languedoc, des cépages grecs sont plantés, ainsi que d'anciennes variétés oubliées. Dans notre région, c'est la clairette de Die qui multiplie les pistes pour réduire le taux de muscat, très sucré, pour privilégier la clairette.

Ces expérimentations peuvent durer 10 ans au maximum et doivent s'étendre sur 5% de la surface d'une parcelle, pas plus. Si les recherches s'avèrent intéressantes, ce sera aux syndicats professionnels de demander une intégration de ces nouveaux cépages dans le cahier des charges. 

Mais ces recherches prennent en général une bonne vingtaine d'années avant d'aboutir. Le réchauffement climatique, lui, n'attendra pas.
 

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