La perspective de la fermeture du tunnel du Mont-Blanc préoccupe les élus des vallées de Chamonix et de la Maurienne. Redoutant un report massif du trafic de poids lourds vers le tunnel du Fréjus, ils appellent à l'accélération des travaux de la future liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Parmi les "victimes" collatérales des fermetures annoncées du tunnel du Mont-Blanc, la vallée de la Maurienne sait qu'elle figure au premier rang. "On ne peut pas dire que l'on soit très heureux de ce qui s'annonce", avoue François Chemin, maire de Fourneaux, commune située dans la vallée savoyarde. Nul n'a oublié ici qu'il y a 20 ans, lors de la fermeture de trois ans pour travaux du tunnel haut-savoyard, c'est sur le tunnel du Fréjus que s'est reporté l'essentiel du trafic de poids lourds.
"Si on devait choisir, on préférerait une fermeture de 3 à 4 mois par an étalée sur 18 ans. Car le danger avec le scénario des 4 ans de fermeture totale, c'est que les transporteurs routiers prennent l'habitude de passer au sud par le Fréjus et qu'en conséquence, tout le monde considère le problème réglé, comme cela a été le cas il y a 20 ans", conclut l'édile.
"Dans ce dossier, on a toujours tendance à mettre en opposition la vallée de Chamonix et celle de la Maurienne", explique pour sa part François Rollet, le maire de Saint-Jean-de-Maurienne. "Mais c'est le problème de toutes les Alpes. En fait, on n'a jamais vraiment tiré les leçons de la fermeture du Mont-Blanc suite à l'incendie des années 2000. Le risque, c'est que l'on continue à se dire : on a de toutes façons une issue de secours, c'est la vallée de la Maurienne. Alors, que la solution, elle est multiple, à commencer par le ferroviaire."
L'espoir d'une accélération du Lyon-Turin
Quelque soit le scénario retenu par les gouvernements italiens et français, on s'attend donc à un report massif du trafic poids-lourds sur le tunnel savoyard. Et au plus mauvais moment, insiste le maire mauriennais.
"Nous avons environ 10 ans avant la mise en service du TGV Lyon-Turin. Et pendant cette période là, en raison de contraintes de chantier, on va avoir de nombreuses coupures de voies. Pour vous donner un exemple, sur 2023 quelque 56 jours de coupures complètes de la ligne ferroviaire sont déjà prévus."
"Tout cela montre la nécessité absolue d'avancer des propositions concernant les accès du Lyon-Turin sur son tracé français", explique de Chamonix, Eric Fournier, le maire de la ville. "Il y a une urgence absolue à ce qu'ils soient dimensionnés au maximum, pour atténuer les phénomènes du report des camions du tunnel du Mont-Blanc sur le Fréjus."
Le maire de Chamonix, n'est d'ailleurs pas le seul à militer pour une accélération du report modal sur le ferroviaire. "Le plus intéressant, ce serait de pouvoir attendre 2032 et la mise en service du Lyon-Turin pour pouvoir mettre un million de camions sur les rails", explique pour sa part Xavier Roseren, le député de Haute-Savoie.
"La solution du grand gabarit qui a été choisi pour le moment par le gouvernement semble de ce point de vue la meilleure. Mais malheureusement, pour l'instant, la Région semble traîner dans ses négociations avec l'Etat."
Une belle unanimité pour pousser le gouvernement à accélérer la manœuvre sur ses arbitrages relatifs à la future ligne à haute capacité. Mais qui ne manque pas d'être pondérée de quelques bémols lorsque l'on franchit la frontière du Mont Blanc.
L'Italie mise d'abord sur un second tunnel du Mont Blanc
"La Torino-Lione est une des voies pour sortir de l'impasse de la fermeture, mais ce n'est certainement pas la seule", argumente de son bureau d'Aoste le président du patronat italien (Confindustria Valle d’Aosta), Francesco Turcato.
"Lorsque j'entends justifier le refus d'un doublement du tunnel du Mont-Blanc actuel à cause de l'augmentation de la pollution atmosphérique qu'il générerait, je ne peux manquer de penser qu'il s'agit d'une opposition plus idéologique que pratique", explique le patron des patrons valdôtains.
"Nous voudrions avoir au moins la possibilité d'en débattre avec les gouvernements et tous les maires dont les communes sont impactées par l'existence des tunnels alpins. (...) J'ajoute que si nous voyons dans le percement d'un second tube au tunnel du Mont-Blanc, une solution aux questions posées par les travaux à venir, rien n'empêche par la suite d'utiliser le nouvel ouvrage comme galerie de secours."
Quant aux deux hypothèses de fermeture sur lesquelles les gouvernements italiens et français devront se décider d'ici deux ans, Francesco Turcato, préfère renvoyer dos à dos les partisans de l'une ou l'autre solution.
"Les deux scénarios seraient désastreux pour notre économie régionale, basée sur l'exportation", ajoute le président de la Confindustria VdA. "Notre premier client c'est l'Union européenne avec, en tête de liste, la France qui pèse pour 20,66 % dans nos exportations. Nous sommes donc pour que le dialogue s'instaure au plus vite avec la France afin de ne pas condamner une région entière à la récession."