Parmi les spectacles préférés du public cette année, "La Cuisinière" de la compagnie grenobloise "Tout en Vrac" se démarque par son humour très visuel et son message d'émancipation.
Tout commence dans une cuisine flambant neuve qui sent bon le propre. La maîtresse de maison, façon "pin-up" des années 50 est à l'écoute de la radio. Une animatrice niaise et son invité sirupeux proposent de réaliser une "tarte choco-caramel meringuée sur son lit de compote de pomme". Notre cuisinière se lance dans l'exercice sans se douter que les conséquences vont être cataclysmiques.
En face, les 1.500 à 2.000 personnes serrées sur la place des Carmes sont hilares. Le spectacle de la compagnie "Tout en Vrac" est celui dont on parle au coin des rues, que l'on recommande à ses proches ... D'autant qu'il a déjà été présenté à Aurillac en off dans le passé ... Cette année, il est dans le "in".
"C'est un peu la même idée que ce qu'ils se passe quand un ordinateur nous énerve" explique Nicolas Granet, le directeur artistique de la compagnie. "A un moment, on se sent contraint de penser comme on nous demande de le faire et quand on en prend conscience, on a envie de tout casser. Le spectacle, c'est l'histoire de cette prise de conscience par cette femme."
L'histoire d'une émancipation
Derrière le crescendo comique représenté par la descente aux enfers d'une cuisinière dépassée par la confection de son plat, il y a donc un arrière-plan social, voire politique. "Au début, on s'ennuie avec elle. On voit bien qu'elle est dans un corset que lui impose la société. Au début, elle l'accepte et elle essaie de s'y conformer. Mais petit à petit, ça ne va plus marcher."Au début, notre cuisinière répond aux injonctions de la radio : la cuisine doit être pimpante, le caramel pas trop cuit, le mari ravi par le gâteau. Et peu à peu, faute de pouvoir les suivre toutes, elle prend ses distances. "Pour certains, on a retracé l'histoire du féminisme. Je ne dirais pas que c'est ce qu'on a essayé de faire. Pour nous, le féminisme, c'est un exemple (réussi ou pas selon les avis) d'émancipation mais il y en a d'autres ! Ca pourrait être un homme avec un autre combat à mener."
L'automatisation qui nous asservit
"La Cuisinière", c'est un duel entre la femme et la machine, un robinet farceur, un four menaçant ou un chalumeau un peu trop efficace. "La machine anime elle aussi le spectacle. Elle est au coeur du spectacle car elle pose la question de l'asservissement de l'humain par la machine. C'est aussi ce qu'on a voulu montrer en plaçant le spectacle dans le cadre des années 50 où l'automatisation soi-disant libératoire est arrivée dans la société moderne, dans cette période où on nous expliquait que l'aspirateur allait faire gagner du temps à la femme alors qu'elle en passe toujours autant à entretenir le foyer ..."Symbolisée par l'omniprésence insupportable d'un sponsor mécaniquement ressassé par l'animatrice de radio, la publicité en prend aussi pour son grade. "C'est le symbole de l'irruption de la consommation de masse et du marketing dans le foyer. On s'est inspirés d'une marque qui existe, Betty Crocker. Historiquement, c'est une marque de produits pour paraît-il faciliter la vie de la femme. Ils ont édité des manuels de bienséance et de bonne tenue de la maison ... Il y a quelques jours lors d'un spectacle, une spectatrice anglaise nous a dit qu'on lui avait offert ce livre le jour de son mariage !"
Le final spectaculaire se termine devant un public aurillacois debout. "Aurillac, c'est un public averti !" constate Nicolas Granet, "c'est un public exigeant, on ne peut pas le prendre pour un con !" Clairement, "la Cuisinière" a largement répondu à ses exigences !
Comment voir le spectacle ?
Le spectacle a été empéché vendredi soir, mais il devrait bien avoir lieu ce samedi à 21h15 sur la place des Carmes.Un conseil : arrivez en avance, le succès provoque l'affluence ...