Bien que fortement perturbé, le trafic aérien a repris vendredi matin à l'aéroport international de Genève. Une partie du personnel a prolongé la grève jusqu'à samedi. Il s'agit du premier conflit social de cette ampleur.
Un mouvement historique reconduit. Les grévistes de l'aéroport international de Genève, le deuxième de Suisse, ont décidé de prolonger le mouvement vendredi 30 juin toute la journée et samedi, lors d'un vote du personnel qui proteste contre une nouvelle politique salariale.
"J'entends que vous n'êtes pas fatigués, donc on continue", a lancé Jamshid Pouranpir, secrétaire du Syndicat des services publics pour le trafic aérien, sous les applaudissements, à l'issue du vote à main levée.
Le vote a eu lieu après une rencontre entre la direction de l'aéroport et une délégation syndicale. Les syndicalistes - plusieurs dizaines - ont planté leurs drapeaux rouges devant la porte principale de l'aéroport Cointrin, pour expliquer leurs revendications, entourés de grilles et d'un cordon de sécurité. "Je ne suis pas une variable d'ajustement économique", pouvait-on lire sur une banderole.
Reports et annulations de vols
Cette grève des employés de l'entreprise publique, qui devait initialement s'achever à 8 heures, a déjà forcé à l'annulation et au report de dizaines de vols vendredi matin, la première journée des départs en vacances estivales. Bien que fortement perturbé, le trafic aérien a repris en début de matinée.
Les aiguilleurs du sol, qui sont "les plus impactants" sur le trafic, "reprennent leurs activités", a expliqué à l'AFP le porte-parole de Genève Aéroport Ignace Jeannerat. "Avec leur compétence, on peut continuer à avancer", a-t-il dit, et donc "le trafic a repris mais ce sera un trafic un plus lent que normalement".
Devant les portes du bâtiment principal et à l'intérieur de l'aéroport, les longues files d'attente, canalisées par de nombreux policiers et des personnels de sécurité, témoignaient de ces retards.
À l'intérieur, les passagers, toujours plus nombreux, se pressent pour voir si leur vol a été annulé, à l'image d'un couple d'une cinquantaine d'années, Christophe et Laetitia, venus de Savoie, qui ont découvert que leur correspondance était annulée. Vendredi matin, plus d'une soixantaine de vols ont été annulés, la direction de l'aéroport ayant décidé d'arrêter temporairement les opérations entre 4 heures et 8 heures.
C'est l'ultime solution à laquelle on ne pensait pas arriver.
Claire Pellegrin, présidente de la commission du personnel de l'aéroportà l'AFP
La compagnie aérienne Swiss avait averti que tous les vols de vendredi matin au départ de Genève seraient concernés. Easyjet est elle aussi impactée, Genève étant un hub important pour la compagnie low cost. "On est dans l'incertitude", a expliqué Luca Toberer, passager d'Easyjet, dont le vol pour la Crète devait partir à 11h15, assez mécontent. "En Suisse, on a un regard assez négatif sur les grèves en général".
"En Suisse, faire grève est très rare. On a le droit de faire grève quand on a épuisé tous les recours et procédés de consultation", ajoute Claire Pellegrin, 43 ans, présidente de la commission du personnel de l'aéroport. "C'est l'ultime solution à laquelle on ne pensait pas arriver", a-t-elle assuré, expliquant que c'était la première grève à laquelle elle participait. Le mouvement, qui touche plusieurs services critiques, trouve son origine dans la refonte de la politique salariale voulue par la direction.
Diane Altanov, maîtresse d'école, et Gabriella Faillace, employée de banque, ont découvert en arrivant à l'aéroport que leur vol pour Doha avait été retardé, alors qu'elles doivent ensuite prendre une correspondance pour le Cambodge. "On est embêtées mais on comprend la grève" vu l'inflation, a indiqué la jeune enseignante.
Reconductible
Le conflit social couvait depuis plusieurs jours. Cette grève est historique, il s'agit de la première concernant le personnel de l'aéroport employé selon un contrat de droit public - et non des collaborateurs externes, eux aussi vitaux pour son fonctionnement -, au cours des 104 ans d'histoire de Cointrin, souligne le quotidien Le Temps.
"C'est toujours un moment de tristesse la grève", a réagi le président du Conseil d'administration de Genève Aéroport, Pierre Bernheim. Selon lui, la refonte de la politique salariale de l'entreprise est justifiée en raison des prévisions de croissance de l'aéroport en berne. "On ne peut plus se permettre d'avoir des automatismes annuels" de salaire, a-t-il dit.
"L'aéroport est une entreprise qui est rentable, qui bénéficie d'un monopole et qui s'en prend aux conditions du personnel", a déclaré Pierre-Yves Maillard, le président de l'Union syndicale suisse (USS), venu soutenir les grévistes.
"Vous avez du personnel qui se sent méprisé à un degré tel que même ici à Genève, en Suisse, ils finissent par débrayer", a-t-il relevé. Sur la période de janvier à mai, l'aéroport a accueilli près de 6,8 millions de passagers, selon les statistiques officielles.