Il y a 80 ans, le 10 juin 1944, débutaient les combats du Mont-Mouchet, haut lieu de la résistance entre le Cantal, la Haute-Loire et la Lozère. La bataille se poursuivra dans toute la région, jusqu'à la fin du mois d'août 1944. Retour sur cet épisode clé de la libération de l'Auvergne.
Nous sommes le 10 juin 1944. Lorsque les troupes allemandes lancent l’assaut du Mont-Mouchet, près de 3000 maquisards sont rassemblés dans la Margeride autour du colonel Gaspard. Parmi eux, autour du chef des Maquis d'Auvergne Émile Coulandon, dit le colonel Gaspard, se trouve Jean Zilberman. Près de 80 ans plus tard, il revient sur ces évènements entre Cantal, Haute-Loire et Lozère.
Parachutage de bazookas
Jean Zilberman, jeune Parisien de 16 ans, est réfugié avec sa famille à Vic-le-Comte, près de Clermont-Ferrand. Son voisin, qui l’emmenait au lycée Blaise-Pascal tous les matins, rejoint très vite de la résistance. "Un beau jour, notre voisin est venu voir mes parents en disant leur disant "Je crois que votre fils de fait de l'anglais". Ils avaient reçu un parachutage des bazookas. Seulement, il fallait les monter mais la notice était en anglais. Avec mon petit dictionnaire, que j'ai gardé d'ailleurs, et mes connaissances, nous avons réussi à traduire", se souvient Jean Zilberman.
En mai 1944, le jeune garçon est volontaire pour monter au maquis. Ils sont nombreux à ainsi sortir de l’ombre à travers toute l’Auvergne. "Le 20 mai 1944, Émile Coulandon, le chef de l'armée secrète, lance un appel à la mobilisation dans l'attente d'un débarquement, que l'on sait imminent mais dont on ne connaît pas la date. Il faut se rassembler pour contrôler un certain nombre de routes, de voies d'accès, pour harceler les troupes allemandes qui se trouvent dans notre région", rappelle l'historienne Françoise Fernandez.
"L'impression qu'on les abandonnait"
Les premières attaques commencent entre le 2 et le 3 juin autour du Mont-Mouchet. "Le gros de la bagarre dans le périmètre a lieu entre le 10 et le 20 juin. C'est le moment où les Alliés ont débarqué en Normandie. Les résistants ont eu l'impression qu'on les abandonnait parce que les apports d'armes étaient ralentis et que tous les regards étaient tournés vers la Normandie", continue Françoise Fernandez.
Equipés d’armes lourdes et plus aguerris les soldats allemands sont environ 2500. Une cinquantaine seront tués. Près de 300 maquisards perdront la vie pendant ces combats."Le 10 juin, quand les Allemands attaquent le Mont-Mouchet, on était un peu sur les hauteurs. À côté de moi, il y avait un collègue avec qui j'étais bien copain. Il a aperçu un homme descendre avec un bazooka et s'est rendu compte que c'était son père. Il s'est levé pour le rejoindre. Et puis, les chars sont arrivés, il a tiré deux coups pour bloquer le premier mais les autres les ont mitraillés. Le père et le fils ont été tués là-bas", relate Jean Zilberman. Plus de 70 civils seront également tués.
Une rafle à Murat
En représailles à l’attaque de la résistance à Murat, le 12 juin et à la mort du chef de la Gestapo Hugo Geissler, les Allemands et les miliciens français fusillent 25 otages dans le vallon de Soubizergues le 14 juin. Le 24 juin, les troupes allemandes reviennent à Murat pour procéder à une vaste rafle : 109 personnes seront déportées en Allemagne. Seulement 35 reviendront. "Pendant 20 ans, la ville de Murat sera sous une chape de plomb. Plongée dans le deuil", commente Benoît Parret, président de Mémoire(s) et déportation du Cantal.
L'association s'est donné pour mission de continuer à collecter des informations autour des évènements du Mont-Mouchet "parce qu'il y a encore des éléments à trouver", assure Benoît Parret. "On organise des commémorations chaque année, au mois de juin. Il y a de nouveau des guerres en Europe, c'est important d'expliquer que ce n'est pas simplement des militaires qui s'affrontent : il y a la population civile. Et des conséquences sur des générations, puisqu'on en parle toujours 80 ans après", insiste-t-il.