La fin du régime du maréchal Pétain à Vichy en aout 1944 a consacré le rôle décisif de l’ambassadeur suisse Walter Stucki. Voici son histoire.
A l’été 1944, Vichy est encore officiellement la capitale de l’Etat français mais le pouvoir réel n’est plus ici, selon Françoise Fernandez, historienne : « Fin de règne, parce que Laval a quitté Vichy, l’ensemble du gouvernement collaborationniste est parti à Paris. Le pouvoir est chez les ultras-collaborationnistes, il est à Paris, il est autour de Laval, autour de Darlan, véritablement la lie de la collaboration. La milice, qui a tous pouvoirs, au-dessus de la gendarmerie, au-dessus de la police elle-même, est un élément de chasse, de traque contre les juifs, contre les résistants. »
Eviter un "bain de sang"
A Vichy demeure le symbole du régime. Le Maréchal Pétain est encore là, à l’Hôtel du Parc qu’il occupe depuis 1940. « Les 17 et 18 août, il est encore dans la rue, il salue la foule qui l’acclame. On se demande ce qu’on va faire de lui. Il faut éviter que tous les habitants de Vichy soient confondus avec des collaborateurs et qu’il y ait un bain de sang au moment de la libération et de l’épuration qui va suivre », explique Françoise Fernandez.
« Il y a un personnage qui va jouer un rôle extrêmement important. C’est l’ambassadeur de Suisse, Stucki, qui va permettre par les contacts qu’il a avec les Allemands et avec la résistance, dans cet univers vichissois qu’il connait bien, d’aider à faire une sortie possible pour Pétain », raconte Françoise Fernandez. Personnalité imminente du petit monde diplomatique vichyssois, Walter Stucki est l’un des rares ambassadeurs à rester en poste tout au long de la période.
L'arrestation du Maréchal Pétain
Au fil des ans, il tisse des liens avec le Maréchal Pétain dont il respecte profondément la stature. Quand ce dernier est obligé de quitter Vichy sur ordres des Allemands, Stucki est le témoin de la vraie-fausse arrestation du Maréchal le 20 aout 1944, raconte Michel Promerat, président du CIERV (Centre international d'études et de recherche de Vichy) : « Il est là au petit matin du 20 août, lorsque les Allemands se présentent à l’hôtel du Parc, demandent à ce que Pétain descende pour l’emmener et enfoncent la porte du Maréchal qui part contraint et forcé. Il y a dans ce départ une sorte de mise en scène dont Stucki est le témoin, pour montrer à la postérité que ce départ n’a pas été un départ volontaire. »
"Il a joué un rôle pacificateur"
Les FFI, les Forces françaises de l’intérieur, sont alors à quelques kilomètres de Vichy. Les troupes Allemandes ne sont pas loin non plus, Walter Stucki rencontre les différents états-majors pour éviter les combats mais une fois l'aéroport détruit par les Allemands la ville ne représente pas vraiment d’intérêt stratégique, selon Michel Promerat : « Tacitement, il était admis qu’on ne se battrait pas d’un côté comme de l’autre. Walter Stucki est venu officialiser ça. Il a incontestablement joué un rôle pacificateur. Il a veillé à ce que les braises ne s’allument pas. Une transition en douceur, sans violences sans victimes. Il n’y a pas eu de morts ni de destructions. Aucun bâtiment de Vichy n’a été détruit ni bombardé. Par la suite, il affirmera que c’est grâce à lui qu’il n’y a pas eu de violences. Dans son livre il a tendance à magnifier ce rôle et à se donner l’image du sauveur de la ville. » Mais, selon Michel Promerat, personne ne voulait se battre à Vichy.