L'entreprise Borde, basée depuis 1920 à Saugues (Haute-Loire), est spécialisée dans le commerce des champignons. En pleine saison de la cueillette - ils réalisent 60% de leur chiffre d'affaires entre septembre et fin décembre - ils constatent que la production diminue considérablement en France.
Morilles de Patagonie, girolles de Mongolie et cèpes des Balkans: ancrée en Haute-Loire, l'entreprise familiale Borde est un champion européen des champignons sylvestres, qu'elle importe et réexporte dans le monde entier sous toutes les formes, l'avenir étant à la lyophilisation.
Dans les ateliers de cette PME installée à Saugues, au pays du Gévaudan, des mains expertes trient sur un tapis roulant les champignons qui seront vendus selon trois modes de conservation différents: séchés, appertisés ou surgelés. "Chaque champignon a un mode de traitement de prédilection: les girolles sont parfaites en conserves, les morilles offrent plus de saveur déshydratées et les cèpes sont meilleurs surgelés", explique Alain Borde, PDG de l'entreprise qui a réalisé en 2016 un chiffre d'affaire de 17 millions d'euros, dont 50% à l'export.
L'entreprise de 70 salariés, numéro 1 français de ce marché de niche, vend chaque année l'équivalent de 10 000 tonnes de champignons frais d'une vingtaine de variétés différentes, dans 70 pays ; 60% de son activité se fait entre septembre, mois d'ouverture de la chasse, et les fêtes de fin d'année.
Outre le contrôle manuel, les champignons déshydratés, qui arrivent déjà séchés, passent aux rayons X pour déceler tout corps étranger, notamment dans les morilles. Pour la conserve - qui pèse, avec les secs, 85% de l'activité - ils arrivent en saumure et sont longuement dessalés avant d'être sertis ou encapsulés.
Déjà contrôlés une première fois par les fournisseurs, trompettes, pleurotes, lactaires et autres shiitakés sont de nouveau analysés dans le laboratoire de la manufacture pour vérifier leur apparence, radioactivité et teneur en métaux lourds. Depuis des décennies, la Maison Borde s'approvisionne aux quatre coins de la planète, tant la récolte hexagonale est limitée.
Moins de champignons en France
"Cette année, la sécheresse dans le sud de la France a eu une incidence notoire. Et on a un problème plus profond dans nos forêts: on replante, après les coupes, de nouvelles essences d'arbres qui ne sont pas favorables aux champignons, comme le Douglas ou le mélèze. Si ça continue, demain on n'en aura plus", estime Alain Borde.
Ainsi, les cèpes secs récoltés en France traités par la Maison Borde pèsent 500 kg contre pas moins de... 70 tonnes d'importation. De surcroît, "ce qui pousse sur le territoire national est destiné à pratiquement 100% au marché du frais, et on ne peut pas les acquérir pour les transformer. Petit à petit, il a fallu qu'on se déplace sur les marchés extérieurs pour acheter nos matières premières", explique l'industriel de 51 ans, à la tête de la société fondée en 1920 par son grand-père Alexandre Borde, entrepreneur audacieux spécialisé dans le beurre rance avant de se lancer dans l'aventure du champignon.
Dans les années 1960, elle entre dans la modernité grâce à son fils Gérard qui se lance sur le marché naissant de la grande distribution et construit un réseau international de fournisseurs. Il prospecte alors en Europe de l'Est; en Espagne, où une variété de cèpes, les "castagnos", étaient jusqu'alors considérés comme vénéneux; au Maroc, où il organise une filière; puis en Chine dans les années 1990.
En coulis, fumets, duxelles (hachis) et même conditionnés dans des boules de Noël, l'entreprise familiale développe aujourd'hui des produits haut de gamme pour la distribution comme la restauration. Et mise sur la lyophilisation avec des champignons qui peuvent être réhydratés en quelques secondes sans être altérés. Ils seront vendus en grandes et moyennes surfaces à partir de mars. Mais cette "petite révolution" leur vaut déjà "de très bons retour des chefs", assure Alain Borde, qui veut aussi développer le tourisme mycologique autour de Saugues.