En Haute-Loire, un agriculteur est désespéré depuis l'installation d'une antenne 4G à moins de 200 mètres de son exploitation agricole. Ses vaches ont un comportement étrange et leur production de lait a chuté de moitié. Il en reste persuadé, cette antenne a un impact sur la santé de ses animaux.
« Non mais il y en a marre là ! Il faut trouver une solution », peste Frédéric Salgues, agriculteur à Mazeyrat-d’Allier en Haute-Loire. Depuis début juillet, date de l'installation d’une antenne 4G à environ 200 mètres de son exploitation, cet agriculteur explique vivre un véritable enfer. Sa production de lait a baissé de moitié : « En juin, on était à 4 200 litres environ, 3 000 en juillet puis 2 500 en août. On a ensuite fait venir un radiesthésiste, ça allait mieux, les vaches mangeaient de nouveau, puis en septembre, c’est reparti. Sur le taux protéique, on a perdu 3 ou 4 points donc on perd la prime. Il y a moins de litres et on est moins bien rémunérés dessus. On était dans les 25 litres par vache, on est passé à 14 litres, on mettait autant de temps pour traire, c’est un marqueur de stress. Le moral en prend un coup.»
"Avec mon frère on envisage de tout arrêter"
Frédéric Salgues a un cheptel d'environ 200 vaches dont une centaine de laitières et depuis la mise en service de l'antenne à côté de son bâtiment, il ne reconnaît plus ses bêtes : « C’est de pire en pire. Nos bêtes étaient vraiment en forme et on a constaté un amaigrissement, des boiteries, des yeux qui coulent insoignables, des poils piqués… Elles se tenaient toujours au fond du bâtiment. Moi, je ne suis pas contre les antennes pourtant, mais il faut que nous, on puisse vivre. On n’a jamais vu ça comme comportement, normalement les vaches se couchent le long du mur, là, elles se couchent à l’opposé de l’antenne. On a mis les vaches en 2008, on n’a jamais vu ça. Mon fils devait reprendre l’exploitation mais si ça ne s’arrange pas, on ne pourra pas continuer. Avec mon frère on envisage de tout arrêter. Je pense que c’est ce qui va se passer, on n’aura pas le choix. » Et ce comportement étrange ne s’arrête pas là : « Elles ne boivent plus. On ne les reconnaissait même pas. Elles étaient amorphes, c’était des zombies. On aurait dit qu’elles marchaient sur des œufs, elles se déplaçaient comme des robots. Les queues ne bougeaient plus. C’est abominable ».
D'autres cas en France
Ces constatations sont très largement partagées par les autres exploitants qui affirment être victimes de courants parasites, selon Philippe Bolo, député MODEM du Maine-et-Loire. Il a remis un rapport sur l'« Impact des champs électromagnétiques sur la santé de animaux d’élevage » au ministre de l'agriculture Julien Denormandie, à la demande de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : « Les vétérinaires décrivent toujours la même chose. Des animaux qui ne se rendent plus dans certaines zones de l’exploitation, des animaux qui ne boiraient plus ou différemment car ce serait désagréable pour eux, une dégradation des performances et de la physiologie car ils sont sous stress ». Pour Philippe Bolo les antennes 4G ne sont pas les seules concernées : « Ce ne sont pas les antennes relai ou éoliennes ou panneaux photovoltaïques spécifiquement. Ce sont les champs électromagnétiques au sens large. On a fait intervenir un physicien, des agriculteurs, des instances qui traitent le sujet, pour répondre aux nombreuses questions qui se posent. Il peut y avoir, dans l’environnement de l’exploitation agricole, une installation en lien avec l’électricité, qui en produit ou qui en consomme, qui peut perturber les animaux. Pour autant, ça ne veut pas dire que c’est systématique, c’est dans certains cas. » Il explique avoir eu vent de divers cas similaires dans l'ouest de la France et dans le Limousin notamment : « J’ai l’impression que chaque jour, de nouveaux cas apparaissent ».
Philippe Bolo explicite l’hypothèse soutenue lors de cette table ronde : « Les champs électromagnétiques peuvent provoquer dans les structures métalliques, la naissance de courants induits. Les exploitations agricoles sont de plus en plus métalliques et électroniques donc il y a de plus en plus de potentielles entrées pour les courants. Selon la façon dont l’exploitation est raccordée à la terre, selon la nature du sol et la géologie, ces courants-là peuvent se disperser ou rester cantonnés dans l’exploitation. Les animaux à quatre pattes seraient alors victimes de décharges qui leur traverseraient le corps en permanence, créant une gêne. »
"J’avais déjà vu des gros problèmes, mais à ce point-là, jamais"
Si l'éleveur Frédéric Salgues envisage de jeter l'éponge, c'est que les pertes sont colossales, comme l'explique le vétérinaire de son exploitation depuis bientôt 20 ans, le docteur Jean-Marc Thibault : « On a une grosse baisse de production, de moitié par rapport à la normale, en quantité et en qualité aussi. L’était général des bêtes est moyen alors qu’on avait des bêtes en bon état. On s’aperçoit que les bêtes ne sont pas bien, qu’elles sont fatiguées, lymphatiques. Il y a plusieurs causes possibles, on fait un bilan alimentaire, un bilan électrique, pour l’instant, on n’arrive pas à mettre le doigt dessus. S’ils continuent comme ça, ils vont droit dans le mur. J’avais déjà vu des gros problèmes, mais à ce point-là, jamais. » Il envisage la piste de l’antenne : « Les animaux sont très sensibles aux courants électriques, même des courants que nous on ne sent pas, ça peut les empêcher de manger par exemple. D’autant plus que ce sont des bâtiments métalliques qui ramassent vite les ondes électriques. Au niveau de l’alimentation, les métaux lourds sont un peu élevés, ça peut jouer. »
Un taux d'exposition faible
La chambre d'agriculture a fait venir biogéologues et radiesthésistes sur l'exploitation : personne n'est capable d'expliquer le phénomène. Mandatée par la préfecture, l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences) s’est rendue sur place pour réaliser des mesures et constate des « niveaux d’exposition faibles ». Le niveau global d’exposition de l’exploitation est de 0,79 volts par mètre, bien en dessous de la valeur limite fixée à 28 V/m. Les mesures détaillées sont à retrouver dans le document ci-dessous :
Relevé mesure Antenne Le Champ de Michot 43300 MAZEYRAT-D'ALLIER
L’agence réalise entre 4 000 et 5 000 mesures chaque année et le taux s’élève en moyenne à 1 V/m. « On est assez loin des normes réglementaires. A priori, les problèmes rencontrés par l’agriculteur ne sont pas liés à ça », indique l’agence, qui recommande de s’intéresser aux lignes à haute-tension souterraines, sur lesquelles l’ANFR n’est pas compétente. Jointe par téléphone, la direction d'Orange assure que les mesures d'ondes radio effectuées par ses services sont bien en-dessous des seuils à ne pas dépasser. Frédéric Salgues, l’exploitant, s'interroge alors : les normes ne devraient-elles pas être adaptées à la sensibilité des animaux lorsqu'une antenne se situe à proximité d'un troupeau ?
Vers la création d'un observatoire national ?
Une question que se pose également le député Philippe Bolo : « Les normes aujourd’hui dans un bâtiment d’élevage sont des normes humaines. Or, les animaux sont plus sensibles, la résistance d’un animal est plus faible. » Il regrette que la science ne se soit pas emparé du problème. Selon lui, pour palier ce manque de données scientifiques, beaucoup d’agriculteurs font appels à des géobiologistes. Le député souhaite voir les recherches avancer sur cette question. Pour lui, les études d’impact d’implantation de structures (telles que des antennes relai) doivent tenir compte de ce type de phénomènes. Il souhaiterait voir la mise en place d’un observatoire national qui recenserait les agriculteurs qui ont relevé un changement de comportement chez leurs animaux après l’arrivée d’une installation électrique. Cet observatoire permettrait de déterminer les zones les plus touchées, les types de sols potentiellement concernés et de trouver des solutions.