Les sentinelles dans le monde agricole sont des personnes formées par la Mutualité Sociale Agricole pour répondre par l'écoute et la proximité au mal-être des agriculteurs. La prévention du suicide est le but ultime des sentinelles. La formation mise en place depuis un an en Haute-Loire vise à trouver des relais locaux de vigilance à la détresse.
Isabelle Hugon est agricultrice en Haute-Loire depuis plus de quarante ans. Elle constate le malaise grandissant chez ses collègues. "Les personnes sont de plus en plus isolées. On devient des invisibles, on va dire. Les gens travaillent beaucoup seuls. Les agriculteurs s’éloignent avec les fermes qui s’agrandissent. Les voisins sont de plus en plus loin et c’est comme ça qu’ils se retrouvent tout seuls, isolés." La détresse Isabelle, la décèle souvent par des signes d'abandon ou de mésestime du métier. Parler, rompre l'isolement et le silence, c'est pour ça qu'elle a choisi d'être sentinelle de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). « On est le premier maillon de la chaîne, pour éviter le mal-être et le dernier recours, le suicide. Quand on peut sauver quelqu’un, on est content ! »
De nombreuses causes
Le suicide est toujours très présent chez les agriculteurs, comme dans d'autres professions. Tous métiers confondus, en France, près de 9 000 personnes par an se donnent la mort, un suicide toutes les 40 minutes : "En agriculture, les causes sont multifactorielles. Il y a parfois la crise agricole, le fait qu’on travaille avec du vivant, la météo, les animaux… Il y a des causes familiales aussi. Souvent, ce n’est pas une seule cause mais la multiplicité des causes qui provoque des passages à l'acte", regrette Christian Gouy, référent mal-être en Haute-Loire pour la MSA.
"La personne est soulagée car elle n’est plus seule"
La Mutualité Sociale Agricole dispense, une à deux fois par an, la formation auprès des agriculteurs mais aussi des techniciens de la chambre d'agriculture, des vétérinaires, des services sanitaires ou même des experts-comptables : « Il va falloir que toutes les sentinelles aillent repérer quelque chose qui est caché. Plus de gens sont formés pour repérer les signes de la crise suicidaire, plus on est assurés qu’on pourra aider les gens à sortir de cette crise suicidaire. En général, les gens, quand ils ont quelqu’un qui leur dit « Je suis inquiet pour toi, je vois que tu ne vas pas bien, tu as besoin d’aide », quand quelqu’un est proactif et va vers eux pour dire qu’il voit qu’ils sont en souffrance, les gens se sentent en confiance. Ils acceptent l’aide. La personne est soulagée car elle n’est plus seule", se félicite Aurélie Lantrade-Faure, psychologue formatrice des sentinelles.
Faire de la prévention
Tous veulent enrayer la crise suicidaire : « On a un métier où le patriarcat, le regard des anciens sont parfois un peu pesants. Il faut faire évoluer ces mentalités car nos jeunes ne vont pas vouloir travailler comme ça. Il faut qu’on donne envie à nos jeunes de devenir agriculteurs et de s'épanouir dans ce métier-là", explique Céline Julien, agricultrice. En Auvergne, pour le moment, 140 sentinelles tentent de lever le tabou du mal-être dans les fermes. Une détresse qui ne s'exprime pas sur les manifestations ou les barrages mais au contraire, se traduit par l'isolement et le silence des personnes.