Les pays signataires de la Convention de Berne se réunissent cette semaine à Strasbourg. Le statut de protection du prédateur en Europe pourrait être revu à la baisse.
Les loups dans le collimateur des agriculteurs et des instances européennes. À chaque attaque, le monde agricole voit d’un mauvais oeil le prédateur, qui est une espèce aujourd'hui strictement protégée en Europe.
En France notamment, son “abattage” ne peut se faire qu’après des attaques sur des troupeaux et selon des critères bien précis. Malgré ces tirs de régulation, le ton monte régulièrement.
En Haute-Saône, des dizaines d'agriculteurs ont déploré début novembre des attaques sur leurs bêtes et dénoncé le refus des services de l'État de réaliser des tirs de défense.
Le président de la Chambre d'agriculture dans le département voisin du Doubs avait de son côté appelé fin septembre les éleveurs à s'armer et à "taper" illégalement des loups, afin de protéger leurs troupeaux.
Début novembre à Pontarlier dans le Haut-Doubs, les agriculteurs ont déposé un cadavre de bovin devant la sous-préfecture pour dénoncer les 68 pertes dans leurs cheptels en trois ans.
L'Europe va-t-elle faciliter l'abattage des loups ?
Le loup bénéficie d’une protection grâce à la Convention de Berne (46 États membres du conseil de l'Europe, 4 pays africains). Cet accord international pose des contraintes pour la conservation de la nature.
En Europe, le loup était initialement inscrit à l'Annexe II de la Convention, le classant comme espèce strictement protégée. Il en découle une interdiction de tuer, capturer, détenir ou déranger intentionnellement les loups, surtout pendant leur période de reproduction. Des exceptions étaient possibles dans certaines circonstances comme la prévention de dommages importants au bétail.
En septembre 2024, l'Union européenne a proposé de déplacer le loup de l'Annexe II à l'Annexe III, le faisant passer d'espèce "strictement protégée" à "protégée". La décision a été adoptée le 25 septembre 2024. Certains y voient une volonté quelque peu personnelle de la présidente de la commission européenne. L'an dernier, Ursula von der Leyen, avait évoqué le "réel danger" du loup "pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme". Certains la soupçonnent d'avoir une dent contre le canidé depuis que l'un deux lui a tué un poney dans sa propriété du nord de l'Allemagne.
Mardi 3 décembre à Strasbourg, les pays signataires de la Convention de Berne devront statuer à leur tour sur ce changement de statut de protection pour le loup. Si le texte est adopté, il entrera en vigueur trois mois plus tard dans les pays n'ayant pas formulé d'objection lors du vote.
Cela voudrait dire qu'on généralise à l'Europe ce que la France pratique déjà par dérogation, soit la possibilité de tirer sur des loups en fonction de règles à déterminer nationalement.
Yann Laurans, directeur des programmes du WWF-FranceAFP
Plus de 20.000 loups en Europe ?
L’Union européenne argumente sur la base “d’une analyse approfondie du statut" du carnivore sur son territoire, fait état d'une population grandissante, atteignant les 20.300 individus en 2023, pour la plupart dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne.
Selon Bruxelles, cette expansion a entraîné des difficultés "du point de vue de la coexistence avec les activités humaines, notamment en raison des dommages causés au bétail, qui ont atteint des niveaux importants".
Selon le directeur des programmes du WWF-France, Yann Laurans, "le prélèvement des loups sur les troupeaux est en réalité négligeable, de l'ordre d'un pour cent" du total des attaques en Europe, d'autres animaux s'en prenant aussi au bétail.
Le loup, une espèce encore jugée fragile par les associations environnementales
"La population du loup, jugée à tort comme en bonne santé par la Commission européenne, est en réalité encore assez fragile", estime Yann Laurans.
"En affaiblissant l'espèce qui est le sommet du système écologique européen, on risque de fragiliser l'ensemble de la santé, déjà assez peu robuste, de l'écosystème européen", alerte-t-il.
L'estimation du nombre de loups en France en 2023 s'était établie à 1.003 individus, en baisse de 9% sur un an. Environ 20% de la population est abattue chaque année. Le quota d'abattage de loups autorisé en 2024 en France, s'établit à 209 loups. Au 1ᵉʳ décembre, 201 ont été tués, selon la page facebook Non au loup qui relaie régulièrement la voix des agriculteurs.