La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Il y a quelques jours en Suisse, un chasseur professionnel qui avait l’autorisation de trois tirs sur des loups a abattu trois lynx qu’il a confondu avec ses proies initiales. Une enquête a été ouverte.
Mi-novembre 2024, un chasseur suisse, qui avait obtenu une autorisation de tir contre trois loups, a abattu à leur place... trois lynx. Pour cet homme, c'était un "accident". Mais peut-on vraiment confondre les deux espèces ?
Pour Alexandre Callodro, propriétaire d’une armurerie de Lons le Saunier (Jura), chasseur lui-même, il n’y a pas la place au doute. “Ce n’est pas crédible. Ce n'est pas du tout le même profil. Le loup est beaucoup plus gros, plus massif. Le lynx est plus petit. Même la nuit, pour moi c'est impossible, explique-t-il avant d'assurer : on ne tire pas sur un gibier si on ne l'a pas parfaitement identifié”.
D’autant plus qu’il explique qu’aucune erreur n’est possible, surtout posté à une cinquantaine de mètres des animaux, comme ce fut sûrement le cas. Patrice Raydelet, représentant du Pôle Grands prédateurs du Jura est en total accord avec lui. “Le loup ressemble à un berger allemand avec une grande queue, le lynx à un gros chat, avec une petite queue."
On a affaire à des chasseurs professionnels qui sont normalement aguerris et compétents. C’est du délire.
Patrice Raydelet, représentant du Pôle Grands prédateurs du Jura
"On a une politique écocide de flinguer la biodiversité"
Ayant été informé pas des associations suisses du massif jurassien, il ne trouve plus les mots pour exprimer ce qu’il ressent face à ces faits : “effaré”, “étonné”, "désolé”, “en colère”... Il n’arrive pas à choisir. “C’est un chasseur professionnel, avec du matériel de professionnel, et ils ne sont pas capables de faire la différence entre un loup et un lynx ?" interroge-t-il.
Ça fait doublement peur. On a une politique écocide de flinguer de plus en plus la biodiversité et les professionnels ne savent pas faire la différence.
Patrice Raydelet, représentant du Pôle Grands prédateurs du Jura
L’abattage des lynx, une mère et ses petits, est survenu dans le canton des Grisons en Suisse, mais a été ressenti comme une déflagration dans le département du Jura ou 80 % des félins ont trouvé refuge. Cependant, pour Patrice Raydelet, l’indignation et l’horreur auraient été les mêmes si des loups avaient été tués. “La Suisse a largement rattrapé la France au niveau de la destruction de la biodiversité. On a beau dire que l’on fait n’importe quoi, qu’on scie la branche sur laquelle on est assis, c’est l’escalade sans arrêt”, assène-t-il, remonté.
"Il n'y a plus de limites, plus d'interdits"
Il pointe du doigt, côté français, une politique écocide avec ces brigades loups, “des jeunes payés pour dégommer les loups”. Et la volonté de la présidente du conseil régional Bourgogne Franche-Comté d’une troisième brigade grand prédateur dans la région crée l’incompréhension chez le représentant du Pôle grands prédateurs du Jura. “Cette politique de toujours détruire la nature qui est notre unique voie de salut…", se désole-t-il. Il a l’impression que la boîte de Pandore a été ouverte, avec une institutionnalisation pour tuer le loup.
Il n’y a plus d’interdits, plus de limites. La vanne est ouverte.
Patrice Raydelet, représentant du Pôle Grands prédateurs du Jura
En France, un tir illégal sur un lynx boréal est passible de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Une peine qui n’a jamais été appliquée et que Patrice Raydelet regrette. “Je pense que le jour où ça sera fait, ça fera réfléchir les candidats à ce genre d’activité”, assure-t-il.
En 2023, 18 lynx ont été tués dans le Jura, sur une population de 200.