Un feu vert a été donné ce mercredi 25 septembre par les États membres de l'Union européenne pour abaisser le statut de protection du loup. Une mesure demandée par les éleveurs, qui met en colère les associations de protection de la biodiversité.
L'UE veut passer d'une "protection stricte" du loup à une "protection simple", qui permettrait d'éliminer plus facilement les loups quand ils sont jugés trop nombreux dans certaines régions, avec des quotas de chasse. On comptait 20.300 loups en 2023, dans 23 pays d’Europe. L’espèce avait quasiment été éradiquée au XIXᵉ siècle.
La proposition d’abaisser la protection du loup a recueilli une majorité qualifiée à Bruxelles grâce au soutien d'une quinzaine d'États, dont la France et l'Allemagne, selon des sources diplomatiques.
La population de loups s'est tellement développée ces dernières années que cette décision" est "nécessaire pour les éleveurs.
Steffi Lemke, membre du parti les Verts, et ministre allemande de l'Environnement
“Tuer un loup, c’est enlever un élément du maintien de la planète”
Si ce déclassement du statut du loup prédateur actuellement protégé en Europe était dans l’air depuis plusieurs mois, les choses avancent d’un pas. “Et pas dans le bon sens” dit en colère Patrice Raydelet, président du pôle grand prédateurs basé dans le Jura. “C’est un pas supplémentaire dans l’irresponsabilité, le déclin du loup est acté, a priori” s’agace-t-il.
"Parler de quotas de chasse pour le loup, ça ne veut rien dire, ça veut dire qu’on fait ce que l’on veut", estime le Jurassien fervent défenseur du loup et de sa place dans notre écosystème.
Pour lui, les signaux sont au rouge. “On est en 2024, la planète est en feu et on continue. Les gens ne font pas le rapport sur l’équilibre de notre planète. Flinguer un loup, c’est enlever un élément du maintien de la planète sur laquelle nous vivons” s’insurge Patrice Raydelet qui voyage régulièrement dans les Abruzzes en Italie où hommes et loups parviennent à cohabiter.
Tout ce qui a été gagné il y a une cinquantaine d’années, va s’effondrer.
Patrice Raydelet, président du pôle grand prédateurs
L'assouplissement des règles de protection du loup est une "proposition politiquement motivée et qui n'est pas du tout fondée sur la science", accuse pour sa part Sabien Leemans, chargée de la biodiversité au sein de l'ONG WWF. "La principale différence est que cela permettrait de chasser les populations de loups".
Une mesure attendue pourtant par les agriculteurs français
En France, où 1.003 loups ont été recensés en 2023, environ 20% sont tués chaque année pour éviter des attaques à répétition et des dommages sur les troupeaux d’ovins ou bovins.
En 2022, les indemnisations pour des dégâts causés par les loups se montaient à quatre millions d'euros en France. Un chiffre bien moindre que les 65 millions d'indemnisations pour les dégâts des sangliers et cervidés.
"C'est une lueur d'espoir" pour les éleveurs victimes du loup
Dans le Doubs, des agriculteurs ont perdu des bêtes à nouveau cet été, notamment dans le Val de Mouthe où deux loups ont été abattus lors d’opération de tirs. 14 bovins tués en 2024, 25 en 2023, 26 en 2022.
Pour Florent Dornier, président de la FDSEA dans le département, ce projet de déclassement du loup est une reconnaissance des difficultés des éleveurs. "Il y a trois ans, on avait l'impression d'un combat déloyal entre le statut de protection du loup, et les difficultés des éleveurs... Il ne faut pas se cristalliser sur la perte des génisses, il y a la perte de sommeil des agriculteurs, ils se sentent démunis, parfois au bord du burn-out, les avoir entendus, c'est une lueur d'espoir" estime le syndicaliste. Pour Florent Dornier, un assouplissement de la protection du loup est le bienvenu. Il permettrait d'éviter l'écueil des démarches encore trop lourdes selon lui pour obtenir les tirs de défense et l'intervention des louvetiers.
En Haute-Saône, la mesure d’abaissement de la protection du loup est également vue d'un bon oeil.”Quand on voit les dégâts que ça fait dans les élevages, si on assouplit les règles” tant mieux, estime Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA 70. Excédés par de nouvelles attaques sur des brebis, les agriculteurs ont, le 20 septembre, pendu une carcasse de mouton aux grilles de la préfecture à Vesoul.
Déclasser le loup n’est pas encore fait
La décision prise ce 25 septembre par l’Union européenne n’est qu'une étape. Passer d'une "protection stricte" à une "protection simple" doit encore être approuvé au sein de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage, avant une éventuelle modification de la législation européenne. Chaque pays restera ensuite maître de sa politique envers le loup sur son territoire.
Protéger les troupeaux plutôt que tuer
En France, ou le loup passe régulièrement à l’attaque dans plusieurs régions, les défenseurs de l'environnement plaident pour l'application de solutions "déjà existantes de cohabitation", comme la protection des troupeaux avec chiens de protection, des clôtures, ainsi que la mise en place de bénévoles pour la surveillance des troupeaux de nuit.
Les tirs ordonnés par les préfets en cas d’attaque ne devraient intervenir qu'en "ultime recours" si l'effarouchement a échoué, estiment-ils.
En vertu de la directive européenne "Habitats" de 1992, la plupart des populations de loups en Europe bénéficient actuellement d'une "protection stricte", assortie de possibilités de dérogations. Des loups peuvent être tués pour protéger des troupeaux, dans des conditions très précises.
Cinq associations environnementales ont déposé, le 15 août, un recours au Conseil d'État exigeant d'annuler les règles de tirs de régulation du loup, assouplies en février par le gouvernement français pour répondre aux prédations sur les troupeaux.