Les professionnels du soin et du secours en montagne déplorent une recrudescence des interventions sur les pistes de ski en ce mois de février. La faute au manque de neige, conjugué à la forte fréquentation pendant les vacances.
Ils sont habitués aux situations périlleuses, au secours de personnes victimes de chutes ou perdues en montagne, leur appui est exceptionnel. Mais depuis un mois, il est de plus en plus requis sur les pistes de ski. Les policiers sauveteurs de la CRS Alpes n'en finissent plus d'intervenir en stations, pour médicaliser et héliporter des skieurs.
Comme chaque année, la fréquentation en hausse due aux vacances de février a multiplié le nombre d'accidents sur les pistes. Mais cette saison le manque de neige accroît les risques.
Une neige peu présente et verglacée
"A chaque fois qu'ils sortent en secours, les sauveteurs se demandent sur quel cas de gravité ils vont intervenir", indique le commandant Pierre Pelcener qui chapeaute la CRS Alpes dans l'arc alpin.
En raison du faible enneigement, les skieurs affrontent des conditions qui requièrent davantage de vigilance. Les pistes ont rétréci pour ne devenir par endroit qu'un faible ruban de neige verglacée le matin, et très molle dès la mi-journée avec l'ensoleillement. En l'absence de neige fraîche, les bosses ont disparu des pistes, et avec elles leur capacité à ralentir naturellement les skieurs.
Pas de matelas naturel pour amortir les chutes
Ce jeudi, le pronostic vital d'une jeune femme de 22 ans a été engagé dans la station des 7 Laux en Isère. La skieuse, qui ne portait pas de casque, est sortie de piste et a heurté un arbre de plein fouet.
"C'est une neige très dure sur laquelle il est plus difficile de maîtriser sa vitesse et ce qui est fondamental, c'est que tout ce qui fait office d'ordinaire de protection naturelle n'existe pas. Le manteau neigeux, en soi, c'est le premier matelas de protection et là ce qui est dramatique, c'est que la moindre sortie de piste, elle se fait souvent contre des arbres, contre des rochers qui sont à nu et cela provoque des traumatismes très graves", explique le commandant Pelcener.
Les chiffres des interventions des unités de la CRS Alpes, de Nice à Albertville en passant par Briançon et Grenoble, parlent d'eux-mêmes. En février, sur 311 personnes secourues dans les Alpes, 200 souffraient de blessures graves, soit près des deux tiers des interventions. Le mois précédent, en janvier, ce taux était de 51 %.
Hausse de 30% des patients chez les médecins de montagne
La tendance se vérifie également dans les cabinets de médecine générale de montagne. "Ces dernières semaines, cela a été l'apocalypse dans tous les cabinets de montagne", commente Thierry Dewaele, médecin de montagne aux Gets, en Haute-Savoie (à retrouver dans notre reportage ci-dessous).
"On n'a jamais eu autant de blessés" pendant les deux semaines du milieu du mois de février, lorsque deux zones étaient en vacances en même temps et que la clientèle britannique, néerlandaise ou belge était elle aussi présente.
Fractures à la pelle
"Nous, dans notre cabinet, on voit une soixantaine de blessés traumatiques en moyenne par jour, alors qu'habituellement c'est plutôt une quarantaine de blessés", poursuit le médecin généraliste.
"Aux Gets, sur la période du 15 décembre à fin avril, les autres années, on était à 2 400-2 500 blessés par an et là on est déjà à 1 500 blessés alors que la station a été fermée les trois premières semaines de janvier. Donc on est à plus 30 % de hausse", développe encore Thierry Dewaele.
"La majorité des blessés ont été pris en charge par les cabinets de montagne, et on envoie environ 5 % des patients à l'hôpital".
A l’hôpital d'Albertville, le pic a commencé avant le mois de février, en raison de la qualité médiocre de la neige. "En général, ça a été plus de dix patients par jour à opérer, parfois des pics à 20 patients par jour", nous détaillait Benoît Vibert chirurgien orthopédique et traumatologique au CHAM, il y a quelques semaines. "On a une augmentation de près de 40% aux urgences et une augmentation des interventions chirurgicales, dont de la traumatologie", ajoutait Olivier Tilak médecin urgentiste terrestre et héliporté au CHAM.
Le casque indispensable
Dans ces conditions, les secouristes renouvellent leur appel à la prudence, et incitent les skieurs à ne pas lésiner sur les moyens de protection. "Le port du casque, cela doit être une évidence pour tout le monde maintenant", insiste le commandant Pierre Pelcener qui recommande également des "skis bien affûtés".
"Cela ne paraît rien mais, même pour de bons skieurs, on voit tout de suite que quand on est sur des neiges dures, si les skis ne sont pas bien préparés, on maîtrise moins bien sa vitesse, on maîtrise moins bien sa trajectoire", dit-il avant de rappeler que "comme dans toute activité de montagne, quand les conditions sont délicates, il faut garder une marge de sécurité et aller moins vite, être très vigilant envers soi et envers les autres, anticiper les difficultés. Même quand on est très bon skieur, ce sont des conditions qui nécessitent des précautions supplémentaires", conclut-il.