Le procès de Moulay-Driss Ouhmid s’est ouvert lundi devant les assises de la Haute-Savoie. Il est jugé pour le meurtre de sa compagne dont le corps a été retrouvé en août 2019 dans une valise rangée dans le coffre de sa voiture. Le quadragénaire encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Les yeux rivés au sol, bras croisés, l’accusé reste immobile. L’huissier vient de porter une large valise bleue devant la cour d’assises. C'est dans cette valise qu'a été découvert le corps sans vie de Marianne Chèze, 37 ans, dans la nuit du 17 au 18 août 2019. Une valise cadenassée, extraite par les gendarmes du coffre de la voiture de Moulay-Driss alors qu’il rentrait d’un séjour en Italie. Les deux enfants du couple étaient assoupis sur la banquette arrière. Ils avaient 6 et 9 ans à l’époque des faits.
Moulay-Driss Ouhmid, 47 ans, comparaît jusqu’à vendredi devant la cour d’assises de la Haute-Savoie pour le meurtre de sa compagne. Quasi-impassible, l’accusé, debout dans son box, a reconnu avoir tué la jeune femme mais nie avoir eu l’intention de lui donner la mort. "C’est la triste vérité. Je m’en excuse et je ne le conteste pas", a-t-il déclaré au premier jour de son procès, lundi 28 mars.
Il est près de 22 heures ce 17 août lorsqu’il appelle l’un de ses frères pour lui avouer son geste avant de prendre la route direction Annecy, sa ville de résidence, où il comptait se rendre aux autorités. Quelques heures plus tard, son frère alerte la police, laquelle contacte le suspect qui confirme les faits par téléphone.
Le père de famille est interpellé à Doussard, non loin d’Annecy, le 18 août à 5 heures du matin. Ses deux enfants sont transportés à l’hôpital pour une prise en charge psychologique. Ils n’auraient pas assisté au meurtre de leur mère qui s’est produit la nuit précédente. Le couple passe alors la soirée chez des amis dans la région d’Annecy. Ils rentrent tôt le matin du 17 août, alcoolisés.
Le mis en cause avance une version des faits que le juge d’instruction qualifie de "peu pertinente". Celle d’un acte sexuel violent qui aurait entraîné la mort de sa compagne. Il affirme avoir lié les poignets et les chevilles de la victime, apposé un collier de serrage autour de son cou et l’avoir frappé au visage "à sa demande". Puis il a serré le lien autour de son cou car elle "voulait mourir" après lui avoir avoué son infidélité, selon l’accusé.
Le lendemain matin, Moulay-Driss va courir avec des amis, commande à manger pour ses enfants, prépare leur valise et les emmène voir leurs cousins en Italie. Dans son coffre, il emporte également la grande valise bleu ciel dans laquelle se trouve le corps de sa compagne.
Violences "habituelles et répétées"
En l'ouvrant, les enquêteurs découvrent le corps partiellement dénudé, enveloppé dans un drap écru, de Marianne, le visage tuméfié. La mère de famille est morte par asphyxie à la suite d’une strangulation. Les analyses médico-légales mettent en évidence un traumatisme crânien et un enfoncement des globes oculaires.
Au visionnage des photos devant la cour d’assises, Moulay-Driss, cheveux poivre et sel, chemise grise et chaussures cirées, baisse la tête. La mère, le père, le frère de la victime, parties civiles dans le dossier, quittent la salle d’audience.
Les proches du couple évoquent tous des relations tendues entre eux, certains font état de violences conjugales. La victime a déposé une main courante pour ces faits à l’encontre de son compagnon en juillet 2018. Elle déclare qu'il lui a infligé un coup de pied lors d’une dispute. Refusant de déposer plainte, elle se réfugie chez un ami pour la nuit.
"Elle pleurait beaucoup", se rappelle Sabrina, une assistance sociale consultée par la jeune femme la même année. Marianne dit alors être victime de violences répétées de la part de son conjoint. "J’essayais de l’accompagner mais elle n’était pas encore prête à partir", relate l’assistance sociale. L’accusé a reconnu "entièrement" les faits mentionnés par la victime en 2018. La directrice d’enquête parle de "violences habituelles, répétées, qui durent depuis plusieurs années".
"Absence d'empathie"
"L’absence d’empathie est au cœur de sa personnalité", a affirmé devant la cour le Dr Danet, auteur d’une expertise psychiatrique de l’accusé. Le psychiatre a décelé chez lui des "carences relationnelles à l’enfance et l’adolescence" sur lesquelles seraient venus se greffer des troubles de la personnalité, notamment un "trouble paraphilique (comportements sexuels impliquant la souffrance de soi-même ou de son partenaire, ndlr) de type sadique dans la sexualité".
Son passage à l’acte a "probablement été déclenché par l’imminence de la perte" de sa conjointe qui songeait à le quitter, estime un psychologue, auteur d’une seconde expertise. Moulay-Driss a confié, dans une lettre écrite à son fils depuis sa cellule, être à la recherche d’un éditeur pour publier un livre sur son histoire. "Ça ne m’étonne pas", tranche l’expert psychologue, pointant l'aspect "narcissique" de sa personnalité. "C’est se donner le beau rôle, sauf s’il écrit ça sur le mode d’une confession."
L’audience se poursuivra mardi devant les assises de la Haute-Savoie avec l’audition de nouveaux témoins pour éclairer la cour sur les relations qu’entretenaient l’accusé et la victime. Moulay-Driss Ouhmid encourt la réclusion criminelle à perpétuité.