Huit ex-salariés d'Alpine Aluminium poursuivent leur ancien patron aux prud'hommes pour "fraude à la loi"

Licenciés durant l'été pour de "fausses fautes graves", huit anciens salariés d'Alpine Aluminium poursuivent Frank Supplisson, leur ancien patron, devant les prud'hommes. Ils réclament des dommages et intérêts pour "fraude à la loi".

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Des licenciements économiques maquillés en licenciements disciplinaires. Découlant d'un accord entre une trentaine d'ex-salariés d'Alpine Aluminium et leur ancien patron, cette décision, prise durant l'été, est dénoncée par l'avocat de huit d'entre eux. "Avec cet accord, les ouvriers ont tout perdu", déplore Me Thierry Billet, qui représente les salariés de l'usine de Cran-Gevrier. 

Placée en redressement judiciaire le 1er août 2019, l'usine haut-savoyarde a été reprise en décembre 2019, via la société Samfi Invest & Industry, par Frank Supplisson, haut-fonctionnaire reconverti dans le secteur privé, ancien conseiller, entre autres, de Nicolas Sarkozy. Il s'était alors engagé devant le tribunal de commerce à reprendre 49 des 85 salariés et à relancer l'activité de l'entreprise. Chose faite, en début d'année 2020, concernant les salariés. Mais pas concernant la relance de l'usine.

Presque un an plus tard, aucune activité n'a repris. A ce jour, selon France Bleu, il ne reste que deux personnes encore salariées de l'entreprise. "Supplisson n'a strictement rien fait, alors qu'il s'était engagé à moderniser la boîte. En juin, il a convoqué les employés, qui étaient depuis des mois au chômage partiel. Il leur a alors proposé 12 500 euros en échange de leur départ", assure Thierry Billet. Une trentaine de départs présentés comme des licenciements pour faute grave.


"Dès le début, Supplisson savait qu'il ne ferait pas repartir l'usine"

La somme versée, selon l'avocat, correspondrait en fait au montant de l'amende que le repreneur aurait dû payer à la justice en cas de licenciement économique avant trois ans. "Cette dépense était déjà budgétée pour le tribunal. Dès le début, Supplisson savait qu'il ne ferait pas repartir l'usine, avance Thierry Billet. La loi exige, quand on veut supprimer autant de postes, d'engager une procédure de licenciements économiques. Sauf qu'il avait déjà cette stratégie de reprendre 49 salariés pour ne pas avoir à mettre en place de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en cas de licenciement de tout le personnel." Le ministère du Travail précise en effet qu'un PSE est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Autre argument de l'avocat : aucun représentant du personnel n'aurait été élu depuis la reprise du site. "Il s'y était pourtant engagé. Donc les employés n'ont pas pu réagir."


"La procédure elle-même est illégale"

En raison de cet accord, Pôle Emploi applique une période de carence de six mois sur le versement des allocations chômage des ouvriers. "Ils exercent des métiers très spécialisés, qui n'existent presque plus aujourd'hui. Il sera très difficile pour eux de se reclasser. L'argent perçu leur servira à ternir durant ces six mois, puis ils n'auront plus rien. Ils sont en colère, se disent qu'ils se sont fait avoir par ce beau parleur", relate Me Thierry Billet.

Dans l'impasse, les huit salariés concernés par cette période de carence ont choisi de porter l'affaire devant le conseil des prud'hommes d'Annecy, au motif de fraude à la loi. "Normalement, quand il y a eu transaction, cela verrouille les possibilités d'action en justice. Mais là, la procédure elle-même est illégale, explique l'avocat, qui compte demander des dommages et intérêts pour préjudices moral et matériel. L'équivalent d'un mois de salaire par année d'ancienneté." La requête a été déposée lundi 2 novembre.

Contacté, Frank Supplisson n'a pas donné suite à nos demandes dans les délais de rédaction de l'article. 
 
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