La nappe des Iles, qui alimentait 18 000 habitants en eau potable dans l'agglomération d'Annecy, est contaminée aux PFAS. Ces polluants éternels y sont présents dans des quantités supérieures au seuil réglementaire. Le réseau d'eau potable est désormais raccordé au lac.
Trois points de captage à l’arrêt. Les analyses commandées par l'agglomération se sont malheureusement révélées fructueuses : l'eau de la principale nappe phréatique d'Annecy est contaminée aux composés poly- et perfluoroalkylés (PFAS), dits polluants éternels. Les valeurs dépassent jusqu'à quatre fois la limite autorisée en Europe, selon cette étude révélée dans une enquête du journal Le Monde.
Depuis le mois de mars, le réseau d’eau potable n’est donc plus raccordé à la nappe des Iles qui alimentait le secteur nord-ouest de l'agglomération. Mais certains habitants restent inquiets. "On ne sait pas ce qu’on boit, on ne sait pas ce qu’il y a dans les nappes phréatiques. On n'a aucune information et je pense qu’il y a des questions à se poser", estime Jérémy Onesta.
Sous la zone industrielle des Iles, la nappe du même nom alimente 18 000 habitants en temps normal. L'agglomération du Grand Annecy se veut rassurante car, avant même la mise à l’arrêt des pompes, l’eau polluée était assez largement diluée avec une eau saine avant d’arriver au robinet : celle du lac d’Annecy. Une dilution qui permettait d'arriver à un taux (< 0,1 μg/l) inférieur à la réglementation pour l'eau destinée à la consommation humaine.
"Nous avons toujours distribué de l’eau potable puisque, sur la nappe des Iles, nous distribuons un 'coupage' : 80 % de l’eau du lac, 20 % de la nappe des Iles, ce qui nous permet d’avoir une eau qui aurait pu continuer à être distribuée. (...) Mais, par principe de précaution, nous avons souhaité distribuer à 100 % l’eau du lac puisque nous savons qu’il n’y a pas de PFAS", explique le vice-président du Grand Annecy en charge de l'eau, Pierre Bruyère.
Enquête sur l'origine de la pollution
Les PFAS représentent une grande famille de produits chimiques, toxiques et persistants dans l'environnement, dont certains sont susceptibles de fragiliser le système immunitaire des enfants ou de favoriser les cancers, particulièrement dans le cas d'expositions répétées et à long-terme. Ces substances, utilisées par dans diverses industries, restent méconnues par les autorités, selon la journaliste d'investigation Stéphane Horel, à l'origine de l'enquête parue dans Le Monde.
"Le Grand Annecy ne peut pas absolument pas affirmer qu’il n’y a pas de risque. Certaines valeurs sont mises en avant par les autorités françaises depuis le début de cette crise sur les PFAS. Ces valeurs sont complétement obsolètes et pas du tout alignées sur l'état de la science. Aujourd’hui, les valeurs légales sont beaucoup trop élevées pour protéger la santé de la population", explique-t-elle. "Tant qu'on n'a pas mesuré la quantité de PFAS que les gens ont dans leur corps, on ne peut pas connaître l'impact sur la santé des personnes."
A Annecy, les services de l'Etat mènent l’enquête depuis un an pour tenter d’identifier l’origine de la pollution qui semblerait "ancienne". Trois sites industriels sont dans le collimateur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).
"Un certain nombre de sites contenant des PFAS ont été identifiés. Les industriels gestionnaires de ces sites, qu'ils soient encore en activité ou abandonnés, sont en relation avec l'Etat. Nous leur demandons des relevés précis, y compris sous forme d’injonctions. Ce sujet est complètement pris en compte par les services de l’Etat", assure le préfet de la Haute-Savoie, Yves Le Breton.
L’enquête s’annonce longue et d’autres sites, comme l’aéroport Annecy Mont-Blanc, pourraient être amenés à clarifier leurs rejets toxiques. A Annecy comme à Rumilly, où les teneurs en PFAS dans l'eau font l'objet d'une surveillance rapprochée, aucune étude épidémiologique n’est programmée sur les habitants.