Témoignages. Attaque au couteau à Annecy : policiers, médecins et riverains se souviennent de cette matinée d'horreur

Publié le Écrit par Marion Chevalet
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Il y a un an jour pour jour, un homme armé d'un couteau attaquait six personnes dont quatre enfants, à Annecy en Haute-Savoie. France 3 Alpes a recueilli les témoignages du policier qui a neutralisé l'assaillant, des médecins qui ont pris en charge les victimes et de riverains du Pâquier. Tous sont encore marqués par cette matinée d'horreur.

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C'était il y a un an jour pour jour. Le jeudi 8 juin 2023, un homme poignardait six personnes avec un couteau, dont quatre enfants en bas-âge dans un parc de jeux à proximité du lac d'Annecy, en Haute-Savoie.

Quelques minutes plus tard, alors qu’il s’en prend à un passant, deux policiers arrivent et l'un d'eux ouvre le feu pour l’arrêter. Tout se passe dans un laps de temps très court.

Rapidité exemplaire aussi pour les équipes du SMUR qui prodiguent les premiers soins d'urgence aux blessés et se coordonnent avec les hôpitaux de la région (Annecy, Genève et Grenoble) pour transférer les victimes. Même si deux des enfants sont très grièvement blessés, ils sont vite stabilisés et opérés en urgence.

Un an après, policier, médecins et riverains se rappellent tous de ce 8 juin 2023 où la paisible vie annecienne a basculé dans l'horreur. Récit de cette matinée à travers leurs témoignages croisés.

Le policier qui a neutralisé l'assaillant

L'appel de la radio

9h41. "On reçoit une alerte générale sur notre radio qui annonce un homme menaçant avec un couteau et qui cause du trouble au niveau du Pâquier", commence ce policier (qui veut rester anonyme, NDLR) lorsqu'il évoque cette journée du 8 juin 2023. Pas le temps de réfléchir... Lui qui devait initialement dispenser une formation, change de route et se dirige vers le célèbre Pont des Amours pour rejoindre l'esplanade du Pâquier. 

Du haut du pont, il a une vue d'ensemble de la scène. Le policier entend alors plusieurs appels au secours provenant de différents endroits : certains viennent du parc de jeux, directement en contrebas des escaliers, d'autres émanent d'une maman avec une poussette, située un peu plus loin.

Dans cette scène d'horreur, un élément attire tout de suite l'attention du fonctionnaire de police : "Je vois une pelle qui est utilisée de haut en bas, geste anormal pour l'utilisation d'une pelle", décrit-il. Il s'agit d'un agent municipal qui tente de s'interposer, alors qu'il était en train de vider des containers avec cette pelle.

Une longue course-poursuite

Ce policier de 51 ans parvient ainsi à localiser l'assaillant et se précipite vers lui. "A ce moment là [l'homme au couteau] part à l'opposé de notre position" malgré les injonctions des deux policiers qui lui ordonnent de s'arrêter. 

"On essaye de faire écarter le maximum de personnes car beaucoup ne sont pas au courant des faits" poursuit-il. Il est environ 9h43. Sur les bords du lac d'Annecy, la scène apparait surréaliste. Le chaos et les cris des victimes affolées qui appellent au secours, côtoient la quiétude de ceux qui continuent leur footing sans prendre conscience de la situation. 

Les policiers, eux, continuent de courir derrière l'homme au couteau : "On lui répète notre qualité [de policiers] mais il n'obtempère pas. Je me rends compte qu'il va rentrer en contact avec un couple de promeneurs".

Une sixième victime

Sur le Pâquier, tout s'accélère. "L'agresseur tente de s'en prendre à une dame. On ne sait pas trop comment mais elle réussit à échapper au coup de couteau." D'autres policiers, à moto, arrivent en renfort. Avec ces collègues en face et la promeneuse à côté, le policier juge alors impossible d'utiliser son arme de son service.

Mais l'assaillant s'en prend maintenant à un promeneur, un homme de 70 ans à la retraite. Il s'agit de la 6e victime de l'assaillant. Premier coup de couteau dans le dos. Puis un deuxième. Et un troisième qui s'amorce. Le policier de 51 ans parvient à dégager son axe de tir et appuie sur la gachette de son arme de service pour neutraliser l'agresseur.

L'homme au couteau et le septuagénaire sont en mouvement. Le coup part... mais n'atteint pas sa cible... C'est le septuagénaire qui est touché. Mais ce tir permet tout de même de déstabiliser l'agresseur.

L'homme au couteau est interpellé par les forces de l'ordre qui parviennent à le menotter. Il est 9h45. Les policiers appellent le Samu pour leur annoncer qu'une sixième victime doit être prise en charge. 

Un an après, l'héroïque policier va être décoré ce lundi 10 juin de l'Ordre national du mérite par le Préfet de la Haute-Savoie.

Les médecins de l'hôpital d'Annecy

Passage par la salle de "déchocage" aux urgences

Au total, six personnes ont été blessées au cours de la matinée dont quatre bébés, âgés de 22 à 36 mois. 

  • la plus jeune victime est un bébé, une petite fille de nationalité néerlandaise âgée de 22 mois ; 
  • une autre enfant, âgée de 3 ans, de nationalité britannique ;
  • les deux autres jeunes victimes sont deux cousins âgés de 2 ans, Ennio et Alba. 

Le bébé est rapidement envoyé à l'hôpital de Genève. Le grand public n'est pas encore au courant de l'attaque au moment où ces enfants grièvement blessés arrivent dans les services des hôpitaux d'Annecy et Genève. Cette rapidité exemplaire a sans aucun permis de leur sauver la vie. 

"Ils étaient assez instables au niveau de leur hémodynamie [circulation sanguine, NDLR] et donc il fallait les transfuser avant de les admettre au bloc opératoire" explique le Dr Samuel Gay, spécialiste en anesthésie-réanimation à l'hôpital d'Annecy, à propos des deux cousins, les plus grièvement blessés. Dans cette salle de déchocage du service des urgences, "on a fait les premiers gestes d'urgence pour qu'ils puissent aller au bloc". 

"C'est une histoire qui nous a marqués"

Au même moment, dans les blocs opératoires, le Docteur Damien Duprez est informé de l'arrivée des jeunes victimes : "La conjonction fait qu'on avait terminé nos premiers patients, on était entre deux opérations. Mes collègues aussi étaient disponibles pour les autres patients" raconte ce spécialiste de la chirurgie viscérale et digestive. 

Les équipes anticipent et préparent le matériel spécifique aux opérations pédiatriques. Le Dr Duprez raconte avec humilité que "l'opération se fait relativement facilement" car son petit patient était déjà bien stabilisé grâce au travail préparatoire de l'équipe de réanimation.

Les trois enfants sont ensuite transférés à l'hôpital de Grenoble où les équipes vont prendre le relais. Tout se passe pour le mieux au vu des circonstances, la coordination entre toutes les équipes médicales est "linéaire". Malgré tout, "c'est une histoire qui nous a marqués" se souvient l'anesthésiste Samuel Gay "car ce n'est pas fréquent que l'on ait des multi victimes pédiatriques admises [en même temps] mais ce sont des situations pour lesquelles on s'entraine".

Un an après, une matinée toujours dans les mémoires

Dans le parc à jeux de la Promenade Jacquet, les habitudes ont peu à peu repris. Il s'agit d'un lieu emblématique, situé entre le lac et le centre-ville, où tous les petits Anneciens et touristes de passage ont déjà joué. Mais tous n'ont pas eu la même facilité à y retourner.

"Il y a eu une période où c'était difficile de remettre les pieds dans un parc, ici et ailleurs. J'avais le regard un peu partout, toujours dans l'appréhension que cela puisse se reproduire" raconte Coralie. Elle reconnaît volontiers qu'il n'a pas été facile de retrouver un équilibre, entre le besoin de protéger son enfant et la volonté de ne pas laisser la peur prendre le dessus.

"On fait sûrement plus attention qu'avant, car maintenant on sait que ca peut arriver. Mais heureusement, la vie a bien repris", témoigne Brice avec son garçon dans les bras.

Même si, comme lui, la plupart des parents gardent en tête ce qui est arrivé dans ce parc il y a un an, les rires des enfants ont bel et bien remplacé les cris d'horreur de ce 8 juin 2023.

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