Après le décès d’une jeune fille transgenre, le maire de Thonon-les-Bains a refusé que le prénom d’usage de la défunte soit inscrit sur sa plaque funéraire, d'après une première information du journal Mediapart. Plusieurs élues de Haute-Savoie ont réagi.
En Haute-Savoie, le maire divers droite de Thonon-les-Bains, Christophe Arminjon, a refusé que le prénom d’usage d’une étudiante transgenre soit inscrit sur sa plaque funéraire. Le journal Mediapart a révélé cette affaire le 26 janvier.
Le site d'information indépendant a recueilli le témoignage des parents de Manon (dont le nom a été modifié dans l’article) qui se battent pour que l’identité de leur fille soit considérée.
Le combat des parents
La jeune étudiante transgenre en situation de handicap a mis fin à ses jours le 20 juin 2020. Elle "n’avait pas encore pu officialiser son changement de prénom", précise Mediapart mais "se faisait appeler Manon depuis plusieurs années" et avait abandonné son "deadname" (c’est-à-dire son nom de naissance) sur sa carte étudiante.
Sauf qu’après son incinération, les parents de Manon constatent que c’est le prénom masculin, inscrit à l’état civil, qui est apposé sur l’urne cinéraire et dans le registre de la mairie.
Le journal rapporte : "Ils ont un unique souhait : que le prénom d’usage puisse être inscrit sur la plaque du columbarium devant laquelle ils viendront se recueillir."
Le point de vue du maire
Selon l’article de Mediapart, le refus de la mairie est "catégorique". Le maire, Christophe Arminjon, pointe, entre autres, le fait que le changement de prénom n’avait pas encore été officialisé.
"J’essaie de me placer sur le terrain pragmatique et du bon sens" explique Christophe Arminjon à France 3 Alpes, avant d’ajouter : "Je partage parfaitement la douleur de la famille mais qu’on m’explique comment gérer le lieu de funérailles s’il n’y a pas de correspondance entre l’état civil et la désignation sur la plaque".
Le maire de Thonon-les-Bains affirme n’avoir ni "la compétence, ni la qualité pour apprécier" cette situation. "Je dois appliquer un texte en vigueur, le règlement du cimetière et les règles générales. La famille ne peut pas modifier l’état du droit, les seuls qui peuvent le faire sont soit les législateurs soit les juges",
Je serais parfaitement disposé à ce que l’on présente le dossier à un juge et qu’il nous dise ce que l’on doit faire.
Christophe Arminjon, maire de Thonon-les-Bains à France 3 Alpes.
Réactions d'élues et associations
Sur les réseaux sociaux, la conseillère municipale Astrid Baud-Roche s’est exprimée : "La loi ne l’interdit pas. Donc pourquoi ne pas écrire le prénom d’usage ?"
Un peu d’humanité, de l’empathie dans ces moments là.
Astrid Baud-Roche, conseillère municipale de Thonon-les-Bains.
Cette situation est "révélatrice du mode de fonctionnement" de Christophe Arminjon pour Astrid Baud-Roche qui dénonce un "manque d’empathie" de la part du maire de Thonon-les-Bains, avant d’ajouter : "Il ne reconnaît jamais qu’il s’est trompé", "psychorigide et technocrate, c’est compliqué".
Marion Lenne, députée de la 5e circonscription de la Haute-Savoie a également pris position dans un communiqué : "La décision de la mairie de maintenir sur cette plaque le "deadname" de cette jeune femme, c’est à dire le prénom masculin attribué à sa naissance et auquel elle avait renoncé, est un acte profondément irrespectueux de sa mémoire et qui ne peut qu’ajouter à la douleur de ses proches."
La députée appelle le maire de Thonon-les-Bains à "respecter la défunte et le deuil de ses parents" : "Par ailleurs, cette décision n’a aucun fondement en droit." En effet, un maire peut seulement s’opposer à une inscription qui porte "manifestement atteinte à l’ordre public (...) ou à la dignité du défunt".
Reconnaître que cette jeune femme était une femme est-il contraire à l’ordre public ? Est-ce une atteinte à sa dignité ? À l’évidence, ce n’est pas le cas et la préfecture l’a rappelé à la mairie de Thonon dans un courrier du 8 décembre 2021.
Marion Lenne, députée de la 5ème circonscription de la Haute-Savoie.
Jugeant la position du maire "complètement illégale" et "couplée à la transphobie de ce dernier", le porte-parole de Stop Homophobie a annoncé porter plainte au nom de l’association sur les réseaux sociaux.
Cette transphobie est inacceptable. On va le leur rappeler.
Maxime Haes, porte-parole de l'association Stop Homophobie.