Alors que le maire d'Annecy, Jean-Luc Rigaut, est candidat à sa réélection aux municipales de mars 2020, France 3 Alpes s'est penché sur son bilan. Infrastructures, tramway, petite enfance... Le point sur les promesses tenues, ou pas.
Maire d'Annecy depuis 2007, Jean-Luc Rigaut, longtemps étiqueté à droite, brigue un troisième mandat, cette fois sous les couleurs de La République en marche (LREM). L'élu, également président du Grand Annecy, a été investi par le parti de la majorité en vue des élections municipales de mars 2020.
Un scrutin qui va se démarquer des précédents sur un point majeur : le nombre d'électeurs. Créée le 1er janvier 2017, la commune nouvelle d'Annecy - issue de la fusion de six communes haut-savoyardes - compte 129 000 habitants, deux fois plus qu'auparavant. Le nouveau maire de la métropole sera donc élu par les habitants des anciennes communes d'Annecy, Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Meythet, Pringy et Seynod.
Jean-Luc Rigaut a, pour sa part, passé treize ans à la tête de la mairie d'Annecy. A l'approche de l'appel aux urnes, France 3 Alpes dresse un bilan du maire sortant sur cinq promesses de campagne sélectionnées par la rédaction. Lesquelles ont été tenues ? Et quelles sont celles qui ont fini aux oubliettes ? On fait le point.
Le centre des congrès, un serpent de mer annécien
C'était la promesse phare de Jean-Luc Rigaut en 2014 : la construction d'un centre des congrès à 50 millions d'euros sur la presqu'île d'Albigny. Un projet pharaonique comprenant un auditorium de 800 places, des salles d'exposition et un restaurant panoramique. Mais en juin 2019, la cour administrative d'appel de Lyon donnait un coup d'arrêt à sa construction, confirmant l'annulation de la déclaration d'utilité publique prononcée par le tribunal de Grenoble deux ans plus tôt.
La cour avait jugé que les bâtiments qui devaient être construits à proximité du lac n'étaient pas conformes à la loi littoral. Les élus du Grand Annecy étaient en majorité favorables à la construction du centre des congrès. Mais la communauté d'agglomération a annoncé, le 1er août, renoncer à attaquer cette décision devant le conseil d'Etat, comme elle en avait la possibilité. "Le choix a été fait de ne pas aller au-delà", tranche Jean-Luc Rigaut. Les élus portaient le projet depuis une dizaine d'années.
Que va-t-il advenir du projet de centre des congrès ? "La protection du lac, les enjeux environnementaux mais en même temps le besoin d'un centre de congrès nous font dire qu'on va regarder ailleurs et on ouvre le champ des possibles pour un nouveau centre", nous annonçait le maire d'Annecy en août 2019. Il est donc toujours d'actualité, répond l'élu qui souhaite "accompagner la filière affaire à Annecy".
Son implantation reste à définir ainsi que le bâtiment en lui-même. "On a ouvert des études pour réactualiser les besoins et trouver un site adapté", ajoute Jean-Luc Rigaut. Le résultat devrait être connu en juin 2020. En prenant en compte l'acquisition des terrains et le financement des premières études, le projet a déjà coûté plus de 7 millions d'euros.
Quant au site de la presqu'île d'Albigny, il devrait être aménagé pour en faire un parc accessible aux promeneurs, comme l'avait déjà évoqué le maire d'Annecy. "Il nous reste quelques acquisitions foncières à poursuivre et nous finaliserons l'aménagement", précise-t-il.
Le tunnel sous le Semnoz toujours dans les cartons
Grand sujet de la campagne de 2008, revenu sur le tapis en 2014, et de nouveau au centre des débats six ans plus tard, le tunnel sous le Semnoz est toujours à l'état de projet. Cette infrastructure a été imaginée pour désengorger la route sur la rive ouest du lac d'Annecy, permettant de rejoindre la métropole depuis Faverges, empruntée par près de 20 000 véhicules chaque jour. Le dossier, pour sa partie routière, est porté par le Département de la Haute-Savoie mais aussi par le Grand Annecy dans son volet transports publics, donc largement soutenu par Jean-Luc Rigaut.
"Comme maire, je ne peux pas me satisfaire de voir tous les jours des heures de bouchons devant la mairie, au rond-point des Trésums ou sur l’avenue du Rhône", déclarait Jean-Luc Rigaut dans les colonnes du Dauphiné Libéré en juin 2019. Le projet global, baptisé Liaison ouest du lac d'Annecy (Lola), comprend notamment la mis en place d'un bus à haut niveau de service, circulant sur une voie dédiée sur une portion de 12 kilomètres, pour mettre fin aux kilomètres de bouchons qui jalonnent la route chaque jour.
Mais le tunnel tarde à voir le jour. La concertation publique s'est achevée au 31 décembre 2018, ouvrant la voie à la phase d'avant-projet qui doit durer entre deux et trois ans. Durant cette période, plusieurs études doivent être menées, notamment sur le plan environnemental, et le dossier d'enquête publique finalisé. L'aboutissement reste incertain, étant notamment conditionné à la décision du préfet qui le déclarera d'utilité publique, ou non.
Le projet pharaonique verra le jour, dans le plus optimiste des scénarios, en 2024. "Je m'y suis engagé, je m'y tiendrai", réaffirme Jean-Luc Rigaut concernant la mise en place de cette ligne de transports en commun. "Le projet de mobilité ne se résume pas au tunnel", ajoute-t-il, indiquant que cette liaison de bus verra le jour avec ou sans tunnel. Dans le cas où l'infrastructure ne serait pas construite, le bus passerait par la route bordant le lac, promet le maire sortant.
La construction du tunnel sous le Semnoz ne fait toutefois pas l'unanimité. Un collectif de 13 associations a notamment lancé une pétition contre cet "aspirateur à voitures". Elle a récolté plus de 10 000 signatures. Cette infrastructure provoquerait "une augmentation considérable du trafic, des embouteillages et de la pollution, avec ses conséquences sur la santé", pointe le collectif dans ce texte. Un vote de concertation doit être réalisé auprès des habitants concernés à l'automne 2020.
Jean-Luc Rigaut nuance : "On sait que les difficultés de circulation engendrent du report modal, mais est-ce que que ça joue à ce point ? Les études ne le montrent pas plus que ça", affirmait-il encore à nos confrères. Déjà vieux d'une décennie, le projet devrait encore faire parler de lui dans les années à venir tant son dénouement semble lointain.
Douze ans après, où en est le tramway ?
Dans la liste des promesses de longue date, il y a le tramway d'Annecy. Quand la métropole haut-savoyarde ambitionnait d'accueillir les Jeux olympiques de 2018, Jean-Luc Rigaut la voyait déjà parée d'une ligne pour faciliter le déplacement des nombreux touristes espérés. L'idée de financer cette installation figurait alors au programme du candidat UDI en 2008.
Mais Annecy n'a pas été sélectionnée pour accueillir les JO, et le projet a été laissé de côté pendant quelques années. "Le tramway ne s'impose pas sur Annecy et son agglomération", déclarait même Jean-Luc Rigaut au quotidien régional en avril 2017, le jugeant "surdimensionné" pour la ville. Tombé dans l'oubli, il a refait surface en 2018 dans le cadre du projet territoire du "Grand Annecy à horizon 2050".
Une étude pré-opérationnelle a débuté en février 2019 après un vote favorable des élus de l'agglomération. En clair, des études de faisabilité et d'impact, notamment sur l'environnement, sont en cours. Les conclusions sont attendues en août 2020. "J'ai entendu les observations de ceux qui disent pourquoi seulement maintenant ? Parce qu'on a la taille et l'homogénéité du territoire qui le permettent, y compris sur la commune nouvelle", s'était défendu Jean-Luc Rigaut lors d'une séance du conseil communautaire, le 7 février 2019.
L'idée est de remplacer les deux lignes de bus principales "qui deviennent vite insuffisantes" à Annecy par deux autres lignes de ce moyen de transport qui traverserait l'agglomération sur une trentaine de kilomètres, d'est en ouest et du nord au sud. Les travaux pourraient commencer en 2023. Des parcs relais devraient également être construits aux extrémités pour permettre aux automobilistes de laisser leur voiture avant de monter dans le tram. Un projet "rendu possible maintenant grâce à la commune nouvelle", selon le maire.
Un projet global coûteux, chiffré à 22 millions d'euros par kilomètre, soit 400 millions d'euros au total. "J'ai une inquiétude parce que le coût de construction d'un tram au kilomètre n'est pas neutre, c'est l'un des moyens le plus cher. Les études nous le diront. Mais il ne faut pas fermer les yeux sur d'autres possibilités", avait nuancé l'élu Olivier Barry à cette même séance du conseil communautaire.
Reportage ? Bientôt un tram à #Annecy ? L’agglomération a adopté à l’unanimité le lancement d’une étude sur la réalisation éventuelle d’un tram dans le cadre de son projet de territoire 2050. Extrait du reportage de @FanetteDeb diffusé demain dans le JT à 18h30 pic.twitter.com/kwnvgh40nY
— 8 Mont-Blanc (@8montblanc) February 21, 2019
"Tout ce que je propose est finançable sans augmenter les taux de fiscalité", se justifie Jean-Luc Rigaut, rappelant qu'Annecy est la deuxième commune la mieux gérée de France sur la plan financier. D'autant que ce nouveau projet est moins ambitieux que celui porté par l'édile en 2008. L'arrivée du Léman Express, reliant la Haute-Savoie à la Suisse, a incité les élus à remodeler le tracé du tramway, devenu un moyen de transport urbain, interne à l'agglomération.
"C'est un projet ambitieux mais nécessaire pour pouvoir apaiser le centre-ville, pour que le coeur soit plus piéton, pour pouvoir faire en sorte que les zones à faible émission que l'on met en place pour réduire la circulation automobile et améliorer la qualité de l'air soient une réalité. Il faut s'appuyer sur cet outil de transport important qui, en même temps, va nous faire repenser la ville", ajoute-t-il, maintenant son ambition de venir à bout de ce projet à la veille des élections municipales de mars 2020.
Le haras en pleine métamorphose
Bâtiment centenaire, le haras fait l'objet d'un vaste plan de rénovation pour "le rendre accessible aux Annéciens", peut-on lire sur le site de la Ville. Aux élections municipales de 2014, la métamorphose du lieu occupait une place de choix dans le programme de Jean-Luc Rigaut. Le maire sortant avait promis la construction d'un "parc à thèmes", d'une "halle gourmande", de salles de rencontres et lieux d'exposition au sein de ce site clos, acquis par la municipalité en 2013.
A la fin de son mandat, le projet suit son cours et a même pris un nouveau tournant le 28 mai 2019 avec le choix du cabinet d'architectes Devaux & Devaux, en charge de la conception du futur haras d'Annecy. Le projet s'articulera autour de trois approches : "l'histoire du lieu, sa continuité urbaine et la composition paysagère", selon le cabinet. Les différentes composantes promises par Jean-Luc Rigaut en 2014 figurent bien dans le projet porté par les architectes cinq ans plus tard.
"Les travaux démarreront en fin d'année, annonce-t-il. C'est un projet phasé avec, comme première étape, la construction d'une halle gourmande où les Annéciens pourront acheter et consommer des produits locaux". Le chantier devrait durer trois ans et demi. "Ce sera un havre de paix et de verdure en centre-ville pour renforcer la production et la consommation locale, ce qui correspond au bien-vivre d'Annecy", promet le maire sortant. Jusqu'ici, il s'agit donc d'une promesse tenue.
Des problèmes de recrutement en crèche
Elargir les horaires d'ouverture des crèches et "trouver des solutions innovantes" pour répondre aux besoins des familles, telles étaient les promesses du candidat Rigaut aux municipales de 2014. Après avoir créé une centaine de places supplémentaires lors de son premier mandat, l'élu souhaitait perfectionner le dispositif en place pour la petite enfance.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Le bilan est plutôt mitigé. La situation est désormais revenue à la normale, mais les crèches ont rencontré leur lot de problèmes durant le dernier mandat du maire d'Annecy. Fin 2017 notamment, pendant les fêtes de fin d'année, les horaires d'accueil de 15 établissements ont dû être réduits faute de personnel suffisant. Au total, 25 postes étaient vacants dans les crèches de la ville, soit un manque de 7% du personnel.
"Nous avons été prévenus au dernier moment, déplorait alors une mère de famille auprès de France Bleu Pays de Savoie. On ne peut pas trouver de solution en 48 heures à seulement quelques jours des vacances de Noël." La municipalité s'était expliquée dans un communiqué : "Le recrutement de personnels de la petite enfance est un problème national mais, en Haute-Savoie, cette difficulté est encore plus importante du fait de l'attractivité de l'emploi en Suisse et de la cherté de la vie dans notre région", pouvait-on y lire.
"On n'avait pas les moyens humains d'assurer" les horaires prévus, reconnaît Jean-Luc Rigaut, expliquant que la Haute-Savoie est "un terrioire où le taux de chômage est très faible, mais le taux de tension très fort". Alors que la crise est aujourd'hui passée, la situation "reste tendue", poursuit-il car selon lui, le recrutement reste "l'un des points les plus complexes" à gérer dans le fonctionnement des crèches.
Mais globalement, sa promesse consistant à élargir les horaires est tenue, assure le maire. "On a spécialisé certaines crèches. Par exemple celle de l'hôpital a une plus grande amplitude, au nord de la ville, les crèches ferment plus tard le soir car cela concerne surtout les (travailleurs) frontaliers", liste Jean-Luc Rigaut, admettant que cette promesse a aussi pu être tenue grâce à "la fusion, en optimisant l'ensemble des moyens dont disposaient les autres communes".