C'est "un accident dont la seule responsabilité est celle de M. Prost, pleine et entière", c'est ainsi que Me Kevin Artusi, avocat de la SNCF, a conclu sa plaidoirie lors du procès du drame d'Allinges ce jeudi 11 avril. Une position "osée" pour nombre de parties civiles dans la salle.
"Parler de victime, c'est peut-être un peu fort. Il faut voir la SNCF comme une personne ayant subi des dommages suite à cet accident (...) La place de la SNCF c'est aux côtés des autres parties civiles", a déclaré l'avocat de l'entreprise ferroviaire, pointant donc la responsabilité "pleine et entière" du chauffeur de car qui s'est retrouvé bloqué sur le passage à niveau d'Allinges en 2008.Dans cette affaire, la SNCF est à la fois dans le box des prévenus et dans celui des parties civiles, c'est à ce titre que l'avocat a demandé près d'1 million 800 mille euros à l'encontre du chauffeur, au titre des dommages et intérêts.
La parole aux parties civiles
Dans ce procès, RFF et la SNCF sont poursuivies pour homicides et blessures involontaires, au même titre que le chauffeur du car, Jean-Jacques Prost. Il est reproché à RFF et la SNCF d'avoir sous-estimé la dangerosité du passage à niveau d'Allinges.
C'est l'argument qui a été le plus repris par les avocats des victimes lors de leurs plaidoiries.
Me François Favre, avocat des parents de Fanny Favre, morte dans l'accident, a ainsi vilipendé l'"irresponsabilité généralisée" en matière de sécurité sur les passages à niveau. "Qui fait quoi? Personne ne le sait. RFF va dire que c'est la SNCF. Et la SNCF que c'est RFF. Et puis, si ça ne va pas, on va dire que c'est quelqu'un d'autre", a-t-il lancé devant le Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains.
Me Favre a aussi dénoncé le "silence assourdissant" du président de la SNCF Guillaume Pepy, qui a refusé de témoigner au procès. Les familles se sentent "déconsidérées et humiliées" par son absence, a-t-il dit.
Me Frédéric Noettinger-Berlioz a lui vu dans RFF et la SNCF des "personnes morales qui n'ont de morales que le nom". "Il ne nous aura été rien épargné de la part de la SNCF", s'est-il indigné.
"Ils souhaitent aujourd'hui se voir reconnaître le statut de victime" et réclament 1,797 million d'euros à M. Prost en réparation des dommages matériels subis lors de l'accident, a expliqué l'avocat, citant les conclusions des défenseurs de l'entreprise publique.
Me Georges Rimondi, avocat de plusieurs victimes, avait qualifié le passage à niveau d'Allinges d'"abominable": une "verrue pour la circulation automobile", a-t-il dit. Remarquant que ce passage n'était pas considéré comme préoccupant au moment de l'accident, il a regretté qu'il faille "des morts pour que le passage à niveau soit classé comme préoccupant".
"Cela suffit à nous glacer le sang à tous", a ajouté l'avocat, parlant de "roulette russe".
Le chauffeur n'est pas oublié
Concentrant leurs attaques sur les deux entreprises, les avocats des parties civiles n'ont pas pour autant épargné le chauffeur de car. "Vous avez commis des imprudences, des négligences, des inattentions qui sont à l'origine en partie de cet accident du 2 juin 2008", lui avait ainsi lancé Me Pierre Briffod mercredi.
"Les familles ne souhaitent pas accabler cet homme ni s'acharner contre lui. Mais M. Prost a été dans l'incapacité de prononcer les mots faute et erreur", avait-il regretté.
Au total, 258 personnes se sont portées parties civiles dans le cadre de ce procès qui doit se terminer vendredi.