Mercredi 10 et jeudi 11 avril, les avocats des parties civiles se sont succédés. Au total, 258 personnes se sont portées parties civiles dans le cadre de ce procès. Retour sur les phrases clefs des plaidoiries grâce à notre équipe sur place et aux observateurs de Twitter.
Curieusement dans ce procès, la SNCF est dans le box des prévenus mais est aussi partie civile. La dernière plaidoirie des parties civiles aura été celle de l'avocat de l'entreprise publique.
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Kevin Artusi
Maître Kevin Artusi, avocat de la SNCF- "Parler de victime, c'est peut-être un peu fort. Il faut voir la SNCF comme une personne ayant subi des dommages suite à cet accident" et à ce titre elle a demandé 1 million 797 mille euros de dommages et intérêts à l'encontre du chauffeur du car, qui porterait "la responsabilité pleine et entière" du drame.
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Frédéric Noettinger-Berlioz
Maître Frédéric Noettinger-Berlioz, avocat de plusieurs parties civiles
- "Chacun d'entre nous se souviendra du 2 juin 2008, comme chacun se souvient de ce qu'il faisait le 11 septembre 2001"
Cet avocat plaide pour les indemnisations des victimes, s'adressant au président: "Il vous appartiendra de fixer le prix des larmes, du sang, du choc, du désespoir"
L'enjeu est de faire reconnaître l'accident collectif: "Le déplacement des plus hautes autorités de la République montre que c’est un accident collectif".
- "Ce n’est pas humain ce qu’ils ont vécu. C’est horrible. Ce ne sont que des enfants". Le jour du drame, "même les chiens ont compris. Ils ont hurlé à la mort (c’est dans le dossier…)".
Et l'avocat de conclure en faisant référence aux négations de la SNCF et de RFF: "Les personnes amorales, pas immorales, sont comme des singes chinois. Elles ne voient pas, n’entendent pas, ne parlent pas".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Georges Rimondi
Maître Georges Rimondi, avocat de plusieurs parties civiles
Parlant du chauffeur: "Il ne fait aucun doute que la responsabilité pleine et entière de Monsieur Prost ne peut être discutée" mais "elle n'est pas exclusive".
Evoquant les responsabilités de la SNCF et de RFF et s'appuyant sur la jurisprudence, Maître Rimondi explique: "Quand les manquements aux règles de sécurité sont établis, la faute est constituée".
- L'avocat s'exclame: "les experts de RFF et de la SNCF qui ont conclu qu'il n'y avait pas d'incidents sur ce passage à niveau ont respiré des fleurs hallucinogènes!". "Ce passage à niveau aurait dû être surveillé plus que d'autres" (...) "Qu'il soit conforme, c'est une chose, qu'il soit sécurisé en est une autre".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Caroline Könemann
Maître Caroline Könemann, avocate de la famille Pinget dont la fille Natacha est décédée.- "La SNCF savait que ce passage datait du XIXe siècle mais elle a choisi d'augmenter le nombre de train".
- Évoquant le préjudice des familles: "L'indemnisation d'un préjudice d'affection exceptionnel doit être appliquée"
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître François Favre
Cet avocat a parlé de sa famille, de Fanny dont il dit avoir écouté la messagerie de portable au matin de cette audience pour "se donner du courage".
S'adressant aux rescapés: "Merci les enfants, gardez la colère que vous avez exprimé. Nous en avons tellement besoin".
"Fanny était là pour mes 50 ans. Je lui avais écrit: "Quand tu auras 50 ans, j'aimerai que tu m'invites à ton anniversaire"
- Parlant de la SNCF et de RFF: "Cette tragédie a été une succession de fautes (...) Monsieur Prost il assumera. Il sera condamné. Mais il ne doit pas devenir le bouc-émissaire de la SNCF, de RFF (...) leur désorganisation est stupéfiante".
- Concernant l'absence de Guillaume Pépy: "Les parties civiles se sont senties déconsidérées, humiliées (...) il n'a pas de réponse satisfaisante pour exonérer la SNCF".
- Au sujet de RFF, Maître Favre explique: "En 2008, RFF n’avait qu’un seul responsable de la sécurité sur les passages à niveau. Aujourd'hui, il n'y a toujours pas grand monde".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître François Pianta
Revenant sur le déplacement du tribunal sur le site d'Allinges: "On a constaté que rien n'a été fait depuis le 2 juin 2008. On n'a même pas nettoyé ce passage à niveau".
Concernant le chauffeur: "A aucun moment M. Prost n'a prononcé le mot de faute (s'adressant à lui) Car enfin, il faudrait un jour ou l'autre que vous acceptiez cette faute. On ne peut pas considérer que M. Prost est une victime". L'avocat doute même des capacités physiques de ce chauffeur, s'étonnant de ne pas avoir entendu son patron.
Quant à la SNCF et à RFF, l'avocat estime qu'ils "devront changer leurs comportements pour ne pas sacrifier la vie des gens sur l'autel de la rentabilité".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Christophe Arminjon
Me Christophe Arminjon est l'avocat du jeune Tristan Morf.
"L'accident était-il prévisible et évitable? Je réponds deux fois oui.
"On a rappelé les fautes du chauffeur, mais il faut dire attention aux évidences".
Parlant de la SNCF: "On est face à un mur qui dit la norme a été respectée, circulez, y'a rien à voir"
Concernant le passage à niveau: "On part du principe que les voitures doivent s'arrêter au passage à niveau. Les trains, eux, ne sont pas prévus pour s'arrêter!"
Parlant des rescapés: "Il y a un préjudice juvénile pour tous ces jeunes qui n'ont pas vécu leur adolescence (...) j'ai peur que derrière ces sept sourires (les collégiens décédés) il y ait des dizaines de regards obscurcis".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Pascale Billing
"13 ans, c'est l'âge où l'on a besoin de grandir, on a besoin d'un groupe" (...) "qu'est-ce qu'on devient quand on perd ses amis?"
Me Billing raconte alors que Joanna a passé des années sans avoir d'amis après le drame.
"Joanna voulait venir à ce procès. Faire ce pas, c'est faire le deuil" (...) aujourd'hui elle n'est plus là. Elle a fait une crise d'angoisse, elle a été hospitalisée. Nous sommes cinq ans après l'accident et Joanna est toujours dans le même état. Elle a des difficultés psychiques, physiques".
- "Joanna attend de ce procès d'être reconnue en tant que victime. Elle ne demande pas l'aumône".
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Pierre Briffod
Maître Pierre Briffod est un des avocats des parties civilesCet avocat s'est surtout adressé au chauffeur de car, Jean-Jacques Prost, parlant de ses fautes, d'une "succession de mauvaises réactions".
- "A aucun moment, il ne prend conscience du danger qui arrive. Pire, il ralentit et décide d'arrêter son bus" (...) "Et tout ceci par souci du matériel. Il a peur d'endommager le toit de son bus. C'est complètement incompréhensible".
- "M. Prost a pris conscience du danger avec un temps de retard important par rapport au commun des mortels" (...) "une mauvaise réaction dans un instant de danger, ça peut arriver. Pas une succession de d'erreurs".
- Regardant les victimes: "Les enfants ont pour beaucoup apporté leur pardon à M. Prost. Les familles ne souhaitent pas accabler cet homme" (...) "Mais M. Prost n'a jamais réussi à prononcer des mots simples: faute et erreur".
- "Vous avez commis des fautes, pas volontaires, mais des imprudences, négligences (...) Elles vous sont reprochées et entraînent votre responsabilité pénale"
Les phrases clefs de la plaidoirie de Maître Denis Dreyfus
Maître
A l'intention des familles: "Lorsque la force, le courage se sont exprimés si fortement vous avez envie de vous taire"
"Les anges (du drame d'Allinges) ont le même visage que les fantômes qui hantent le tunnel du Mont Blanc"
A l'intention du tribunal et parlant des victimes qui ont pu témoigner: "Soyez remercié de cette possibilité d'expression"
- Concernant le délibéré: "Vous jugerez ce dossier avec le seul curseur du droit. On est en matière de délit non intentionnel".
- A l'adresse de la SNCF et de RFF, parlant du passage à niveau: "Est-ce si difficile de dire qu'il est dangereux?"
- A l'adresse du chauffeur: "Je n'ai pas envie de l'accabler au-delà du poids qu'il porte".
- Conclusions générales: "J'ai la conviction que la catastrophe pouvait être évitée" (...) "Ici, il n'est point de fatalité. Il est des conjonctions certaines et directes"
- "Le passage à niveau est le terreau de la catastrophe" (...) "on n'est pas sur le manquement d'une obligation de sécurité, on est sur l'évidence"
- "SNCF et RFF ne connaissent que la voie (...) comme si un propriétaire n'avait pas la responsabilité de son emprise et renvoie tout ça sur la voirie"
- "Là où les enfants ont eu le courage de se tenir debout pour parler de leurs morts, M. Pepy n'a pas eu le courage de venir à cette barre".
- "Chaque mardi soir M. Pepy est l'invité de SNCF-La Radio. Vous pouvez lui poser vos questions, 09.50.222.999"