Le syndicat national des guides de montagne (SNGM) a critiqué, ce mardi 3 janvier, la décision du maire de Saint-Gervais de porter plainte contre deux alpinistes qui ont filmé leur bivouac au sommet du mont Blanc. Pour Dorian Labaeye, président du SNGM, la démarche de ces deux vidéastes est compatible avec l'esprit de l'alpinisme.
La position de Jean-Marc Peillex est loin de faire l'unanimité dans le monde de la montagne. Le maire de Saint-Gervais-les-Bains avait fait savoir, jeudi 29 décembre, qu'il avait porté plainte contre deux alpinistes, qui avaient réalisé une vidéo YouTube à propos de leur dernier défi : dormir au sommet du mont Blanc. Ce mardi 3 janvier, le syndicat national des guides de montagne (SNGM) a expliqué être "en profond désaccord" avec cette décision.
"Il y a eu un travail collectif pour inscrire l'alpinisme au patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco. Nous en avons donné une définition précise. Et en attaquant ces deux jeunes alpinistes en devenir, qui ont une vraie démarche de progression, de volonté et qui ont un projet, un rêve et de la persévérance, le maire de Saint-Gervais attaque aussi l'essence-même de l'alpinisme", a expliqué Dorian Labaeye, président du syndicat national des guides de montagne.
Pour lui, si l'arrêté préfectoral de protection de l'habitat naturel (APHN) interdit ce genre d'initiative, alors il serait "peut-être temps de revoir ce texte", explique-t-il.
"Du côté des 'hurluberlus'"
La démarche des deux jeunes vidéastes rentre, selon lui, dans l'esprit de l'alpinisme : "Il pourrait être intéressant de revoir "Entre terre et ciel", dans lequel on voit Gaston Rébuffat, qui appartient au patrimoine culturel de l'alpinisme, bivouaquer au sommet du mont Blanc avec Haroun Tazieff. En revoyant ces images, on pourrait se demander quelle est la différence avec le projet de ces deux jeunes. On pourrait même imaginer que si Rébuffat avait vécu à notre époque, il pourrait être YouTubeur", sourit Dorian Labaeye.
Pour lui, cette ascension en autonomie hors saison d'ouverture des refuges est loin d'être scandaleuse contrairement aux nombreux abus constatés ces dernières années. "Si monsieur le maire qualifie ces deux jeunes d''hurluberlus' pour avoir réalisé leur rêve dans une démarche saine, alors je me range aussi du côté des 'hurluberlus', comme, j'imagine, une grande partie des alpinistes", poursuit-il.
Là, il est allé trop loin. Il s'agit de la polémique de trop.
Dorian Labaeye, président du syndicat des guides de montagne.
"En tant que guide, nous connaissons la complexité de la préservation de l'environnement et notamment la gestion de la voie normale. Monsieur le maire est parfois capable d'écoute et de réflexion sur le sujet. Mais, là, il est allé trop loin. Il s'agit de la polémique de trop", ajoute Dorian Labeye.
Jean-Marc Peillex est pointé du doigt ces derniers mois par les acteurs de la montagne, qui l'accusent de "débordements judiciaires" à répétition, après une autre plainte déposée récemment contre Christophe Profit, un guide réputé, qu'il accuse d'avoir volé des pieux à neige sur la voie normale.
Cet été, en pleine période de canicule, il avait proposé le versement, pour tout alpiniste empruntant la voie normale, le versement d'une caution préalable de 15 000 euros.
Une position critiquée par les professionnels
Depuis sa prise de position, le maire de Saint-Gervais s'est attiré les critiques de plusieurs personnalités locales, mais aussi du milieu de la montagne et de l'alpinisme. "Le bivouac (...) est une composante fondamentale. Il a toujours été toléré, y compris au col du Midi, parce qu’il est inaliénable des pratiques d’alpinisme, il en est un pilier puisqu’il constitue la base de l’improvisation", avait écrit le guide de haute montagne, Yann Borget sur les réseaux sociaux.
"Un élu en mal de médiatisation attaque en justice des alpinistes tout en prétendant défendre cette discipline… qu’il ne pratique pas. Dangereuse dérive autoritaire", avait également réagi Antoine Beis, collaborateur du maire de Chamonix.
Nous doutons que notre impact environnemental soit mesurable à celui des hélicoptères de tourisme qui survolent ce site fragile toute la journée.
Un des deux alpinistes à l'origine de la vidéo.
Le syndicat interprofessionnel de la montagne (SIM) a même lancé une pétition en ligne, ce vendredi 30 décembre, pour alerter sur les "débordements judiciaires" du maire. Quant aux principaux intéressés, les deux alpinistes, ils ont expliqué avoir été étonné de la décision de l'édile : "Nous doutons que notre impact environnemental soit mesurable à celui des hélicoptères de tourisme qui survolent ce site fragile toute la journée. (...) Nous avons été surpris par les propos diffamatoires du maire de Saint-Gervais. Nous sommes restés discrets jusqu'à cette plainte. Qui cherche la visibilité finalement ?"