Un petit lac qui s'est formé sous la Dent du Géant, dans le massif du Mont-Blanc, inquiète certains alpinistes, pointant du doigt le réchauffement de la planète. Cette petite étendue d'eau a déjà été observée au même endroit en 2015. Mais le changement climatique y est-il pour quelque chose ?
"Il est temps de tirer la sonnette d'alarme". Sur une photo largement partagée sur Instagram, on voit un petit lac de montagne qui s'est formé sous la Dent du Géant dans le massif du Mont-Blanc, à cheval entre la Haute-Savoie et le Val d'Aoste (Italie). L'image a tout d'une carte postale, mais son auteur interpelle sur le danger climatique dont elle serait l'emblème : "Que je sache, c’est la première fois qu'un tel phénomène se produit", commente l'alpiniste.Selon lui, la formation de cette petite étendue d'eau, à environ 3 000 mètres d'altitude, serait due à la canicule qui a frappé les Alpes à la fin du mois de juin. Des températures record ont été enregistrées dans le massif du Mont-Blanc avec un pic historique à 6,9°C relevé 50 mètres en-dessous du sommet. Mais la formation de ce lac de 10 mètres de largeur sur 30 de longueur est-il directement lié au réchauffement climatique ?
Pour Bryan Mestre, l'auteur de cette photo, la canicule est bien derrière ce phénomène : "L’Europe méridionale et les Alpes ont été frappées par une vague de chaleur massive avec des températures allant de 40 à 50°C, l'isotherme 0 a même atteint 4 700 mètres. Des températures allant jusqu'à 10°C pendant la journée ont été ressenties au sommet du Mont-Blanc, à 4 810 mètres d'altitude. C’est vraiment alarmant, les glaciers du monde entier fondent à une vitesse exponentielle."
"Il se forme tous les ans"
L'alpiniste compare deux clichés, pris à dix jours d'intervalle, et explique que ce laps de temps a suffit à accélérer la fonte des glaces à cause de la "chaleur extrême" et former cette étendue d'eau. Si de telles températures représentent un record, ce n'est pas la première fois qu'un lac est observé à cet endroit du massif du Mont-Blanc. "Il se forme tous les ans, c'est normal, estime Armando Chanoine, gardien de refuge italien interrogé par Radio Mont-Blanc. Je l'ai toujours vu à cette période, beaucoup de neige fond et ça forme le lac. Dans un mois, peut-être, il n'y aura plus rien."
Pour autant, le réchauffement climatique accélérerait le phénomène. Selon les scénarios de Météo-France, les vagues de chaleur seront deux à trois fois plus nombreuses d'ici le milieu du siècle. Et la multiplication des épisodes de canicule est "inquiétante à tous les points de vue", commente Nicolas Plain, scientifique grenoblois engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique.
#MassifDuMontBlanc : un lac s’est formé à plus de 3000m d’altitude au pied de la #DentDuGéant pic.twitter.com/I6SJfSpjHT
— RadioMontBlanc Infos (@RedactionRMB) 3 juillet 2019
"Il y a aujourd'hui un risque de fonte du permafrost, ce qui pourrait provoquer des éboulements et des dégâts irréversibles pour le massif", craint l'Isérois. Le permafrost, "ciment des montagnes", est menacé lorsque la température reste élevée sur de longues périodes. Recul des glaciers, réduction des précipitations neigeuses, instabilité des terrains rocheux... Sa fonte pourrait avoir des conséquences dramatiques dans les Alpes et notamment au Mont-Blanc dont les parois rocheuses situées en-dessous de 2 300 mètres sont composées à 65% de permafrost.
Durant les 20 dernières années, il a disparu des faces sud du massif jusqu’à 3 300 mètres. D'après certaines prévisions citées par l'Atlas du Mont-Blanc, le permafrost ne devrait plus s'y trouver en dessous de 4 300 mètres d’ici 2100. Et selon les théories les plus alarmistes, il pourrait totalement disparaître des faces sud de la montagne. Un scénario catastrophe qui pourrait nuire à l'économie de la montagne, la végétation locale et même à la sécurité des habitants.