Alors que la Compagnie des guides de Chamonix-Mont-Blanc fête cette année ses 200 ans d'existence, Roland Ravanel, 83 ans, guide depuis 1959, a rouvert et feuilleté avec notre équipe son carnet de courses, toutes consignées dans un cahier d'écolier. Ce fut pour lui l'engagement de toute une vie.
A l'occasion des 200 ans de la Compagnie des guides de Chamonix, France 3 Alpes va à la rencontre des hommes et des femmes qui la composent, font ou ont fait son histoire.
Ce jour-là, pour notre équipe, Roland Ravanel, 83 ans, une figure de Chamonix, a repris son livre de courses fourmillant de détails, de dates, de photographies, de noms de voies ouvertes à l'époque où il a commencé à grimper. Lui qui est devenu guide en 1959, dans la lignée des cinq générations d'alpinistes qui l'ont précédé.
Le goût des sommets en héritage, Roland Ravanel fut aussi instituteur à Argentière "parce qu'il fallait bien gagner sa croûte, nourrir (ses) quatre enfants, payer un toit, et qu'on n'était pas certain d'avoir du boulot comme guide tout au long de l'année". Lui prend toujours un plaisir manifeste à égrener à voix haute le nom des sommets et itinéraires qu'il a gravis à l'époque. "La volonté, c'est le plus bel héritage. Il fallait bosser, et j'aimais ça".
L'important, c'est ce que l'est, pas ce que l'on a.
Et il se souvient de Gérard Devouassoud, sorti major dans la même promotion. Les coureurs des cimes font plusieurs sommets ensemble. "C'était des courses bien payées, mais on mouillait la chemise. On aimait être confrontés à des endroits difficiles, cela demandait de l'engagement. C'est essentiel en montagne. L'important, c'est ce que l'est, pas ce que l'on a. Ca, on s'en fout. Enfin j'exagère un peu, mais l'important, c'est ce que l'on est", estime le montagnard qui parcourt encore les sentiers au quotidien, le pied alerte, le sac léger et à un rythme plus tranquille désormais.
Hivernale, vitesse, solitaire ces mots apparaissent à cette époque-là ; "J'avais une corde, des crampons, pas de broche du tout, un marteau, un marteau piolet (...) en rocher. J'avais des pitons, des mousquetons, des étriers et des coins de bois façonnés à la menuiserie".
Très vite, les techniques ont évolué mais ces années ont marqué les esprits. "On était jalousés, on a eu un âge d'or. On aurait fait une première par jour, c'est arrivé. Trois premières en trois jours, c'est un peu de la gloriole mais bon... Autrement, c'est d'autres qui nous les prenaient. Fallait bien qu'on s'exprime", glisse Roland avec malice.
Exploits et compétition, bien sûr. Mais ce que cet infatigable marcheur retient, c'est "la liberté des sommets", seul ou en partage avec ses compagnons de cordée.