Le confinement n'arrête pas les chefs étoilés en Haute-Savoie. Depuis la fermeture de leur restaurant, ils multiplient les initiatives pour s'adapter aux nouvelles règles imposées par la crise sanitaire.
Au temps du coronavirus, cuisine étoilée en Haute-Savoie rime avec "drives" gastronomiques, assiettes en carton et marchés de producteurs locaux. Les grands chefs reviennent aux fourneaux et transforment leur pas-de-porte pour combattre la morosité qui pèse sur la restauration.
Pour Laurent Petit, le confinement est l'occasion de se montrer solidaire, tout en défendant le bien-manger. Le chef trois-étoiles au Guide Michelin a ouvert son restaurant Le Clos des sens d'Annecy-le-Vieux à des producteurs locaux pour une vente au public, samedi 25 avril. "On a mis l'église au centre du village, rien d'autre", estime-t-il.
Alors que sa table est fermée depuis plus d'un mois à cause de la crise sanitaire, le restaurateur a voulu recréer un lien entre une dizaine de producteurs de saveurs et les consommateurs. "Le jardin pousse, le végétal pousse, ils nous donnent vraiment le tempo après ces sept semaines de beau temps. Il n'en peut plus le jardin, il avait envie de s'exprimer, de se montrer, de se dévoiler et nous, on l'accompagne", poursuit Laurent Petit.
Légumes, fromages, escargots, poissons des lacs de Haute-Savoie... Un petit marché éphémère s'y est tenu avec, sur les étales, des aliments de qualité et du terroir qu'utilise Laurent Petit pour sa cuisine. Une cuisine lacustre et végétale, de saison bien sûr et inscrite dans la filière bio. "Pour moi, c'est ça la gastronomie et rien d'autre", ajoute le chef qui pourrait reconduire cette opération tous les samedis matin, selon l'évolution de la crise sanitaire.
Plats étoilés à emporter
A quelques kilomètres de là, au bord du lac d'Annecy, rien ne présageait un tel virage pour Jean Sulpice, de l'Auberge du Père Bise à Talloires. Un chef pour qui la cuisine gastronomique, avec ses associations de saveurs et de textures, a "besoin d'être expliquée" et est indissociable des dressages artistiques et de l'ambiance du restaurant.
Pourtant, ce cuisinier de l'année 2018 du guide Gault et Millau est l'un des premiers à avoir organisé un "drive" et vend à emporter des selles d'agneau à 22 euros ou ris de veau aux morilles à 35. "Une gastronomie accessible pour que les gens s'approprient le restaurant chez eux", dit à l'AFP le chef doublement étoilé.
"L'objectif, c'est de se réinventer parce que même quand on va ouvrir - et on ne connaît pas encore la date - ma vie professionnelle ne sera plus la même", souligne Jean Sulpice qui s'habitue dès maintenant à cuisiner avec masques et gants.
Des nouvelles méthodes de travail qu'a également intégré Hubert Chanove dans son Refuge des Gourmets à Machilly, une étoile au guide rouge. Lui a décidé de croiser les deux initiatives, proposant à la fois des plats à emporter et un "marché solidaire pour soutenir nos artisans locaux". Des produits vendus à prix coûtant pour aider ses producteurs-partenaires à écouler leurs stocks.
La carte des plats destinés à la vente, qui change chaque semaine, est renseignée sur les réseaux sociaux. Une aide précieuse pour garder le lien avec sa clientèle au temps du Covid-19.