Dans leur film "Tunnel du Mont-Blanc, les leçons de l'incendie", Lucile Berland et Mathieu Goasgen reviennent sur les circonstances du drame qui, en 1999, a fait 39 morts. Familles de victimes, journalistes, pompiers, enquêteurs, magistrats et politiques ont accepté de reparler de cette catastrophe. Elle a, d'une manière ou d'une autre, bouleversé leurs vies.
Ce 24 mars 1999, il faisait beau. Guy Salvetti, jeune sapeur-pompier, avait prévu d'aller skier après avoir salué ses collègues à la caserne. Il n'ira jamais skier et la journée se transformera en cauchemar dans la fournaise du Tunnel du Mont-Blanc : " Pour moi, ça a été le feu le plus important de toute ma vie de sapeur-pompier. Je n'avais jamais vécu ça et ne souhaite pas le revivre", dit-il aujourd'hui. On sent que le souvenir est douloureux. Il évoque son collègue décédé, intoxiqué par l'épaisse fumée : " On ne voyait rien, c'était le noir complet".
Le noir provoqué par les fumées de l'incendie. A l'intérieur du tunnel, au kilomètre 6, un camion a pris feu. Dans ce boyau, des dizaines de véhicules sont coincés et leurs passagers ont beau fermé vitres et aérations, la fumée s'insinue. Le feu se propage. Il faudra 54 heures aux pompiers français et italiens pour en venir à bout. Bilan : 39 morts.
Après 6 ans de travaux, les présidents français et italien avaient inauguré en grande pompe ce boyau de 11 600 mètres entre Chamonix et le Val d'Aoste. C'était en juillet 1965. Le président Charles de Gaulle avait vanté " le fait technique exceptionnel qui relie la France et l'Italie en 15 minutes". Le tunnel, alors prévu pour 400 000 véhicules légers par an, deviendra rapidement le "canal de Suez" de la route. En 1985 on dénombre 1 400 000 véhicules par an dont un bon tiers de camions et pas loin de 2 millions aujourd'hui.
Le film de Lucile Berland et Mathieu Goasgen revient sur la catastrophe en donnant la parole à ceux et celles qui, d'une manière ou d'une autre, ont été les acteurs de ce drame unique au monde : familles de victimes, enquêteurs, magistrats, secours, journalistes.
" Quand j'ai vu le dossier pour la première fois, j'ai eu un choc."
Renaud le Breton de la Vannoise, président du tribunal de Bonneville
Deux ans d'enquête policière et un procès fleuve révèleront d'importants dysfonctionnements matériels et humains. Le procès s'ouvre en janvier 2005 à Bonneville : " Quand j'ai vu dossier pour la première fois, j'ai eu un choc, confie le président du tribunal. Il s'empilait du sol au plafond, comme une montagne à gravir." 16 prévenus poursuivis pour homicide involontaire, du chauffeur du camion au patron de l'AMTB (autoroute et tunnel du Mont-Blanc) , 160 témoins , 55 experts vont se succéder pendant trois mois à Bonneville. C'est le début de l'ère des grands procès.
Celui-ci sera le point de départ d'une révision complète de la réglementation. Un rapport parlementaire français identifiera une trentaine de tunnels à risque dans l'hexagone et insufflera des changements concrets dans la gestion des sociétés de tunnels et dans l'intervention des pompiers en milieu confiné. La tragédie du Mont-Blanc va inspirer une directive européenne pour renforcer durablement la sécurité des tunnels dans toute l'Europe.
Les familles de victimes, regroupées en association, se sont battues avec force, courage et ténacité pour comprendre, obtenir des réponses et faire le deuil. Plus de 20 ans après le drame, beaucoup d'entre elles ne passent pas sous le tunnel. Elles ne veulent pas rouler sur leurs morts.
"Tunnel du Mont-Blanc, les leçons de l'incendie", de Lucile Berland et Mathieu Goasgen, une coproduction Premières lIgnes/Ftv à voir le jeudi 13 avril 2023 à 22h45 sur France3 Auvergne-Rhône-Alpes dans la case documentaire la France en vrai. Le film est disponible sur la plateforme france.tv