Au lendemain de la décision suisse de ne plus intervenir sur les marchés pour plafonner sa monnaie, les queues ont continué à s'allonger devant les banques et les bureaux de change. Les Suisses qui vivent près de la frontière et les travailleurs frontaliers ont tout à gagner après cette opération.
Dans les queues devant les banques genevoises ou les bureaux de change, il n'y a pas que des travailleurs frontaliers, le Suisse moyen se réjouit, lui aussi, de cette mesure. Une quadragénaire exhibe fièrement son reçu bancaire, montrant qu'elle a reçu plus de 300 euros en échange de 300 francs suisses quand elle s'est précipitée dans sa banque pour changer des francs pour des euros. "J'ai gagné 60 francs suisses en une seconde", explique-t-elle. Pour obtenir ces mêmes 300 euros, elle aurait dû débourser la veille 360 francs suisses.
La démarche s'explique par le fait que de nombreux Suisses vont faire leurs courses chaque semaine dans les hypermarchés français et qu'ils économisent ainsi plus de 20% sur leurs dépenses outre-frontières hebdomadaires. Les dizaines de milliers de frontaliers français qui traversent chaque jour la frontière pour travailler en Suisse, sont les grands gagnants indirects de l'opération. En un instant, leur revenu mensuel a progressé de 30%. "Pourvu que ce taux de change tienne jusqu'à la fin du mois, quand je serai payée", espère une Française travaillant à Genève.
Reportage Ingrid Pernet-Duparc et Serge Worreth
L'économie suisse risque d'en souffrir
La Bourse suisse a aussitôt accusé le coup et fait un énorme plongeon. Beaucoup d'entreprises suisses, cotées en Bourse, sont fortement exportatrices et la décision de la Banque Nationale Suisse les met en difficulté pour écouler leurs produits à l'étranger. A la clôture, jeudi 15 janvier, l'indice SMI de la Bourse suisse, qui regroupe ses 20 valeurs vedettes, chutait de 8,67% à 8.400,61 points, après avoir perdu jusqu'à plus de 12% en séance.Les plus fortes baisses sont affichées par les valeurs du luxe, telles que Swatch (Breguet, Longines, Tissot) ou Richemont (Cartier, Van Cleef....), dont les produits s'arrachent à l'étranger. Ces sociétés ont vu leur action reculer respectivement de 16,35% à 382,30 francs suisses et 15,50% à 74,95 francs suisses. En effet, du fait de la hausse du franc suisse, leurs produits sont devenus plus chers de 20 à 30% pour les étrangers, qui risquent de s'en détourner.
La mesure a eu aussi des répercussions directes à l'étranger, notamment dans les pays où de nombreux particuliers ont contracté un prêt immobilier en francs suisses pour financer l'achat de leur maison ou de leur appartement au début des années 2000, à un moment où cela était très avantageux. L'engouement pour les emprunts en francs suisses, contractés la plupart du temps pour l'achat d'un logement, a été particulièrement fort en Pologne ainsi qu'en Hongrie et en Croatie au début des années 2000.