Au CH Alpes Léman, à Contamine-sur-Avre, les départs d'infirmiers pour la Suisse voisine sont monnaie courante. Alors pour combattre les sous-effectifs et attirer de nouveaux soignants, l'hôpital a mis en place un "plan d'attractivité", et attend les effets annoncés du Ségur de la santé.
Dans les couloirs du service de pneumologie du centre hospitalier Alpes Léman (CHAL) de Contamine-sur-Avre en Haute-Savoie, Fanny Boinnard est la doyenne des infirmières... à seulement 26 ans. Diplômée et active depuis 6 ans, elle n'a jamais quitté le service. Une exception ici.
Car la Suisse voisine agit comme sur l'hôpital public français comme un aimant à soignants, notamment grâce à de meilleurs salaires. En Suisse, un infirmier touche en moyenne autour de 5 000 euros, contre 2 200 pour un infirmier de la fonction publique en France.
Une différence de taille qui pèse sur les effectifs de l'hôpital. Dans le service dont il est cadre de santé, Cédric Sarreboubee compte "un ou deux départs par an d'infirmiers qui vont en Suisse après un ou deux ans d’experience" au CHAL. Parfois, il peut même y avoir "trois ou quatre départs en même temps".
Avec à la clé des difficultés "pour les équipes médicales qui doivent refaire confiance à une nouvelle équipe", alors que "des habitudes de travail se perdent et que des talents partent". Une véritable fuite des cerveaux médicaux.
Un "plan d'attractivité" pour l'hôpital
La situation a fait réagir la direction de l'établissement. Les responsables des ressources humaines ont donc décidé de lancer un "plan d'attractivité". Douze mesures qui doivent permettre au CHAL de boucher ses fuites.Parmi ces mesures, le soutien aux personnels jeunes parents a pesé sur la décision de Fanny Boinnard de rester au CHAL. "Je suis près de mon habitation, et une chose très importante est que j'ai ma fille de 9 mois à la crèche de l'hôpital", affirme-t-elle. La crèche accueille en tout plus d'une centaine d'enfants.
Le "plan d'attractivité" du CHAL s'est également attaqué à l'organisation du travail. Il a ainsi été "question de redonner de la place aux services, de reconstituer et de mettre l’accent sur des binômes managériaux cadre de santé-chef de service", expose Clément Caillaux, directeur des Affaires médicales de l'hôpital.
Avec pour objectif une amélioration notable des conditions de travail pour l'ensemble du personnel soignant.
En attendant l'argent du Ségur
Pas sûr cependant que ce plan à un million d'euros permette de compenser le manque chronique d'effectifs et de convaincre les soignants décidés à aller doubler leur salaire en Suisse.Mais le CHAL compte sur le concours du Ségur de la santé, signé en juillet, qui prévoit notamment le recrutement de 15 000 emplois hospitaliers pour "pourvoir les emplois vacants et mieux assurer les besoins de recrutements et les remplacements", précisait le texte. A cela s'ajoute une revalorisation salariale de 183 euros par mois pour 2 millions de personnels des hôpitaux et Ehpad publics.
Sur les 8 milliards d'euros débloqués par le Ségur de la santé, le CHAL devrait toucher de l'Etat 6,5 millions d'euros supplémentaires par an pour refaire ses effectifs et gonfler leurs salaires. De quoi, peut-être, fidéliser des soignants épuisés par des mois de lutte contre le coronavirus.