Les Suisses sont appelés, ce dimanche 28 novembre, à se prononcer sur les mesures sanitaires du gouvernement contre le Covid-19. Dans ce pays réputé pour son climat politique apaisé, ce vote se déroule sous haute tension.
Jamais la Suisse, dont la population s'apprête à voter ce dimanche 28 novembre, sur les mesures sanitaires du gouvernement, n'a connu un tel climat électoral d'agressivité. La police a notamment mis sous protection des politiciens menacés de mort.
Signe de ces tensions auparavant inimaginables dans un pays réputé pour sa culture du dialogue et du compromis, les forces de l'ordre ont dressé un grillage pour protéger le siège du gouvernement et du Parlement des éventuels assauts des militants anti-vaccin et anti-pass sanitaire.
Ces dernières semaines, leurs manifestations se sont multipliées dans tout le pays, aux cris de "liberté, liberté" et aux sons des "Freiheitstrychler" (sonneurs de liberté) : des groupes d'hommes vêtus d'une chemise blanche brodée d'edelweiss, symbole traditionnel de la Suisse, et portant deux grosses cloches de vache suspendues à un joug.
Nous constatons une augmentation des menaces depuis le début de la pandémie, avec une virulence inédite.
L'Office fédéral de la police.
À leurs côtés, une foule assez hétérogène, même si le profil-type est celui d'individus pas très jeunes et plutôt de droite, selon les premières observations des sociologues. Parfois interdites, certaines manifestations ont donné lieu à des affrontements avec la police qui a fait usage de balles en caoutchouc et de gaz irritant pour notamment faire décamper des individus s'approchant de trop près du Palais fédéral. On reste toutefois loin des véritables émeutes aux Pays-Bas la semaine dernière ou en Guadeloupe.
Sur les réseaux sociaux et ailleurs en ligne, les attaques contre les dirigeants politiques suisses soutenant la loi et les campagnes de vaccination foisonnent. Un flot d'insultes et de menaces de mort dont sont victimes de nombreux élus, y compris le ministre fédéral de la Santé, Alain Berset.
Nombre d'entre eux sont désormais sous protection policière. "Nous constatons une augmentation des menaces depuis le début de la pandémie, avec une virulence inédite", a indiqué l'Office fédéral de la police à l'AFP.
"L'ampleur que cela a pris est inédite", ajoute le politologue suisse Pascal Sciarini, de l'université de Genève.
"Un pays comme les autres"
La Suisse est pourtant la championne de la démocratie directe, multipliant à foison les référendums sur des sujets parfois très clivants dans un climat habituellement apaisé. Les Suisses doivent ainsi par exemple se prononcer dimanche sur une initiative populaire sur les soins infirmiers qui demande à la Confédération de garantir une "rémunération appropriée" des prestations de soin.
"En Suisse, on a les moyens institutionnels de s'exprimer. Généralement cela atténue le recours à des formes plus musclées, plus violentes de manifestations, mais on voit que les mœurs sont en train de changer quand on voit ce qui se passe dans la rue", explique Pascal Sciarini.
"La Suisse est devenue un pays comme les autres, avec quelques spécificités encore mais globalement ce n'est plus cette terre de consensus comme on le croit encore parfois", analyse-t-il.
Une loi encore soutenue
C'est dans ce climat de haute tension que les Suisses s'apprêtent à se prononcer dimanche sur les modifications de la loi Covid-19. Certains craignent même que les antivax dénoncent le résultat du vote s'il leur est défavorable. C'est la deuxième fois en moins de six mois que la population doit voter sur les mesures sanitaires. En début d'année, les citoyens avaient soutenu la loi Covid à 60% des voix lors d'un premier référendum.
Mais la loi ayant été modifiée pour notamment instaurer le "certificat Covid", réservé aux personnes vaccinées ou guéries, un second référendum a été lancé. La virulence inédite du débat est telle que certains des opposants au pass sanitaire le comparent à l'"apartheid" ou aux crimes commis par les Nazis.
On est plutôt un pays assez calme. Et là, effectivement ça va plus loin.
Michelle Cailler, porte-parole des "Amis de la constitution".
"On est plutôt un pays assez calme. Et là, effectivement ça va plus loin. À qui en revient la responsabilité ? Peut-être au gouvernement qui a pris des mesures sans vraiment s'occuper des dommages collatéraux", a déclaré Michelle Cailler, porte-parole des "Amis de la constitution", un des groupes à l'origine du référendum.
Selon les sondages, une majorité de Suisses - environ deux tiers - soutient encore la loi. Tout comme l'ensemble des mouvements politiques, à l'exception de la droite populiste UDC, premier parti du pays. Certains dirigeants de l'UDC, y compris le conseiller fédéral des Finances, ont d'ailleurs été photographiés portant la tenue des sonneurs de cloche. Pour Pascal Sciarini, "l'UDC attise le feu et joue un peu sur cette révolte".