Une inspectrice du travail doit comparaître vendredi devant le tribunal correctionnel d'Annecy pour violation du secret professionnel et recel de courriels de l'entreprise Tefal, à Rumilly des poursuites scandaleuses pour les syndicats qui organisent une manifestation de soutien.
Un informaticien de Tefal, aujourd'hui licencié, est lui aussi poursuivi pour détournement de courriels et accès frauduleux à un système informatique. Il leur est reproché d'avoir rendu public des mails internes à l'entreprise montrant que la direction avait cherché à entraver le travail de l'inspectrice.
Dans un de ces messages, une cadre de Tefal, basée à Rumilly en Haute-Savoie, remarque ainsi que le directeur départemental du travail (DDT), Philippe Dumont, a "le pouvoir" de changer Laura Pfeiffer, l'inspectrice mise en cause, "de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre". "Intéressant, non ?", souligne-t-elle.
S'ensuivent plusieurs échanges troublants entre M. Dumont et la direction de Tefal.
Saisi, le conseil national de l'inspection du travail (CNIT) a estimé en juillet 2014 que l'entreprise avait "porté atteinte" à l'indépendance de l'inspection "en tentant d'obtenir de l'administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d'affectation de l'inspectrice". "Ces pressions n'ont pas été suivies d'effet", souligne cependant le CNIT.
Par la suite, Laura Pfeiffer a établi un procès-verbal d'entrave à sa mission d'inspectrice, mettant notamment en cause sa hiérarchie. Elle a aussi porté plainte pour harcèlement moral contre M. Dumont. Ces faits font l'objet de deux enquêtes ouvertes par le parquet d'Annecy et confiées à la section de recherches de la gendarmerie de Chambéry.
- Pièce de théâtre -
Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c'est la décision du parquet, saisi d'une plainte de Tefal, de poursuivre l'inspectrice du travail pour violation du secret professionnel après la diffusion des courriels litigieux dans la presse.
Le 5 juin dernier, entre 350 et 500 personnes avaient manifesté devant le Palais de justice d'Annecy. L'audience initialement prévue ce jour-là avait été finalement reportée au 16 octobre à la demande des parties.
Les syndicats CGT, Sud, CNT, FSU et FO appellent à une nouvelle manifestation vendredi 16 octobre à 13H00. Et les intermittents du collectif 3A de Lyon reproduiront le procès au cours d'une pièce de théâtre devant le palais de justice.
"Quand on touche à l'inspection du travail, on touche aux droits des salariés", a mis en garde Fanette Freydier, inspectrice du travail syndiquée chez Sud. "On a le sentiment que la justice penche davantage d'un côté que de l'autre au détriment des salariés", a-t-elle ajouté.
Des inspecteurs du travail sont attendus de toute la France. Leur ancien collègue Gérard Filoche, figure de la gauche du Parti socialiste, devrait faire le déplacement, selon les syndicats.
En juin, c'est l'ancien secrétaire général de la CGT Bernard Thibault qui était venu à Annecy et avait promis de porter plainte auprès de l'Organisation internationale du Travail (OIT) si l'inspectrice était condamnée.
Le procureur d'Annecy, Eric Maillaud, a pour sa part contesté "formellement" avoir voulu, par ces poursuites, faire le "ménage" dans l'inspection du travail, des propos qui lui sont prêtés dans la presse.