Wagons luxueux dans le style Belle Epoque ou trains à crémaillère... Avec une moyenne de plus de 2 200 kilomètres parcourus par habitant chaque année, les Suisses sont les champions du monde des trajets en train. Plongée dans cet univers du rail pas comme les autres, à bord de wagons de légende et au milieu de panoramas exceptionnels.
Sur le quai, le sifflet retentit depuis 175 ans. Attention à ne pas le rater, une fois la locomotive démarrée, il sera trop tard. En Suisse, le train circule depuis près de deux siècles. Un mode de transport plébiscité par les Helvètes qui avalent en moyenne chaque année 2 277 kilomètres de rail. Les Suisses sont les champions du monde de la catégorie grâce à une offre ferroviaire variée et performante.
Une ponctualité à toute épreuve
Notre itinéraire débute à la gare de Cornavin de Genève. Dans le hall, les voyageurs se pressent mais connaissent exactement le quai à suivre. Montre au poignet ou coup d'oeil sur l'horloge, il ne faut pas rater le départ.
Chaque jour, de nombreux Suisses empruntent les chemins de fer fédéraux suisses (CFF) pour se rendre au travail. Certains débutent même leur journée dans le train par une petite visioconférence et du télétravail. Des bureaux mouvants avec vue sur lacs et montagnes. "Cela fait partie de la culture. Ils sont souvent à l'heure, toujours très propres. Le service est bien" confie Jules, tasse de café à la main.
Pour permettre une telle ponctualité, toute une équipe se charge de respecter les horaires prévus. Dans une salle de contrôle de Lausanne, chaque ligne est surveillée à la loupe car il ne faut pas déroger au cadencement suisse. "Par exemple à 8h20, j'ai le train pour Berne. 8h48, j'en ai un pour telle destination. J'établis cet horaire pour une ligne et après chaque heure j'ai le même. Le client n'a plus besoin de regarder les minutes précises", précise un contrôleur de CFF.
En Suisse, un train est considéré à l'heure lorsqu'il a "moins de trois minutes de retard." Une exigence à toute épreuve pour assurer les 70 000 correspondances quotidiennes. La recette de la ponctualité du rail suisse : une complémentarité entre l'homme et la machine.
A bord des wagons de la Belle Epoque
Retour dans les années 1930. Depuis près d'un siècle, son charme attire des milliers de voyageurs. Au début du XXe siècle, le train de la Belle Epoque, version suisse de l'Orient Express, était prisé par les Suisses fortunés qui appréciaient se déplacer en tout confort.
Mobilier en cerisier massif, rangements cuivrés, marqueterie et dorures, tout le style et raffinement de l'époque ornent encore aujourd'hui les wagons. Mais désormais, ce sont principalement des touristes qui s'offrent un voyage loin des temps actuels.
"On aimait bien ces époques où on avait les femmes avec les longues robes, les hommes très classe et chic. Cela nous change de l'époque d'aujourd'hui." se remémore Nadia, une touriste venue de Paris avec ses deux enfants. "Je préfère quand cela va lentement et qe l'on peut prendre le temps de regarder les paysages" glisse son fils.
L'aventure à bord de l'Orient Express suisse relie Montreux à la région de Gstaad, pour un tarif d'une centaine d'euros aller-retour, dans une atmosphère singulière "C'est très romantique. Je pense qu'il y a des histoires qui se créent ici peut-être !" décrit Bettina Syrbe, contrôleuse de la Belle Epoque.
Un voyage panoramique et innovant dans le GoldenPass Express
C'est un décor de cinéma qui s'offre aux voyageurs du GoldenPass Express. "C'est magnifique !", "c'est impressionnant !". Pendant 3h15 et 115 kilomètres, les passagers en prennent plein les yeux en reliant la Riviera suisse aux cimes enneigées.
A l'image de ce train, les Suisses ont toujours souhaité développer les chemins de fer. En 1914, 1 400 kilomètres de lignes ont été déployés. Par la suite, les projets n'ont jamais cessé de se multiplier. "Le train est perçu comme l'instrument premier de la modernité. Il amène des touristes, déplace des gens. Il permet à l'économie de se développer, à des régions de se désenclaver", confie Jérome Gachet, porte-parole de la compagnie du chemin de fer Montreux Oberland Bernois (MOB).
Dans cette optique, les prouesses technologiques se sont succédées jusqu'à la dernière en date : un bogie à écartement variable, une première mondiale permettant au train de passer d'une voie étroite à une voie normale.
Rendez-vous sur les rails à 3 454 mètres d'altitude
Chaque année, un million de curieux grimpent à 3 454 mètres d'altitude sans piolet ni corde. Depuis 1912, il est possible de rejoindre le pied de la Jungfraujoch sans aucun effort seulement en montant dans un train. Un accès à la station de chemin de fer la plus haute d'Europe pour 200 euros l'aller-retour.
Imaginé par l'entrepreneur suisse Adolf Guyer-Zeller, des rails permettent de rejoindre ce sommet de haute-montagne même s'il a fallu réaliser de grandes manœuvres. "Ils ont creusé l'Eiger puis le Mönch pour arriver sur le Junfraujoch. [...] Toute la construction a duré 16 ans et rien que le tunnel, 14 ans" raconte Kathrin Naegeli, responsable de la communication du chemin de fer de la Jungfrau.
En 30 minutes, les touristes atteignent le sommet et se pressent pour immortaliser le moment avant de s'engouffrer à l'intérieur dans le centre commercial, le musée et les grottes de glace. A l'extérieur, les activités de loisirs font le plein offrant un spectacle majestueux mais alarmant : la fonte du glacier d'Aletsch.
Rencontre avec un ferrovipathe
Parmi toute la flotte de trains suisses, lui, n'a jamais réussi à choisir. A Romainmôtier, dans le canton de Vaud, Georges Golaz conserve tous ses trésors dans les combles. Ce Suisse de 94 ans collectionne encore les moindres wagons et accessoires miniatures.
Il possède pratiquement l'ensemble des modèles du constructeur allemand Märklin. Sur son lit, il a rassemblé des dizaines de pièces, uniquement des doubles qu'il vend aux bourses et salons du miniature. Un butin rassemblé tout au long de sa carrière de chef monteur aux chemins de fer fédéraux suisses (CFF) mais entamé à ses huit ans.
"Il y a des trains partout où il y a de la place" glisse Georges en ricanant. "Tout ce qui tourne autour du train, c'est mon dada ! Ça tourne en folie." poursuit-il. Dans son atelier, ce ferrovipathe continue de façonner quelques petites pièces pour agrémenter sa collection. Un trésor qu'il continue d'enrichir sur les terres du paradis du rail.