Le tribunal administratif de Grenoble a sommé cette semaine la station de ski du Grand-Bornand de revoir son plan local d'urbanisme (PLU), soulignant des "insuffisances s'agissant de la protection de l'environnement" et des incohérences entre les prévisions de croissance démographique et le nombre de logements à construire.
La commune du Grand-Bornand, en Haute-Savoie, a un an et demi pour régulariser son plan local d'urbanisme, faute de quoi la justice pourrait annuler le PLU.
Saisi par plusieurs associations (dont "Protégeons le plateau de la Joyère contre l’urbanisation massive"), le tribunal administratif de Grenoble a décelé des manquements et des incohérences dans le plan, approuvé le 28 novembre 2019 par la commune.
La consommation d'eau pour la neige de culture en question
Dans sa décision du 6 mars, le tribunal souligne notamment "les insuffisances du PLU du Grand Bornand s’agissant de la protection de l’environnement", estimant que la commune n'a pas assez "expliqué les incidences sur l’environnement des choix qu’elle avait faits quant à la consommation d’eau pour la production de neige de culture, en forte augmentation depuis 2016".
Selon l'autorité environnementale, en effet, la consommation d'eau annuelle communale pour la neige de culture avait augmenté de 53% entre 2016 et 2019. La même autorité estimait en 2019 que "la consommation d’eau annuelle communale pour la neige de culture dépasse la consommation d’eau potable depuis 2016".
Le tribunal s'appuie sur les conclusions de l'autorité environnementale qui soulignait qu'"aucune analyse prospective de la consommation d’eau pour la neige de culture n'est présentée" et qu'"aucune solution de substitution n’est proposée".
Pour la justice, la commune a donc failli dans l'information de la population car "l’évaluation environnementale n’a procédé à aucune analyse sur l’eau destinée au développement de la neige de culture, fondant son analyse sur le fait que la ressource en eau est disponible, sans aucune justification".
Litige sur les chiffres de la croissance de la population
Station de ski de 2000 habitants à l'année, Le Grand-Bornand a validé avec le PLU la création de 420 logements pour répondre à la croissance démographique de la commune d'ici à 2030. Dans son rapport de présentation, la ville estimait que cet accroissement ferait passer la population de 2250 à 2600 habitants.
Ce calcul est remis en cause par le tribunal administratif de Grenoble.
"Il ne ressort d’aucune pièce au dossier que la population communale corresponde à 2250 habitants, l’autorité environnementale faisant état d’une baisse démographique de 2010 à 2015 et d’une population de 2 154 habitants en 2015, élément non contesté par la commune", indique la justice dans sa décision.
Un nombre de logements à construire surévalué
Par ailleurs, à considérer que la population évolue de 1,2 % par an, cela "ne permet pas d’en déduire une augmentation de 350 habitants pour atteindre 2600 habitants en 2030". D’autre part, quand bien même la justice prendrait acte de ces prévisions de croissance, "l’augmentation de 350 habitants n’explique pas la création de 420 logements pour les résidences principales et permanentes", relève le tribunal.
Les 18 hectares impartis aux constructions de ces logements sont eux aussi surévalués d'après la justice.
Quant aux 1500 lits supplémentaires prévus "à des fins exclusivement touristiques, correspondant à une consommation de 4,5 hectares d’espaces jusque-là dépourvus d’urbanisation", le tribunal estime que Le Grand-Bornand n'a pas "suffisamment justifié ces prévisions, notamment au regard d’une progression démographie exagérément optimiste".
Le tribunal nous a donné la possibilité de corriger ces insuffisances relevées dans un délai de 18 mois, c'est ce que nous allons nous attacher à faire
André Perrillat-Amédémaire du Grand-Bornand
La commune de Haute-Savoie bénéficie donc d'un sursis, contrairement à l'Alpe d'Huez qui a vu son PLU annulé par la justice à la mi-février.
"Le tribunal administratif a relevé quelques insuffisances, à la fois en termes d'évaluation, de justification de nos choix", a réagi le maire du Grand-Bornand, André Perrillat-Amédé. "Il nous a donné la possibilité de corriger ces insuffisances relevées dans un délai de 18 mois, c'est ce que nous allons nous attacher à faire", a-t-il assuré à l'AFP.
Des décisions "en résonance avec le rapport de la Cour des comptes"
"Ces décisions entrent en résonance avec le rapport de la Cour des comptes, rendu le 6 février 2024, sur l’avenir des stations de montagne confrontées au changement climatique et qui souligne le manque de hauteur politiques publiques d’adaptation au regard des enjeux liés au changement climatique", note le tribunal administratif de Grenoble dans un communiqué.
Il y a un mois, la Cour des comptes sonnait l'alerte sur le modèle économique du ski français selon elle "à bout de souffle". Elle relevait notamment un "patrimoine immobilier" inadapté et un "équilibre financier" fragilisé, plus encore dans un contexte de "changement climatique". Ce rapport avait été salué par les élus écologistes de la région Auvergne Rhône-Alpes qui selon eux leur "donne raison".
Les acteurs économiques ont eux dénoncé dans une tribune la "contestation systématique" de grands projets et "un immobilisme forcené" en Haute-Savoie.