Fermée depuis 1974, la fabrique "La perle du lac" à Saint-Gingolph (Haute-Savoie) va être relancée. Ces petites perles artificielles étaient les stars de l’époque. Le village franco-suisse souhaite les remettre au goût du jour et leur donner une nouvelle vie.
C'était une époque où le savoir-faire des artisans du Léman attirait des touristes venus des quatre coins du monde. A partir des années 1920, Saint-Gingolph (Haute-Savoie) a connu son âge d'or grâce à la fabrique de perles artificielles. Pendant une cinquantaine d'années, cette industrie a employé des dizaines de personnes dans le village, fabriquant colliers, bracelets et bijoux.
Ces petites sphères couleur nacre étaient confectionnées par des ouvrières à partir d'écailles d'ablettes (les sardines du lac) fournies par les pêcheurs. La fine couche de matière brillante sous les écailles du poisson était utilisée pour donner cette irisation si particulière : la perlescence.
"La perle artificielle est régulière et elle a un grand avantage par rapport à la perle dite naturelle : elle ne meurt pas, explique Claude Martenet, président du musée des traditions et des marques du Léman. Autrement dit, une perle, une vraie, si vous ne la portez pas, elle noircit et elle meurt. Les perles de Saint-Gingolph de 1922 n'ont pas bougé."
L'artisanat haut-savoyard prospèrera jusqu'à la fin des années 1970, date à laquelle une invention va venir bousculer ce fleuron de l'économie locale. Un chimiste parisien installé dans la région, un certain M. Douarin, met alors au point un procédé permettant d'améliorer le processus de fabrication. L'entrée dans le XXIe siècle signe donc la fin des petites fabriques en bordure du lac.
Unique en son genre
Mais c'était sans compter sur Jean-Loic Selo, le chimiste qui veut redonner vie à ces petites boutiques d'antan. Son objectif : faire revivre les procédés traditionnels dans la fabrique "La perle du lac", à Saint-Gingolph, en conservant ce qui fait la spécificité des perles du Léman.
"C'est une perle faite à partir d'un noyau d'émail. C'est du verre qui été trempé dans une solution qui s'appelle l'essence d'orient qui était faite à partir d'une matière du lac qui est l'écaille d'Ablette, un poisson blanc, détaille le bijoutier. On utilisait ces écailles et on récoltait une molécule précieuse qui donne cet aspect irisé de la nacre. Le bloc de liège avec les perles était ensuite trempé dans cette solution d'essence d'orient et cette opération était répétée jusqu'à vingt fois.".
Pour le moment Jean-Loïc assure seul la production mais il espère, d'ici deux à trois ans, qu'elle sera assurée par des Gingolais. Comme dans l'ancien temps.