Des portraits d'agriculteurs en noir et blanc ont été installés dans les rues de Megève. L'exposition de photos de Gilles Lorin propose de découvrir une autre facette de la station-village de Haute-Savoie, réputée pour son tourisme de luxe.
Dans une station construite par la famille Rothschild, dans un village qui compte pas moins de quatorze hôtels quatre et cinq étoiles, et où des chefs étoilés comme Emmanuel Renaut ou Anne-Sophie Pic proposent des menus d'exception, on n'imagine pas croiser des vaches ou des tracteurs à tous les coins de rue. Megève, dans l'imaginaire collectif, c'est une station de ski haut de gamme pour touristes fortunés.
Pourtant, l'élevage fait partie de l'histoire et de l'identité de la commune. Trente-cinq exploitations agricoles tournées principalement vers la production de lait et de fromage sont toujours présentes sur le territoire.
"La famille Rothschild reste très importante dans ce village. Elle a fait ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire un village où le luxe est extrêmement présent mais il y a une culture plus large et plus patrimoniale. Les dimensions religieuse et agricole font complètement partie de l'identité de Megève", assure Sylvain Hebel, adjoint délégué à la culture à la mairie de Megève.
Et c'est pour mettre en lumière cette facette de l'identité de la commune que la municipalité a souhaité exposer au grand jour et en plein air "les visages de l'agriculture".
Les portraits d'Aline, de Michel, de Philippe ou d'Edouard forment ainsi une galerie à ciel ouvert dans le jardin alpin de Megève.
"A Megève, il y a beaucoup de touristes, beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur et je pense qu'ils ne savent pas qu'on a autant d'agriculteurs et que Megève vit toute l'année avec des agriculteurs qui entretiennent les terrains et le paysage de Megève", estime Aline Maillet-Contoz, agricultrice et productrice de fromages.
Gilles Lorin, le photographe qui a réalisé ces portraits, a passé son enfance à Megève. Et s'il a toujours eu conscience de la tradition agricole du village pour "avoir été à l'école avec des enfants d'agriculteurs" et "passé beaucoup de temps dans les prés et en montagne, à aller chercher le lait le matin à la ferme", il dit avoir "découvert une agriculture très dynamique, très jeune, avec une cinquantaine d'agriculteurs et d'apiculteurs sur la commune, ce qui est quand même très important pour un village de cette taille", où résident 3000 habitants à l'année.
Guillaume Maillet-Contoz, qui élève des vaches de races Tarine et Abondance, était lui plutôt "sceptique" au départ. "On est un peu pudique dans le monde agricole, on travaille beaucoup, on n'aime pas trop se mettre en avant. Etre affichés au milieu de Megève, il n'y en a pas un que cela bottait beaucoup à la base mais on l'a fait pour Megève et finalement je trouve que c'est réussi, cela a eu le mérite de parler de nous", concède-t-il.
Ce coup de projecteur inattendu portera peut-être ses fruits pour susciter de nouvelles vocations, espère-t-il. Car à Megève, comme ailleurs en France, le renouvellement des générations dans l'agriculture est l'un des enjeux majeurs à venir.
"A Megève, les derniers installés, dont je fais partie, son nés dans les années 1990 et derrière, dans les jeunes, on ne voit pas beaucoup de personnes qui veulent s'installer. Il va y avoir une vague de départ en retraite avec des fermes plus ou moins difficiles à reprendre", s'inquiète-t-il.
"Cette exposition photo, c'est le démarrage mais il faudra aller plus loin à l'avenir en concertation avec les élus pour que l'agriculture puisse continuer à Megève", conclut l'éleveur.
L'exposition "Megève, les visages de l'agriculture" est à voir jusqu'au 8 mai.